Skip to main content

REICHENBACH Georg von (Georges de)

Abbé bénédictin d’Ebersmunster, (C) (★ Château de Schiffenberg ou Schiffenburg, Kreis Giessen, Hesse, vers 1452 † Ebersmunster 10.6.1540).

Issu d’une famille noble, cet aristocrate entra d’abord, semble-t-il, à l’abbaye de Wissembourg, lors d’un voyage qu’il fit dans la région du Rhin supérieur. De là il passa, comme moine bénédictin, à l’abbaye de Schuttern dans l’Ortenau, alors incluse dans le diocèse de Strasbourg. Dans ce monastère, la réforme dite de Bursfeld, du nom de cette abbaye dans le Hanovre, avait été introduite en 1490. L’abbé de Schuttern, Johann Widel (1491-1518), ardent propagateur de ce mouvement de renouveau, envoya Georg von Reichenbach, avec quatre autres religieux, à l’abbaye d’Ebersmunster, pour y compléter le nombre de moines, mais surtout pour préparer l’affiliation de cette abbaye alsacienne à l’Union de Bursfeld. L’essai ne devait pas aboutir de sitôt. Élu abbé en 1511, Georg von Reichenbach dut assister, impuissant, à l’invasion de son abbaye durant la guerre des Paysans en avril 1524: les rustauds établirent leurs quartiers dans le sanctuaire de l’église abbatiale et, pris de rage iconoclaste, ils cassèrent la statue de la déesse Diane, représentée en chaste chasseresse, d’époque gallo-romaine, que les bénédictins, soucieux de conserver l’héritage classique de l’antiquité, avaient placée dans leur chœur. Un certain calme revenu, l’abbé s’employa d’abord à réparer les dégâts à l’abbaye et à l’abbatiale. Devenu conscient de l’insécurité d’un monastère en rase campagne, Georg von Reichenbach se mit à chercher un pied-à-terre plus sûr derrière les murs d’enceinte de la ville de Sélestat: il y commença la construction de la Cour des prélats (Praelatenhof),  aujourd’hui l’Hôtel  d’Ebersmunster ; le gros œuvre fut achevé en 1541, quelques mois après sa mort; mais l’aménagement intérieur devait être seulement terminé en 1575. Profitant de la situation affaiblie de l’abbé, absent un certain temps de son monastère à cause de l’insécurité régnante, l’évêque de Strasbourg Wilhelm von Honstein (1506-1541) renoua avec l’ancienne politique de ses prédécesseurs du XIIe siècle et essaya en 1526 d’intégrer l’abbaye et son riche domaine dans la mense épiscopale. L’abbé fit aussitôt appel au Saint-Siège. Celui-ci nomma un médiateur, l’abbé Léonard du chapitre des chanoines de Saint-Augustin de Marienzell à Sankt-Märgen en Forêt-Noire. La sentence romaine, rendue en 1528, demanda à l’évêque Guillaume de restituer à l’abbé d’Ebersmunster la totalité de ses prérogatives spirituelles et temporelles. L’abbé Georg von Reichenbach refusa cette décision, car il la jugea contraire à la prétendue immédiateté d’empire de son abbaye. Il fit appel et porta l’affaire devant le tribunal de la Chambre impériale (Reichkammergericht), qui siégeait alors encore à Spire. Introduite en 1528, la procédure traîna en longueur et fut seulement close en 1552, soit 12 ans après la mort de Georg von Reichenbach, par un compromis: l’abbé d’Ebersmunster et l’évêque de Strasbourg se virent attribuer chacun la moitié des droits seigneuriaux sur la « ville » d’Ebersmunster. L’abbé Georg von Reichenbach put encore obtenir de son vivant, en 1531, la confirmation des anciens privilèges de l’abbaye par l’empereur Charles Quint. Avec la population locale, dont l’abbé exigea encore lors de son intronisation en 1511 le serment d’allégeance, les relations ne restèrent non plus toujours au beau fixe : attaché à l’ordre ancien, cet aristocrate ne comprenait pas bien les aspirations nouvelles d’une paysannerie en pleine mutation, travaillée par des idées plus démocratiques. L’abbé résilia ses fonctions en 1539. Humble et sans rancune, il voulut être enterré « sous les pieds des pêcheurs rebelles », à savoir les habitants d’Ebersmunster. Son épitaphe, conservée par une heureuse transcription, évoque ses origines « prussiennes », ses attachements « rhénans » et ses adieux courageux à ce monde : Prussia me genuit, Rhenenses me tenuere. Nuric tumulo claudor, sit requies animae. (La Prusse m’a engendré, les Rhénans m’ont  retenu. Maintenant je gis en tombe. Repos éternel à mon âme).

Series Abbatum Aprimonasteriensium, Ms : Generallandesarchiv Karlsruhe Abt. 69 P 23, carton XI, fasc. 13 (Nachlass Grandidier), p. 10 v. ; Informatio status Aprimonasteriensis caenobii, rédigé par l’abbé Bernard Roethelin © entre 1675 et 1682, Ms : Archives départementales du Bas-Rhin G 1276, n° 1, p. 5v-10r. ; Inventaire analytique du fonds de la chambre impériale de Wetzlar 3 B 1 – 1554 (XVe-XVIIe siècles), Strasbourg, Allgemeine deutsche Biographie, 1978, n° 3 B 1111, p. 143, de 1538 à 1540 ; B. Hertzog, Chronicon Alsatiae, Strasbourg, 1592, livre 3, chap. 7, p. 16 (transcription de l’épitaphe) ; Gallia christiana, t. 5, Paris, 1731. c. 863 ; P. A. Grandidier, Nouvelles œuvres inédites, éd. A. M. P. Ingold, t. 3, Colmar, 1899, p. 190 ; P. Wentzcke, « Chronik und Urkundenfälschungen des Klosters Ebersheim », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 64, NF 25, 1910, 35-75, p. 69, à corriger selon Informatio status Aprimonasteriensis caenobii, cf. supra ; F. Hoeber, Die Frührenaissance in Schlettstadt. Ein Beitrag zur elsässischen Architekturgeschichte, tiré-à-part de la Revue alsacienne illustrée, Strasbourg, n° 14, 1912, surtout p. 10.

René Bornert (1997)