Skip to main content

ROBERT de BAVIERE

Éve?que de Strasbourg (? apre?s 1415 † Saverne 17.10.1478).

Fils d’Étienne, comte palatin du Rhin, duc de Bavie?re, comte de Veldentz et de Sponheim, et d’Anne, fille de Fre?de?ric, le dernier comte de Veldentz. C’est sans doute l’ambition de son pe?re, lui-me?me fils du roi des Romains Robert, qui le poussa sur le devant de la sce?ne. La succession de Guillaume de Diest e?tait difficile. Apre?s de longues tractations, l’un des candidats, Conrad de Bussnang avait obtenu l’appui du concile de Ba?le (10 juin 1440). Mais a? peine avait-il triomphe? de son rival, Jean d’Ochsenstein, qu’il mesura l’ampleur de la ta?che qui l’attendait. Il prit pour coadjuteur Robert, puis, en compagnie d’Étienne, les deux pre?lats se rendirent a? Ba?le ou? le pape Fe?lix V accepta la de?mission de Conrad et nomma Robert a? sa place (18.8.1440). L’Obermundat et 3.000 florins de rente assure?rent a? Conrad une retraite confortable. Le nouvel e?ve?que n’avait pas les de?fauts dont son pre?de?cesseur indirect Guillaume de Diest ne s’e?tait que tre?s incomple?tement de?fait, mais Robert n’e?tait pas pour autant un pre?lat mode?le. Pre?tre de?s 1440, il ne disait la messe et ne communiait qu’une fois par an, le Jeudi Saint. Les actes pontificaux ne furent jamais accomplis par ses soins ; il en chargea des évêques auxiliaires ; d’ailleurs, à sa mort, on ne trouva ni mitre, ni crosse chez lui. Il eut de nombreuses liaisons et la chute qu’il fit au cours d’une escapade nocturne le laissa boiteux pour le restant de ses jours. Qu’il eût des bâtards ne le gênait point ; les noces de l’un d’entre eux furent l’occasion de festivités coûteuses auxquelles participèrent de nombreux invités. Ce n’était pas un libertin sans foi ni loi. En plus de l’office qu’il récitait tous les jours, il disait quelques prières privées.
Robert était bien plus prince que prélat. Il l’était jusque dans son costume ; habituellement, il allait en habit court, l’épée au côté. Il se plaisait en la compagnie des nobles et couvrait parfois fort imprudemment les activités de certains d’entre eux. On se plaisait à dire qu’il avait peut-être partie liée avec ceux qui s’adonnaient à des formes de guerre privée très proches du brigandage pur et simple. Mais du grand seigneur, Robert avait le sens du commandement. Il n’ignorait pas que ses semblables, dans les principautés territoriales, étaient en train de créer des structures de l’État moderne, qu’en tout cas, ils en jetaient les bases. Bien que ses études à l’Université de Heidelberg eussent été brèves — quelques mois à peine —, il comprit rapidement le parti qu’un prince pouvait tirer de serviteurs disposant d’une bonne formation juridique. Pendant dix ans, de 1440 à 1450, Henri de Beinheim, dont le savoir et le zèle avaient été remarqués déjà par les Pères du concile de Bâle, fut son conseiller attitré. Les postes importants de la curie diocésaine furent toujours tenus par des juristes, l’official et le vicaire général, presque toujours docteurs en
droit, virent leur rôle s’accroître. Robert, ne fût-ce que pour faire régner l’ordre dans le domaine placé sous son autorité, accorda pendant une grande partie de son épiscopat beaucoup d’attention à la réforme, surtout après son voyage à Rome en 1449, voyage au cours duquel il rencontra sans doute Nicolas de Cues, le futur légat réformateur du pape Nicolas V pour l’Empire. Mais ses efforts n’obtinrent que des succès très limités. Il s’attira l’animosité des religieux mendiants qui firent éclater en 1454, la querelle de l’ultimum vale, accusant les curés d’extorquer des fidèles à l’occasion des funérailles des taxes exorbitantes. Un étalage inouï de désordres, complaisamment énumérés dans les reproches que s’adressaient les deux camps, causa dans le peuple un scandale durable. Ni le clergé séculier, ni les réguliers ne s’amendèrent sensiblement. Des tentatives de réforme échouèrent pareillement à l’abbaye de Hohenbourg et à celle de Saint-Étienne. Le seul succès d’importance fut remporté par les chanoines de Windesheim qui, en 1454, prirent possession de Truttenhausen qui devint, avec le petit couvent de Franciscains observants de Saint-Ulric, dans la vallée de la Kirneck, un foyer de spiritualité fort fréquenté par les dévots du diocèse. Il faut porter aussi au crédit de Robert son intervention en faveur des Dominicaines réformées de Sainte-Agnès que les religieuses de Sainte-Marguerite refusaient de recevoir. Robert vint à Strasbourg et ne repartit à Saverne qu’après
avoir brisé la résistance de Sainte-Marguerite. Sa situation financière contraignit Robert à s’entendre avec la ville qui redoutait les ambitions d’Étienne, son père. Il dut dès 1440 garantir au Magistrat et au Chapitre tous les avantages qu’avait dû leur consentir Guillaume de Diest. En 1448, en échange d’un prêt de 8.000 florins, il dut abandonner à la ville le droit d’utiliser tous ses châteaux et toutes ses places fortes.
L’argent devint à la fin de sa vie véritablement une hantise ; il finit par se comporter en durissimus exactor. Tout était prétexte à la levée de taxes. Il ne fut guère regretté quand il mourut. L’oraison funèbre que lui fit Geiler © — prédicateur de la cathédrale depuis quelque mois — ne fut guère qu’un exercice de style, sans aspérités ni brillant.
F. Rapp, Réformes et Réformation à Strasbourg, Paris, 1974, p. 171-175, 321-346.

Francis Rapp (1998)