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RIBEAUPIERRE de (RAPPOLTSTEIN von)

Famille noble de Moyenne Alsace, l’une des plus puissantes de la région du XIIe au XVIIe siècle. Son origine est obscure ; une première famille étend son pouvoir dans la région de Ribeauvillé, entre 1022 et 1156, famille dont on ne sait pratiquement rien. Une tradition mise au net au XVe siècle parle de deux frères ducs de Spolète qui se seraient installés l’un en Souabe (souche des ducs d’UrsIingen), l’autre en Alsace (souche de Ribeaupierre) : il s’agirait d’Eguenolphe/Egenolf d’UrsIingen qui était en possession de la seigneurie à partir de 1163 et qui décéda vers 1188. Les liens avec la famille précédente ne sont pas clairement définis (peut-être par mariage), Eguenolphe n’est pas mentionné comme sire de Ribeaupierre (titre qui apparaît chez ses petits-fils en 1219), mais il semble bien être l’ancêtre de la seconde lignée qui subsista jusqu’en 1673.

  1. Anselme II (dit le Hardi),

(† 1311) noble disposant de ressources lui permettant de mener une politique batailleuse, il profita de l’absence de pouvoir royal fort dans la région, jusqu’à s’opposer à Rodolphe de Habsbourg élu roi en 1273. Il guerroya contre l’évêque de Bâle (en 1280), celui de Strasbourg (1281), les bourgeois de Colmar (1280) ; il détruisit Saint-Hippolyte et ses environs (1287), 120 villages outre-Vosges, lutta contre le sire de Horbourg et le roi Rodolphe qui l’assiégea en vain dans le château de Haut-Ribeaupierre, contre les Strasbourgeois qui le firent prisonnier en 1292 ; en 1293, il occupa Colmar que lui livra le prévôt Roesselmann. Le roi Adolphe de Nassau intervint et prit la ville après un siège ; Anselme fut enfermé pendant trois ans dans le château d’Achalm, Wurtemberg, péripétie qui marqua la fin de sa vie guerrière. Son frère Hermann avait mis la main en 1288 sur le château de Hohnack, forteresse qui domine le Val d’Orbey et dont la possession augmenta considérablement la puissance de la famille.

  1. Brunon,

(† 1398). Fils de Jean III (1309-1361), neveu de 1. Il épousa Jeanne de Blamont-Magnières, riche mariage qui le poussa à s’intéresser à la politique lorraine, champenoise et bourguignonne, puis Agnès de Grandson. On le voit à la cour du duc de Bourgogne Philippe le Hardi ; il fut fait prisonnier par les Anglais en 1370 à Abbeville (où il combattait pour le roi de France Charles V). Il fit prisonnier en pleine paix un chevalier anglais, John Harleston, qui avait pillé ses terres d’outre-Vosges. Malgré les pressions du roi Wenceslas, du pape, du roi d’Angleterre, du duc de Luxembourg, Brunon garda Harleston prisonnier; en 1384, il fut mis au ban de l’Empire et ne relâcha l’Anglais que contre une forte rançon et après avoir passé en 1386 une alliance avec le roi de France. Le roi Wenceslas chercha alors à le regagner par une autre alliance, en 1391, et en lui octroyant des faveurs importantes. Au même moment, Brunon dut reconquérir la ville basse de Ribeauvillé sur les Strasbourgeois qui avaient saisi ce gage, Brunon ne s’acquittant pas de ses dettes à leur égard. Allié avec d’autres puissants de la région, il participa à une guerre ravageuse contre la ville en 1391-1393, guerre qui reprit en 1396 : les Strasbourgeois prirent Bergheim au Ribeaupierre et bombardèrent Guémar. Brunon dut alors trouver une composition financière avec la ville.

  1. Maximin ou Smassmann Ier,

Fils de 2 et d’Agnès de Grandson. Âgé de 15 ou 16 ans en 1398, il chercha d’abord à restaurer l’assise territoriale et financière de sa famille. Il se défit donc pour un temps de la ville de Guémar, réussit à récupérer la moitié de la seigneurie d’Échery (en 1399), mais dut accepter l’arbitrage du duc Léopold d’Autriche dans le conflit l’opposant à Jean de Lupfen qui revendiquait une part des biens des Ribeaupierre du chef de sa défunte épouse Herzlaude de Ribeaupierre : la seigneurie de Hohnack fut remise à Jean de Lupfen et à son fils aîné, et ne fit retour aux Ribeaupierre qu’à la mort de ce dernier, ainsi que le gage de Hohlandsberg. En 1403, Maximin participa à une ligue contre Bernhard Ier de Bade qui détenait alors Guémar, mais ne parvint qu’à récupérer un quart de la ville et du château. À partir de 1406, le sire de Ribeaupierre se lança dans un jeu politique passablement compliqué, en se plaçant dans le sillage des ducs d’Autriche dont il devint vassal pour différents villages en Brisgau. Il fut nommé Landvogt (grand-bailli) pour les domaines autrichiens en mai 1406 et le resta jusqu’en décembre 1407, lorsque son administration fut contestée auprès de la duchesse Catherine de Bourgogne, gouvernant la Haute Alsace qui constituait sa dot. Un procès s’en suivit qui déboucha sur un accord. Puis Maximin joua un rôle central dans la politique autrichienne : Catherine de Bourgogne trouva en lui son plus ferme appui, alors que son pouvoir fut contesté après la mort de son mari Léopold IV, en juin 1411, par la noblesse et par le duc Frédéric IV d’Autriche. Ce soutien alla jusqu’aux fiançailles entre le sire et la duchesse, voire au mariage. En 1419, M. dut accepter de partager la seigneurie avec son frère Ulrich, qui mourut à Bulgnéville, Moselle, en 1431, sans enfants. La même année, Maximin acquit de Caspar Schlick, chancelier d’Empire, un fief immédiat d’Empire : le château de Pflixbourg, les villages de Gunsbach, Griesbach et différents biens. Par ailleurs, Maximin participa à la croisade contre les Hussites de Bohême en 1421, à la ligue pour la paix publique contre le margrave Bernard Ier de Bade, contesta au duc de Lorraine la seconde moitié de Guémar (1424-1429). Après 1430, le sire fut de nouveau proche du duc d’Autriche Frédéric IV qui le nomma landvogt en 1432, jusqu’en 1437. À cette date, Maximin s’était remarié avec Elsa Wetzel, de petite noblesse, qui lui donna de nombreux enfants et dont la famille fut déclarée immédiate d’Empire en 1434 par l’empereur Sigismond, lequel légitima également cette union. À la même époque, Maximin réussit à récupérer la seigneurie de Hohnack (1436-1438), tout en s’imposant face aux sires de Hattstatt (1434-1441). À cette date et jusqu’à sa mort début 1451, le prestige du Ribeaupierre fut grand au point qu’il fut nommé en novembre 1435, conjointement avec l’évêque Guillaume de Diest, protecteur du concile de Bâle, et qu’il participa à un certain nombre d’arbitrages dans la vallée du Rhin tout en assurant des missions ponctuelles au service de l’empereur ou des archiducs d’Autriche. Avec Maximin Ier, les Ribeaupierre furent pour la première fois mentionnés comme protecteurs de la confrérie des ménétriers, liée au pèlerinage de Dusenbach, fondé près de Ribeauvillé par les Ribeaupierre et plusieurs fois agrandi par leurs soins.

  1. Guillaume Ier,

(1427 † Ribeauvillé 20.6.1507). À la mort de son frère aîné Gaspard (en 1456), Guillaume devient le chef de la famille et de la seigneurie. D’abord confrontés aux ambitions du duc de Bourgogne Charles le Téméraire qu’ils servirent à cette époque, lui et son frère Maximin (Smassmann) Il combattirent contre ce dernier à Neuss, Rhénanie, et à Nancy. Par la suite, les Ribeaupierre, s’ils restèrent proches des familles nobles de Bourgogne et de Franche-Comté, se mirent au service des archiducs d’Autriche, notamment de Maximilien Ier d’Autriche après 1490. Reprenant les fonctions de son père, Guillaume fut landvogt à plusieurs reprises, exerçant l’autorité avec une poigne certaine, ce qui lui valut d’être traité de tyran. Il se retira après la guerre de Souabe. Son frère Maximin II fit un pèlerinage en Terre Sainte, relaté par Bernard de Breitenbach.

  1. Guillaume II,

(1468 † 1547). Avec Guillaume II, fils aîné de 4 et de Jeanne de Neuchâtel, la famille des Ribeaupierre atteignit son apogée. Les problèmes de partage et de succession furent réglés par le pacte de famille de 1511, les mines d’argent de Sainte-Marie-aux-Mines fournissaient de grands moyens financiers, surtout la position éminente de Guillaume Il auprès de l’empereur Maximilien Ier (qui le fit chevalier de la Toison d’Or et le nomma conseiller privé), puis de Ferdinand Ier, assura aux Ribeaupierre une aura sans précédent. Guillaume II fut landvogt en 1510, en 1524 jusqu’en 1527. Mais il dut aussi faire face aux conséquences de la guerre des Paysans que subit de plein fouet son fils Ulrich IX en 1525 et aux premiers pas de la Réforme luthérienne dans sa seigneurie. Ulrich IX (né de Marguerite de Deux-Ponts) et sa bru Anne-Alexandrine de Furstenberg adoptèrent même (en secret) la nouvelle foi. Guillaume II mourut en bon catholique en 1547, laissant une succession bien établie à son fils Georges (mort dès 1548) et à son petit-fils Eguenolphe © 6, mais politiquement en position de satellite vis-à-vis des Habsbourg. Avec Guillaume II, la résidence seigneuriale fut définitivement installée dans le château bas à Ribeauvillé, réaménagé et agrandi (actuel lycée).

  1. Eguenolphe (Egenolf),

(1527 † 1585). Eguenolphe ne revêtait aucune fonction officielle dans l’administration autrichienne ; les relations avec les Habsbourg devinrent tendues : Eguenolphe, élevé par sa mère Anne-Alexandrine (son père Ulrich était mort dès 1531), adopta ouvertement la foi réformée en 1563 et chercha à profiter au maximum dans sa seigneurie des dispositions de la paix d’Augsbourg de 1555. Grand ami des érudits et des lettrés, il entretint des relations suivies avec les milieux universitaires de Bâle et Tübingen (où étudia son fils), également avec le parti protestant dans l’Empire, finançant notamment son parent Guillaume de Heydeck. Bien que ses revenus diminuassent et que l’endettement augmenta, Eguenolphe mena un train de vie somptueux à l’image de son grand-père et de ses pairs, rénovant le château de Guémar. De son second mariage avec Marie d’Erbach naquit un fils, Eberhard.

  1. Eberhard,

(1570 † 1637). Mineur en 1585, Eberhard dut accepter dans un premier temps que la religion réformée disparaisse de sa seigneurie. Mais, dès sa majorité, il réinstalla un prédicateur à sa cour. Jusqu’à sa mort en 1637, les difficultés politiques et économiques vinrent miner progressivement la puissance des Ribeaupierre, malgré plusieurs tentatives de réduction des dettes ou de protection militaire (comme le réaménagement du château du Hohnack), Eberhard devant même, à la fin de sa vie, se réfugier à Strasbourg où il mourut, laissant ses deux fils Georges-Frédéric (★ 1594) et Jean-Jacques (★ 1598) dans un état proche du dénuement. Ceux-ci, dès 1648, se mirent au service du roi de France, dont le gouvernement provincial les considérait comme les représentants de la noblesse. Georges-Frédéric mourut dès 1651, sans enfant légitime ; Jean-Jacques lui survécut jusqu’en 1673, laissant deux filles. Jusqu’à sa mort, il chercha à reconstruire les possessions seigneuriales, restant très attaché à la foi réformée. Louis XIV, écartant la fille aînée Anne Élisabeth et son mari Christian Louis de Waldeck, attribua l’héritage à l’autre gendre Christian II, comte palatin du Rhin et de Birkenfeld, époux de la fille cadette de Jean-Jacques, Catherine-Agathe.

K. Albrecht, Rappoltsteinisches Urkundenbuch 759-1500, 5 vol., Colmar, 1892 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 555-562 ; L. Sittler, Un seigneur alsacien de la fin du Moyen Âge : Maximin ou Smassmann Ier de Ribeaupierre (1698-1451), Strasbourg, 1933 ; arbre généalogique in : Europäische Stammtafeln, Neue Folge, hsg. von D. Schwennicke, XI, Marburg, 1886, n° 80-82 ; B. Jordan, Entre la gloire et la vertu : les sires de Ribeaupierre (1451-1585), Colmar, 1991.

Benoît Jordan (1998)