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OBRECHT Frédéric Ulric

Préteur royal, (Pl) (★ Strasbourg 23.7.1646 † Strasbourg 8.8.1701). Fils de Georg Ulrich Obrecht ©. ∞ Anne MarieBoeder, fille de Jean Henri Boeder ©, belle-soeur deJean Christophe Artopaeus, recteur du Gymnase; dont au moins 1 fils, Jean Henri (★ 16.3.1675 † Paris 1728), second préteur royal de Strasbourg. Études aux universités d’Altdorf, de Bâle et de Strasbourg (philologie, histoire et jurisprudence), au collège de Montbéliard (langue française). Voyage en Europe (1667-1676) en qualité de précepteur du fils de l’ambassadeur russe Kellermann. Apprit l’italien et l’espagnol. Devint un orateur éloquent et un argumenteur habile. Disciple de Bernegger ©, il publia à 19 ans une Dissertation sur les principes de la prudence civile et politique. En 1682, après son mariage, fidèle à la tradition strasbourgeoise, il succéda à son beau-père dans la chaire d’éloquence et d’histoire à l’université et exerça les fonctions d’avocat de la ville. Se tournant vers l’histoire provinciale, il publia en 1681 le Prodromus rerumalsaticarum que Schoepflin © citait souvent dans son Alsatia illustrata; il assista aux «événements» de 1681: à la fin de l’année il envoya à Louvois l’Essai sur l’histoire de la ville de Strasbourg depuis son origine jusqu’à son incorporation à la France où il y reprenait la thèse du roi successeur de Clovis, héros chrétien, militaire et politique qui redressa l’Église cathédrale et battit les Alamans à Tolbiac (496). Convoqué par Louvois à Versailles, converti, après Pélisson qui échoua, par Bossuet (15 octobre 1684), ce luthérien, ancien opposant «républicain», devint la pierre angulaire sur laquelle s’édifièrent, à Strasbourg, un nouveau régime et une nouvelle société. En mars 1685, à côté du syndic royal Guntzer ©, fut instituée la charge de préteur royal confiée à Obrecht: observateur qui devait pénétrer dans tous les conseils et opiner le premier, censurer les actes contraires à la politique royale et faire appliquer la législation dans les domaines administratifs, religieux, économiques, sans négliger, héritage du patriciat noble, l’armée, la diplomatie et le renseignement. Le religieux domina l’administratif et contrôla la politique. Traducteur de saint Augustin, Obrecht fut le «modèle» (aux yeux des Jésuites), en même temps que le censeur et le propulseur. La règle de l’alternative fut introduite par lettre de cachet du 5 avril 1687: l’armature administrative du Magistrat fut conservée, mais les charges dudit Magistrat furent remplies alternativement par des catholiques et des luthériens, décision d’avenir, mais qui, sur le moment, heurta la sensibilité protestante. La nécessaire et ponctuelle conciliation des exigences du mercantilisme royal, des traditions commerciales et des maximes du caméralisme, devint, avec le contrôle strict des élections aux différents postes, la tâche essentielle du préteur. Dans la surveillance de l’esprit public, il entra en rivalité avec le syndic royal Guntzer, lui aussi converti de fraîche date. Louvois, puis Barbezieux arbitrèrent ces démêlés, l’un et l’autre agent s’accusant de laxisme dans les affaires religieuses. Les rigueurs de la Révocation (de 1685) furent épargnées à Strasbourg où Dominique Dietrich © apparut comme le symbole de la résistance protestante. La ville de Strasbourg, échappant à l’emprise de l’intendant de la province, retrouva, par l’entremise d’Obrecht, à Ryswick et aux conférences de Francfort (1699) et de Ratisbonne (1701), son rôle international: Obrecht définit avec netteté la distinction fondamentale entre «souveraineté» et «suprême domaine» (pour les territoires de Basse Alsace) et précisa les droits de la Palatine, duchesse d’Orléans. Protecteur de l’Université, Obrecht veilla, dans les élections et les publications, au maintien de la réputation de l’institution luthérienne. À sa mort, son fils le remplaça mais pour peu de temps (1701-1705): les lettres de provision de son successeur, le syndic Jean Baptiste Klinglin ©, parlent «d’une démission pure et simple». L’érudition d’Obrecht était nourrie des enseignements et des ouvrages hérités de ses maîtres et parents, Bernegger, et Jean Henri Boeder. Sa bibliothèque, conservée au Grand Séminaire, reflète l’unité de sa vie de savant. Bossuet, venu à Strasbourg avec Louis XIV et l’ayant connu, avait dit de lui qu’il était un Epitome omnium scientiarum et homo omnium populorum (un abrégé de toutes les sciences et un homme de toutes les nations). «Si d’aucuns contestèrent la sincérité de sa conversion, nul n’a mis en doute qu’il fut un savant de grand mérite, un administrateur éminent, un diplomate habile…» (R. Reuss).
Édita L’Histoire de la Guerre de Troie, attribuée à Dictys de Crète, les Institutions oratoires (2 vol.) de Quintilien (1697), des écrivains de l’Histoire Auguste, des Notes sur le traité de Grotius, De jure belli et pacis, une version latine de la Vie de Pythagore par Jamblique, une nouvelle édition des Institutions de Locamer (1671). Liste de ses œuvres, à la suite de son Éloge, dans les Mémoires de Trévoux, 1707, t.3, p.216 et s., et dans les Mémoires de Niceron, t.34. À relever (d’après Michaud, t.31, p.137 et Haag, La France protestante, t.8, p.37): De vexillo imperiali, 1673; De legibus agrariis populi Romani, 1674; Animadversiones in Dissert, de ratione statûsin Imperio, 1674; De nummo Domitiani Isiaco epistola, 1675; De reservato ecclesiastico, 1675; De ratione Belli, 1675; Desponsore pacis, 1675; De censu Augusti, 1675; Dissertationes selectae, 1676 (recueil de thèses soutenues à l’Université de Strasbourg, seules les dernières (dont les numéros1 et 2) sont d’Obrecht; Alsaticarum rerum prodromus, 1681 (plan d’une histoire complète de l’Alsace); Panegyricus LudovicoLouis XIV dictus, 1682; Essai sur l’histoire de la ville de Strasbourg depuis son origine jusqu’à son incorporation à la France, (J. Schwartz, op. cit.); Severinus de Monzambano. Destatu Imperii germanici auctior et exercitationum specimineillustratus, 1684; Dissertationes, orationes et programmata,1704; Lettre de M. Obrecht écrite au Roy datée de Francfort le 5 may 1699 «sur la distinction du droit de Domaine suprême d’avec celuy de la Supériorité territoriale» in P. Laguille, Histoire de l’Alsace, op. cit., p.2 et 175-178; Mémoire de 1698 dit de l’intendant La Grange: «Description de la province d’Alsace dressée par M. de La Grange, intendant par ordre du Roi pour l’instruction de Mgr le duc de Bourgogne, «M. lePréteur royal de Strasbourg (U. Obrecht) a fourni la matière de ces mémoires pour tout ce qui concerne surtout la BasseAlsace» (R. Oberlé, L’Alsace en 1700, préf. de G. Livet: la vision globale: Ulrich Obrecht: une famille et un cerveau, p.13-14; Strasbourg, 1975); ensemble de ses papiers, relatifs à sa mission à Francfort (1698-1701), brouillons, copies de lettres à Louis XIV, dépêches chiffrées datées de Francfort sauf les dernières datées de Strasbourg où Obrecht revint entre le 18 juin et le 8 juillet. Papiers qui proviennent de la Bastille parafés dans le corps du volume par Jean Henri Obrecht et par Marc René, marquis d’Argenson, lieutenant de police, en date du 21 mars 1706 (G. Livet, L’intendance d’Alsace, p.964-965: et Bibl. de l’Arsenal, Paris, Ms 6516 et 6769).
Archives municipales de Strasbourg, Saint-Thomas et AA 2597 (création de la charge); Bibliothèque du Grand Séminaire (art. L. Schlaefli, Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1974), AE fonds Alsace t.13; Correspondance des contrôleurs généraux, I, 1697, p.451 (diète de Ratisbonne); Archives de la Guerre I, 996 (avec Dietrich), 1323-1324 (nouvelles d’Allemagne); De Boug, Ordonnances d’Alsace, I, p.146; P. Laguille, Histoire d’Alsace, II, p.175-178; J. F. Hermann, Notices historiques…, 2, Strasbourg, 1819, p.320; E. Muller, Le Magistrat et la ville de Strasbourg, Strasbourg, 1862; R. Reuss, Strasburgische Chronick (1657-1677, 1687-1710) de l’ammeister Reisseissen, 1877, 1880; Allgemeine deutsche Biographie, XXIV, 1887, p.119-120; Berger-Levrault, Annales des professeurs des académies et universités alsaciennes 1523-1871, Nancy, 1890, p.170; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t.2, 1910, p.386-387; L. Ganghofer, «Aspects de l’ancien droit strasbourgeois», Saisons d’Alsace, n°75, 1981, p.39-54; R. Reuss, Correspondance Ulrich Obrecht et J.B. Klinglin (1688-1698), 1899; A. Metzenthin, Ulrich Obrecht und die Anfänge des französischen Praetur in Strasburg, 1684-1701, Strasbourg, 1914; F.-J. Wernert, «La conversion d’Ulric Obrecht», Revue catholique d’Alsace, 1920, p.483-490; P. Hertner, Stadtwirtschaft zwischen Reichund Frankreich, p.464 (index); J. Schwartz, «Un manuscrit retrouvé d’Ulrich Obrecht», Revue d’Alsace, 1929; I. Streitberger, Der königtiche Prätor von Strassburg. Freie Stadt im absotuten Staat, Wiesbaden, 1961; J. Vogt, «Politique foncière des Obrecht», Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1976, p.30; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, p.89, 280-282 (portrait, p.282); Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972, p.111; G. Livet, L’intendance d’Alsace…, p.1055 (index); L. Chatellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique…, 1981, p.521 (index); P. Greissler, Saisons d’Alsace, n°75, 1981, p.73-80; idem, La classe politique dirigeante à Strasbourg, 1650-1750, Strasbourg, 1987; G. Livet, «L’enseignement de l’histoire à Strasbourg», Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme français, 135, 1989, p.117-141.

† Georges Livet (1996)