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RICHARDE (RICHARDIS, RICHGARDA) sainte

Epouse de Charles III dit le Gros, reine (876), impératrice (881/882-887), fondatrice de l’abbaye d’Andlau (vers 880), (C) (★ Andlau vers 840 † Andlau 18.9.894/896 ?, avant 900/909).

Fille d’un comte d’Alsace du nom d’Erchangar. ∞ été 862 Charles (★ 839 † 13.1.888), alors gouverneur du Breisgau, fils de l’empereur Louis II. Richarde partagea l’ascension et les destinées de son mari, Charles III, appelé plus tard le Gros. Celui-ci parvint à réunir par le jeu des héritages sous une union personnelle tous les territoires de l’ancien empire de Charlemagne : Charles et Richarde furent roi et reine d’Alémanie (876-887), de la Francie orientale ou de Germanie (882-887), d’Italie (879-887), de Lotharingie (882-887), de la Francie orientale ou de la France (885-887) et encore en 887 de la Bourgogne. Ils furent couronnés empereur et impératrice, le 12 février 882, par le pape Jean VIII à Rome. Ils conservèrent cette dignité impériale jusqu’à la destitution de Charles III en 887. Durant une vingtaine d’années, le mariage avec Richarde et le règne de Charles le Gros se déroulèrent sous les meilleurs auspices. Le comte Erchangar avait légué à sa fille une dot (Morgengabe), digne de son rang, avec des biens situés à Marlenheim, Kintzheim, peut-être dans la haute vallée de la Bruche et dans la forêt du Donon (ou de Dabo). De son côté, Louis le Germanique légua en août 872 une dot importante à son fils Charles pour son épouse Richarde : les biens étaient situés dans le Brisgau, à Endingen, Kiechlinsberg et Bahlingen près du Kaiserstuhl. Ces possessions passèrent ensuite dans le patrimoine de l’abbaye d’Andlau. En 878, Charles le Gros institua son épouse Richarde comme abbesse laïque des abbayes de Säckingen et de Saints-Félix-et-Régule à Zurich, dont elle devait toucher les revenus à vie, même après le décès de son mari. Plus tard, en 881, s’y ajoutèrent l’abbaye Saint-Marin de Pavie et le monastère de Zurzach sur le Rhin supérieur. Dans ces abbayes, Richarde jouissait des honneurs dus à l’abbesse et de revenus afférents à cette charge, sans exercer elle-même les fonctions de supérieure. Une prieure (praeposita) la remplaçait dans ce rôle. Vers 880, elle fonda sur ses terres paternelles à Andlau, appelé alors Eleon, près de l’église du Saint-Sauveur, un monastère pour femmes et jeunes filles. Selon la légende, une ourse lui en indiqua l’emplacement. Lors de son couronnement en février 881, Richarde plaça cette fondation sous la tutelle de saint Pierre, anticipant une manière de faire que l’ordre de Cluny devait généraliser plus tard. Encore en 884, Charles le Gros soumit le monastère de Bonmoutier à l’abbaye d’Andlau. Envers Charles son époux, indécis et trop faible pour porter ses grandes responsabilités, elle exerçait un véritable rôle de soutien et d’inspiratrice. Le pape Jean VIII lui écrivit comme à « sa fille spirituelle », pour qu’elle rappelât à son mari ses obligations de protecteur du Siège apostolique. Dans cette fonction de conseillère, Richarde agissait de concert avec le chancelier impérial Liutward ©, évêque de Verceil, homme rusé et assoiffé de pouvoir. Cette collaboration trop confiante avec une éminence grise, détestée par la cour, devait se révéler par la suite funeste pour l’impératrice. Comme elle avait suivi son époux dans l’ascension, Richarde l’accompagna aussi dans sa disgrâce. Charles III ne possédait pas la stature voulue pour gouverner un empire couvrant toute l’Europe occidentale. Impuissant à résister à l’invasion des Normands, il monnaya leur départ à prix d’argent, malgré une supériorité militaire indéniable. Les grands du royaume ne lui pardonnaient pas ces faiblesses. Ils exigèrent la démission de son chancelier Liutward, qu’ils accusèrent d’être un mauvais conseiller et qu’ils rendirent responsable de ces échecs. La diète de Tribur (Kreis Gros-Gerau, sur la rive droite du Rhin au sud de Mayence) obligea, en novembre 887, l’empereur Charles et, par le fait même, l’impératrice Richarde à abdiquer. Accusée d’infidélité conjugale, calomniée d’adultère avec le chancelier Liutward, Richarde aurait été contrainte à prouver son innocence, en se soumettant à l’ordalie, le jugement de Dieu par les éléments naturels. Les attestations les plus anciennes, de Réginon de Prüm († 915), de Hermann Contract († 1054), de Sigebert de Gembloux († 1112), dans leurs Chroniques, restent assez discrets à ce sujet. Le cliché de Richarde, traversant les flammes, habillée seulement d’une chemise enduite de cire, repose sur les témoignages plus tardifs de la Kaiserchronik (XIIe-XIIIe siècles) et de Jacob Twinger von Koenigshoffen († vers 1420). Mais cette représentation légendaire a ensuite envahi toute l’iconographie de Richarde. De fait, celle-ci n’eut aucune peine à prouver son innocence. Son époux Charles lui-même dut reconnaître qu’il n’avait jamais eu de relations conjugales avec son épouse légitime. Si impuissance il y eût, celle-ci n’eût été que relative : car de Charles on connaît le bâtard Bernhard. La continence envers Richarde peut encore reposer sur un choix délibéré de la part de son épouse, qui aurait fait vœu de virginité : ses hagiographes abondent généralement en ce sens. Destituée et humiliée, l’impératrice se retira dans sa fondation d’Andlau. Elle donna des statuts aux religieuses, sans être elle-même leur abbesse, tout en exerçant le rayonnement de fondatrice. Ce règlement de vie consacrée, qui nous est parvenu dans un texte interpolé de la fin du XIe siècle, fait quelques allusions à la Règle de saint Benoît. Mais le genre de vie que l’on menait à l’abbaye d’Andlau dès les origines dut ressembler, selon toutes les indications, plus à celui de chanoinesses régulières qu’à celui de moniales bénédictines. L’ancienne impératrice, devenue humble religieuse, y termina sa vie dans la prière, l’étude, la bienfaisance. Elle mourut un 18 septembre, sans que l’année soit connue, peut-être en 894/896, certainement avant 906/909. Le pape Léon IX ©, de retour du synode de Mayence, c’est-à-dire durant son premier voyage papal en Alsace, s’arrêta le 10 novembre 1049 à l’abbaye d’Andlau : à la demande de l’abbesse Mathilde, le pape bénit la nouvelle église, encore inachevée, en l’honneur des saints Fabien et Félicité ; en même temps, il consacra l’autel majeur, terminé, en y transférant les reliques de sainte (beata) Richarde. Selon les usages du temps cette reconnaissance des reliques équivalait à la canonisation. Le pape composa aussi en l’honneur de la sainte un office versifié et noté en chant grégorien : Adest dies celeberrime (Voici venu le jour radieux !).

Sources sur Richarde, femme politique et fondatrice d’Andlau : Diplôme de Louis le Germanique de 862 (?) : Monumenta Germaniae Historica DD Karolinorum, t. 1, Louis le Germanique, 1932, n° 108, p. 155-156. Diplômes de Charles III le Gros de 877, 878, 880, 881 (4), 884 (3), 887, 881 (?) : Monumenta Germaniae Historica DD Karolinorum, t. 2, Charles III, 1937, n° 4, p. 6-7, n° 7, p. 11 (=Urkb. der Stadt u. Landschaft Zürich, 1, 1988, n° 134, p. 55-56) ; n° 24, p. 40-41 ; n° 38, p. 65 ; n° 42, 43 et 44, p. 70-73 ; n° 46, p. 75-76 ; n° 96, p. 156-157 ; n° 104, p. 167-168 ; n° 109, p. 174-175 ; n° 154, p. 248-250 ; n° 178, p. 293-295 (faux). Diplôme de Richarde de 884 : Monumenta Germaniae Historica DD Karolinorum, t. 2, Richgard, n° 1, p. 327-328 (faux reposant sur un authentique), p. 369 (différentes graphies du nom de Richgarda). Diplôme du roi Louis IV l’Enfant de 900-909 : Monumenta Germaniae Historica DD Karolinorum, t. 4, Louis l’Enfant, 1960, n° 68, p. 200-203. Lettres du pape Jean VIII (872-882) : Lettre de nov. 881, de mars 882 : Monumenta Germaniae Historica Epistolae, t. 7, 1912, Jean VIII, n° 291, p. 254-255, n° 309, p. 267-269 = Patrotogie latine, t. 126, c. 949-950. Cf. Ph. Jaffé – G. Wattenbach, Regesta pontificum romanorum, t. 1, Leipzig, 1885, n° 3337 et paragraphe précédent, n° 3380, p. 417, 421. Statuts attribués à sainte Richarde pour l’abbaye d’Andlau (dans leur état actuel, ces statuts datent de la fin du Xle siècle, cf. Monumenta Germaniae Historica DD Kar. t. 4, 202) : éd. D. Schoepflin, Alsatia diplomatica, t. 1, Manheim, 1772, n° 281, p. 179 et s. ; Ph.-A. Grandidier,  Histoire de l’Église et des évêques princes de Strasbourg, t. 1, P.J. n° 165, p. ccciv-cccx ; A. Bruckner, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini, Strasbourg-Zurich, 1949, n° 656, p. 390-395 (indications d’autres éditions anciennes). Chroniques: Reginon de Prum (vers 906) : Monumenta Germaniae Historica SS, t. 1, 1826, p. 597, 1.12- 24 ; Hermann Contract (ou de Reichenau) : Monumenta Germaniae Historica SS, t. 5, 1844, p. 109, Année 887 ; repris par Bernold de Constance (ou de Saint-Blaise) : Monumenta Germaniae Historica SS, t. 5, p. 421, Année 887 ; Sigebert de Gembloux (vers 1111) : Monumenta Germaniae Historica SS, t. 6, 1843, p. 343, Année 889 ; Chronicon Ebersheimense (vers 1160), c. 15 : Monumenta Germaniae Historica SS, t. 23, 1874, p. 439 ; de la Kaiserchronik (vers 1260) : Monumenta Germaniae Historica Deutsche Chroniken, t. 1/1, 1892, vers 15400 à 15517, p. 360-362 ; Jacob Twinger von Koenigshoffen (1382-1415), éd. C. Hegel, Die Chroniken der oberrheinischen Städte, Strassburg, Leipzig, t. 1, 1870, p. 414, t. 2, p. 740, 901. Synthèses anciennes : Acta Sanctorum, édition des Bollandistes, Septembre, t. 5, Anvers, 1755, p. 793-798 : De S. Richarde imperatrice Virgine Andlaviae in Alsatiae sylloge historica. Ph.-A. Grandidier, Histoire de l’Église et des évêques princes de Strasbourg, t. 1, Strasbourg, 1778, p. 224-241 et P.J. n° 133, 146, 148, 149, 165, 168. Ph.-A. Grandidier, Andlau, Œuvres historiques inédites, t. 1, Colmar, 1865, p. 214-269. Canonisation par Léon IX : Ph. Jaffé – G. Wattenbach, Regesta pontificum romanorum, t. 1, n° 4195, p. 534. Patrologie latine, t. 143, c. 633-635. Cf. Raissa Bloch, « Die Klosterpolitik Leos IX. in Deutschland, Burgund und Italien », Archiv für Urkundenforschung, 11, 1939, p. 176-257, surtout p. 219, 254 ; B. de Vregille, Hugues de Salins, archevêque de Besançon 1031-1066, Besançon, 1981, p. 148. M. Bernard, « Les offices versifiés attribués à Léon IX (1002-1054) », Études grégoriennes, 1980, p. 80-164, surtout p. 93.

Articles de répertoires ou de dictionnaires (généralement avec bibliographie antérieure) : Bibliotheca hagiographies latina, t. 2, Bruxelles, 1900/1901, p. 1045; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 566-567 ; A. Brackman, Germania pontificia, t. III/3, Berlin 1935, p. 39-43 ; Clauss, Die Heiligen im Elsass, Düsseldorf, 1935, n° 56, p. 111-113, 222-223 ; A. M. Zimmermann, Kalendarium benedictinum, t. 3, Metten, 1937, p. 105 ; Bénédictins de Paris, Vies des saints et bienheureux, t. 9, Paris, 1950, p. 385-387 ; Lexikon für Theologie und Kirche, 2e éd., Fribourg en Br., t. 1, 1957, c. 509 (Andlau) ; t. 8, 1963, c. 1295 (Richardis) ; Bibliotheca sanctorum, t. 11, Rome 1968, c. 157- 158 ; Lexikon des Mittelalters, art. Andlau, Karl III. der Dicke, Liutward, Richardis, t. 1, 1980, c. 597 ; t. 5, 1991, c. 968-969, 2042 ; t. 7, 1994, c. 827 ; Helvetia sacra, Abt. III, Bd. 1, Berne, 1986, Teil 1, 335-336 (Säckingen), Teil 3, 1996 (Zürich), passim (cf. index p. 2107). Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, t. 12, Paris, 1990, 1201-1202 ; Cf. aussi les articles « Andlau » dans Clauss, Historisch-topographisches Wörterbuch des Elsass, Saverne, 1895, p. 36-41 ; Das Reichsland Elsass-Lothringen, Statistisches Bureau, Strasbourg, t. 2, 1901, p. 31 ; L.-H. Cottineau, Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, t. 1, Mâcon, 1939, p. 98 ; Barth, Handbuch der elsässischen Kirchen im Mittelalter, c. 64-71. Bibliographie moderne : G. Wagner, « Studien zur Geschichte der Abtei Andlau », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 66, NF 27, 1912, 445-469, surtout p. 446-448 ; M. Barth, « Die hl. Kaiserin Richardis und ihr Kult », Festschrift zur Neunhundert Jahrfeier der Weihe der Stiftskirche von Andlau und der Heiligsprechung von St. Richardis durch Papst Leo IX. (1049-1949), Sélestat, 1949, p. 11-100; H. Büttner, « Kaiserin Richgard und die Abtei Andlau », Archives de l’Église d’Alsace, 23, 1956, p. 83-91 (Réédition dans Geschichte des Elsass /, 2e éd., Sigmaringen, 1991, p. 294-301); H. Keller, « Zum Sturz Karls III », Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters, 22, 1966, p. 333-384, surtout p. 354-355 ; K. F. Werner, « Die Nachkommen Karls des Grossen bis um das Jahr 1000 », Karl der Grosse. Lebenswerk und Nachleben, t. 4, Das Nachleben, hrsg von W. Braunfels und P. E. Schramm, Dusseldorf, 1967, p. 403-479, surtout n° 23, p. 451-452 et tableau Génération 4, n° 23 ; M. Borgolte, « Die Geschichte der Grafengewalt im Elsass von Dagobert I. bis Otto dem Grossen », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 131, NF 92, 1983, p. 3-54, surtout p. 25, 34-35 ; idem, Die Grafen Alemanniens in merowingischer und karolingischer Zeit. Eine Prosopographie, Sigmaringen, 1986, p. 105- 109 (le comte Erchangar I, 816-821 ou 817-827/8, ne peut pas être le père de Richarde pour des raisons chronologiques ; le père de Richarde du nom de Erchangar doit être son fils ou son neveu), p. 160- 164 (Karl III) ; R. Schieffer, Die Karolinger, Stuttgart, 1992, p. 170- 186 ; D. Geuenich, Richkart, ancilla Dei de caenobio Sancti Stephani. Zeugnisse zur Geschichte des Strassburger Frauenklosters St. Stephan in der Karolingerzeit, Festschrift für Eduard Hlawitschka zum 65. Geburtstag, hrsg. von K. R. Schnith und R. Pauler, (Münchener historische Studien. Abt. Mittelalterliche Geschichte, Bd. 5), Munich, 1993, p. 97-109, surtout p. 106-109 ; R. Schieffer, « Karl III. und Arnolf », Festschrift für Eduard Hlawitschka, p. 133-149, surtout p. 139.

Iconographie :
Richarde est généralement représentée en impératrice, parfois avec la couronne déposée. Sa traversée des flammes évoque le jugement de Dieu pour prouver sa fidélité conjugale et sa virginité dans le mariage. En tant qu’abbesse, elle est accompagnée d’un ours, par allusion à la légende de l’ours qui lui aurait indiqué l’emplacement de l’abbaye. Cf. Lexikon der christlichen Ikonographie, Fribourg en Brisgau, t. 8, 1976, c. 268.

René Bornert (1998)