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NICOLAÏ (NICOLAY) Louis Henri baron de

Juriste, poète et précepteur à la cour de Russie, président de l’Académie de Saint-Pétersbourg, (Pl) (★ Strasbourg 25.12.1737 † Viborg, Finlande, 18.11.1820). Fils de Christophe Nicolaï (1703-1763), archiviste de la ville de Strasbourg, et de Sophie-Charlotte Faber (1720-1746), petit-fils d’Henri Nicolaï ©, et d’Apolline Sebitz. ∞ Jeanne Marguerite Poggenpohl (1738-1820), fille d’un banquier de Saint-Pétersbourg; 1 fils: Paul (1777-1866), diplomate russe, ambassadeur à Copenhague, ∞ Alexandrine de Broglie (1787-1824), petite-fille du maréchal. Études à l’Université de Strasbourg. Docteur en droit le 22 septembre 1760 avec une thèse intitulée: De Argentinensium in Rheno Navigatione. Partit avec son condisciple François Armand La Fermière (1737-1796) pour Paris où, recommandé par Schoepflin ©, il connut les encyclopédistes Diderot et d’Alembert, fréquenta les «salons». Il devint, en mai 1761, secrétaire privé du prince D.M. Galitzine, nommé ambassadeur à Vienne, La Fermière © devenant secrétaire du chancelier impérial, le comte Michel Voronzov, symboles des rapports étroits entre l’Université de Strasbourg et la Russie. À Vienne, d’Henri Nicolaï © resta deux ans, fréquentant le milieu des artistes et des poètes, Pietro Trapassi dit Métastase (1698-1782) et le compositeur Christoph Willibald Gluck (1714-1787). Rentré à Strasbourg, Nicolaï © fut employé, entre 1763 et 1765, dans les bureaux du préteur royal, chef du Magistrat. En 1768, il fut chargé à l’Université d’un cours semestriel: «Institutiones sive Logicas sive Metaphysicos, item Juris naturaeet gentium» illustrant les doctrines de droit naturel. Il ne put l’assumer entièrement, car il devint le précepteur d’Alexis, fils aîné du comte K.G. Rasoumowski qu’il suivit dans ses voyages en Europe, en Autriche, en Italie où il rencontra Winckelmann, en France et en Angleterre. En 1769, sur la recommandation des comtes Rasoumowski et Chouwaloff, il fut nommé précepteur du grand-duc Paul de Russie (1754-1801), alors âgé de 15 ans, et retrouva son ami La Fermière, bibliothécaire du grand-duc. Il écrivit pour son élève une Esquisse de la situation politique de l’Europe (1772) d’après l’historien anglais Robertson. Sa vie fut liée à celle de l’héritier du trône: il fut présent aux mariages de ce dernier: le premier en 1774 avec Nathalie de Hesse-Darmstadt († en couches en 1776), le second avec Dorothée de Wurtemberg-Montbéliard devenue Maria Feodorovna, nièce de Frédéric II, amie de Henriette-Louise de Waldner de Freundstein, baronne d’Oberkirch ©; il participa aux voyages du couple: à Berlin, où il rencontra Frédéric II et son homonyme Frédéric Nicolaï, libraire éclairé qui édita, entre 1792 et 1810 les Vermischte Gedichte und prosaische Schriften (8 volumes); en Autriche où il retrouva ses amis et où Joseph II l’anoblit; à Paris où il participa avec le comte et la comtesse du Nord, à la cour de Louis XVI et Marie-Antoinette, aux festivités que narre Mme d’Oberkirch dans ses Mémoires. En 1796, à la mort de l’impératrice Catherine II, Paul I quitta son domaine de Gatchina et conserva sa faveur à son ancien précepteur qui reçut, outre le titre de baron, un village avec 1500 paysans dans le gouvernement de Tambow, l’entrée au Conseil de cabinet, la croix de Sainte-Anne, l’administration du Cabinet des pierres précieuses. Conseiller d’État, il devint, en 1798, président de l’Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg (1798-1803). Il réorganisa les finances et, dans le gymnase en dépendant, il rétablit l’équilibre en faveur de la culture russe, alors objet de mépris de la part de la «colonie allemande». Il établit entre 1776 et 1811 une active correspondance avec les Aufklärer, Pfeffel de Colmar, Frédéric Nicolaï, le libraire rationaliste créateur de la «Bibliothèque générale allemande», K.W. Ramier, J.G. Schlosser, Fr.L. comte de Stolberg, J.H. Voss qu’il chargea de l’éducation de son fils, et J.B. Alxinger, à Vienne. Le 12 mars 1803, un complot suscité par l’état mental du tsar entraîna la mort de ce dernier, remplacé par son fils Alexandre Ier. Nicolaï conserva ses titres et ses fonctions, puis garda les premiers et renonça aux seconds. En 1803, après avoir doté l’Académie d’un nouveau règlement qui garantissait la valeur du travail scientifique, il quitta la présidence et se retira dans sa propriété de Monrepos, près de Vyborgen Finlande, «petit paradis» où il vécut, retiré, amoureux de sa bibliothèque augmentée en 1796 de celle de La Fermière, de ses médailles, de son parc parsemé de monuments antiques. Homme des Lumières, poète de langue allemande, parlant français à la cour et en famille, ouvert aux réalités d’une société russe en pleine transformation, discret et réservé, courtisan sans flagornerie, étranger à toutes les intrigues («Wage es, weise zu sein, undschweige»), il a laissé un bagage poétique considérable de fables (à la manière de Florian, La Fontaine, Pfeffel), d’épitres, d’élégies, de contes, de ballades (Grazella) inspirés parfois du Tasse ou de l’Arioste. Esprit fin et enjoué, amoureux de la raison et de la France des XVIIeet XVIIIe siècles, il a vécu loin des outrances du Sturm und Drang, des influences de Rousseau et de Shakespeare. D’aucuns ont vu en lui un nouveau Wieland (1733-1813), d’autres (Masson) lui ont reproché sa «facilité» et «d’avoir sacrifié sa muse sur l’autel de la fortune». Dans un milieu difficile au service d’un maître dont il connaissait les «humeurs», il a maintenu par l’esprit, le goût, la conversation et la correspondance, un style de vie fait de bon ton et d’élégance. Dès 1778, il s’élevait contre les excès de la censure à Strasbourg (pourchassant Voltaire); en 1800, il ouvrait sa bibliothèque, malgré les interdictions, aux livres étrangers. Expression d’une triple culture et d’une forme de civilisation, versificateur adroit et traducteur habile, il a été un médiateur, un témoin des relations entre l’Alsace et le reste de l’Europe, la Russie notamment, un acteur de paix dans un continent déchiré par les idéologies et les ambitions. Le comte Golovkine prétendait qu’il possédait la meilleure cave de l’Europe.
Liste complète de ses œuvres dans E. Heier, L.H. Nicolayandhis contemporaries, La Haye, 1965 (avec le catalogue des archives de Monrepos, p.186-192), p.193-196. Archives municipales de Strasbourg AA2460, 1773-1774: extrait d’une dissertation de M. Nicolay tendant à prouver que les bateliers de Strasbourg sont en droit d’exclure ceux de la rive droite du Rhin de la navigation du fleuve; Mein Lebenslauf (Nicolav Archiv. Univ. Helsinki); Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg Als. M 113 009 et M 113 010: Discours inaugural: De Argentinensium in Rheno Navigatione (22 septembre 1760), texte en latin traduit par M.-H. David, Bulletin de la Société des amis du Musée régional du Rhin et de la navigation, 1993/5, p.78-83, utilisé par G. Livet, «Strasbourg et la navigation du Rhin. Contribution à l’étude des relations entre la ville et le Margraviat de Bade à la fin du XVIIIe siècle», Deutschland und Frankreich in der fruhen Neuzeit, (hrg.) H. Duchhardt et E.Schmitt, Munich, 1987, p.549-587; Elegien und Briefe, 1760; Verseund Prose, 2 t., 1773; Galwine, 1773; Vermischte Gedichte, 9 t., 1778-1786; Vermischte Gedichte und Prosaische Schriften, 7 t., 1792-1794; Idâa, 1792; Das Landgut Monrepos (avec plan), 1804; Baladen, 1810; Theatralische Werke, 2 t., 1811; Athalie v. Racine, 1816; Molière’s Geiehrte Weiber, s.d.; Poetische Werke, 4 t., 1817; Muffel oder der Scheinheilige (d’après le Tartuffe), Wiborg, 1819; Der Arme und der Reiche, Leipzig, 1820; Die Todtenwache, ein Gedicht, Leipzig, 1820; Die Reliquie, ein Gedicht, Leipzig, 1820.
Lettres de Schoepflin à Lamey (Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, Ms 784); Lettres et corr.de Pfeffel, Bibliothèque municipale de Colmar, t.III, liasse 8; Ch. Fr. Ph. Masson, Mémoires secrets sur la Russie, 4vol., Paris, 1804 (nouvelle édition), I, p.331-333, III, p.389-390, IV, p.209-211 (réponse de Nicolaï, Erinnerungen, in Heier, op. cit., p.156-161); G.D. Arnold, Notice historique et littéraire sur les poètes alsaciens, Paris, 1806, p.39-40; P. von Gerschau, Aus dem Leben des Freiherrn Heinrich Ludwig von Nicolay, Hambourg, 1834; R. Mortier, Diderot en Allemagne 1750-1850, Paris, 1854, p.14-15; Michaud (dir.), Biographie universelle ancienne et moderne, 2e édition, Paris-Leipzig, t.XXX, [1857-1865], p.554; NBGXIX, 1863, p.1017-1018; A. Monchoux, L’Allemagne devant les lettres françaises de 1814 à 1835, Paris, s.d., p.135, 296, 300; A. Rambaud, «Catherine II dans sa famille», Revue des Deux Mondes, I/2, 1874; I. M. Dolgorouki, Le temple de mon cœur, Moscou, 1874 (Lectures à la Société d’histoire…, septembre 1873); W. Bode, «L.H.v. Nicolay», Jahrbuch für Geschichte, Sprache und Litteratur des Elsass-Lothringens 18, 1882, p.7-41; Allgemeine deutsche Biographie, XXIII, 1886, p.631-632; Archive russe, 1889, p.1727et 2090; ibidem, 1891, p.334-335; A. Rambaud, Recueil des Instructions … Russie, Paris, 1890, t. II, p.182 et 382 (sur le prince Dimitri Mikhaïlovitch Galitsyne), p.63 (sur les Razoumovski); Knod, Die alten Matrikeln der Universität Strassburg, 1621 bis 1793, I, 1897, p.242, II, p.605; Brockhaus et Efron 21, 1897; Pfeffel, «Der Gebrauch der Freyheit: An Herm Nicolaï in Petersburg» (poème), Poetische Versuche, 4 vol., Tübingen, 1903, IV, p.127; Portraits russes du XVIIIe et du XIXe siècle, IV, Saint-Petersbourg, 1907; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t.2, 1910, p.371; E. Haumant, La culture française en Russie, Paris, 1913; H. Tronchon, «Alsace et littératures modernes comparées», La Vie en Alsace, 1926; V.V. Funk et B. Nazarevski, Histoire des Romanov 1613-1918, Paris, 1930 (sur Paul Ier, p.241-264); D. Stremooukhoff, «Les Russes à Strasbourg au XVIIIe siècle», Revue d’Alsace, 1934, p.3-21; R. Mortier, «Diderot et les «petits Allemands», Revue de littérature comparée, 1959, p.192-199; E. Heier, «The Encyclopedists and L.H. Nicolay», Revue de littérature comparée, XXXVI, octobre-décembre 1962, p.495-509; «Nicolay’sErinnerungen» in E. Heier, op. cit., 2e partie, p.69-185; Mémoires de la baronne d’Oberkirch, présentés par S. Burckard, Paris, 1970; F. v. Schubert, Unter dem Doppeladler, s.d.; M. Czapska, Une famille d’Europe centrale (description de Monrepos), Paris, 1972; J. Voss, Universität, Geschichtswissenschaft und Diplomatie im Zeitaiter der Aufklärung: J.-D. Schoepflin (1694-1771), Munich, 1979, p.394 (index); E. Heier, Ludwig Heinrich von Nicolay (1737-1820) as an exponent of neo-classicism, Bonn, 1981; Encyclopédie de l’Alsace, IX, 1984, p.5525-5526; J. Keller, Le théosophe alsacien Frédéric-Rodolphe Saltzmann et les milieux spirituels de son temps, 2 vol., Berne, 1985, p.721 (index); Die beiden Nicolai Briefwechsel zwischen Ludwig Heinrich Nicolay in St.Petersburg und Friedrich Nicolai in Berlin (1776-1811), (hrg.) H. Ischreyt, 1989; G. Livet, «L’Université de Strasbourg et son rayonnement européen au siècle des Lumières», Revue des sciences sociales de la France de l’Est, 17, 1989-1990, p.50-66 (avec bibliographie); Dictionnaire biographique russe (trad. R. Triomphe), X, p.91 (A.G.) et XI, p.347-356 (A.G); «Regards historiques sur l’organisation de l’Académie 1726-1803», Mémoires de l’Académie impériale de Saint-Petersbourg, t.III, cité in W. Berelowitch, «La France dans le «Grand Tour» des nobles russes au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle», Cahiers du Monde russe, XXXIV (I/2), 1993, p.193-209; Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne (Lafermière) 22, 1994, p.2176; G. Livet, «L’éclatant destin d’un étudiant de l’Université de Strasbourg, Louis Henri de Nicolay (1737-1820). Auteur d’une thèse sur «les Strasbourgeois et la navigation du Rhin». Conseiller d’État. Président de l’Académie des sciences de Saint-Petersbourg (1798-1803)», Bulletin de la Société des amis du Musée régional du Rhin et de la navigation, 1994.

† Georges Livet (1996)