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POLACZEK Ernst

Historien d’art, originaire des Sudètes, (I) ( Liberec (Reichenberg) République tchèque, 6.7.1870 d. en 1938 ?). ∞ I vers 1902 Else Gütschow († 1908). ∞ II Friederike N. Avant de s’inscrire en 1893 à l’Université de Strasbourg chez Georg Dehio ©, il avait déjà suivi des cours chez les historiens d’art aussi renommés que Wölfflin à Munich, Wickhoff et Riegl à Vienne. En 1894 il soutenait chez Dehio une thèse sur l’architecture médiévale en Alsace. Il devait passer ensuite quelques années en Rhénanie (à Cologne ?), où il publia Die Kunstdenkmäler des Landkreises Köln (Düsseldorf, 1897) et Die Kunstdenkmäler des Kreises Bergheim (Düsseldorf, 1899).

C’est au plus tard en 1899 qu’il était de retour à Strasbourg et en mai 1900 qu’il accepta le poste d’assistant que Dehio lui avait offert à son institut. Dès septembre 1902 il cumulait ce poste avec celui d’un Privatdozent. En mars 1913 il fut nommé Honorarprofessor, et, en 1915, obtint le titre d’un ausserordentlicher Professor. Avec la jeune Elly Knapp © il animait un groupe universitaire d’étudiants et de professeurs d’orientation sociale naumannienne dont Albert Schweitzer © fut le guide spirituel. Parallèlement à son activité purement universitaire, Polaczek se passionnait de plus en plus pour les différentes collections d’art, de gravures et d’objets d’art qui se reconstituaient depuis la fin des années 70 dans la ville. En 1907 il fut nommé directeur du Musée des Arts décoratifs (ancien Hohenlohe-Museum), fondé en 1887. Il devint alors un observateur assidu du marché de l’art veillant toutefois, selon ses propres mots non dépourvus d’humour, à ce que ce musée ne soit pas un instrument de propagande, mais un lieu où l’on collectionnait aussi bien la teutsche Manier que le goût français du XVIIIe siècle. Finalement, en 1913, il devint directeur du Musée des Beaux-Arts, dont la section des maîtres anciens était dirigée jusque-là par Dehio, tandis que les maîtres modernes dépendaient des soins d’Adolphe Seyboth ©.

Ces 18 années d’une vie professionnelle très intense furent jalonnées de nombreuses publications, toutes consacrées à l’Alsace. Ce sont d’abord les catalogues, celui des maîtres modernes du musée (1909, 1912), celui du Musée des Arts décoratifs (1912), ou encore de l’exposition de Landolin Ohmacht (1911) qu’il avait lui-même organisée. À côté de multiples études, souvent très courtes, aux sujets ponctuels, il convient de rappeler un texte plus long, remarquable pour sa date et la destination de son public: une analyse et interprétation de l’autel d’Issenheim et de l’art de Mathias Grünewald ©, publié en français dans la nouvelle Revue germanique en 1905. L’article de Polaczek fut le premier en France où le phénomène génial de Grünewald était présenté avec les méthodes et les bagages d’un historien d’art. En 1915, il fit encore paraître un texte sur le plan Blondel © pour Strasbourg, mais, dès ce moment, il se consacrait de plus en plus au domaine des Arts décoratifs en Alsace, notamment à la faïence et plus particulièrement à la production de la famille Hannong ©. Avec Elly Knapp et l’architecte Karl Staatsmann, Polaczek fut un des rares Allemands à publier dans la Revue alsacienne illustrée (1905, 1910, 1911) et dans les Cahiers alsaciens (1913, 1918) du docteur Pierre Bucher ©. Durant les dix premières années qui ont suivi son départ de Strasbourg (1918), Polaczek ne semble pas avoir eu ni direction de musée, ni chaire d’université. On trouve sa trace à Munich où il séjourna au moins de 1924 à 1926. En 1928 il accepta la direction du Kaiser-Friedrich-Museum à Görlitz en Silésie. Immédiatement après la prise du pouvoir par Hitler en 1933, Polaczek, comme juif, fut forcé de demander sa retraite. Il s’installa alors avec sa femme à Fribourg-en-Brisgau où il apparaît dans les listes d’habitants dès 1934. La proximité de l’Alsace avait sans aucun doute déterminé ce choix. La profondeur de l’enracinement de Polaczek en Alsace se reflète dans ses activités après son expulsion. En 1921, il organisa une exposition itinérante d’illustrations d’œuvres d’art d’Alsace et de Lorraine qui fut montrée dans de nombreuses villes allemandes. L’année suivante il publiait le précieux journal de voyage à Strasbourg en 1712-1714 de J.-F. von Uffenbach, et en 1926, il fit paraître le petit volume intitulé Strassburg dont la première phrase est révélatrice: C’est avec des sentiments douloureux que ce livre a été écrit en souvenir de cette ville où l’auteur a séjourné pendant vingt ans et au passé de laquelle il restera attaché jusqu’à la fin de sa vie. En 1929, peu après son installation à Görlitz sortit encore un livre sur l’art populaire en Alsace. Régulièrement parurent des articles sur des objets d’art alsacien découverts dans les collections allemandes. Enfin, l’année même où fut promulguée l’interdiction de publier faite aux juifs, parut la très précieuse histoire des collections d’art et d’antiquités en Alsace pendant la période de 1871 à 1918. Puis c’est le silence. D’après les informations d’archives Polaczek serait mort en 1938 à Fribourg. Tout acte de décès fait pourtant défaut, de sorte que l’on ne peut pas écarter l’idée qu’il ait été l’une des victimes du pogrome qui suivit la Kristallnacht en novembre 1938. Aucun doute n’existe sur le sort de sa femme Friederike. Elle fut parmi les 6 000 juifs badois expulsés par le Gauleiter Wagner © en octobre 1940 vers la zone non occupée de la France et internés par les autorités de Vichy, dans le camp de Gurs, Pyrénées-Atlantiques. En 1942, elle fut transférée à Drancy et peu après gazée à Auschwitz.

Der Übergangsstil im Elsass, Strasbourg, 1894; Strassburg, Leipzig, 1926; Volkskunst im Elsass, Munich, 1929; « Die Elsässischen Kunst- und Altertumssammlungen », Elsass-Lothringen 1871-1918, Francfort, 1934; nombreux articles sur l’art alsacien.

L. Châtelet-Lange, « L’institut de l’histoire de l’art de Strasbourg : Das Kunsthistorische Institut », Formes 7, 1989 (Bull. de l’Institut d’histoire de l’art de Strasbourg), p. 27 ; idem, « Ernst Polaczek et l’Alsace », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, XXXIII, 1990, p. 236-240.

Liliane Châtelet-Lange (1997)