Philosophe, théologien, doyen de faculté, (C) (★ Roubaix 30.10.1905 † Strasbourg 27.11.1976). Fils de Maurice Nédoncelle, chef d’institution, et de Laurence Desbiens. De 1917 à 1922, élève du petit séminaire du diocèse de Paris à Conflans, entré en 1922 au Grand Séminaire d’Issy, ordonné prêtre en 1930. Pendant ses années de séminaire, Nédoncelle fut particulièrement influencé par deux prêtres, un professeur d’Issy, l’abbé Pierre Callon, de mère anglaise, qui a probablement été le premier à susciter son intérêt pour Newman, pour le catholicisme en Angleterre et pour l’Angleterre en général: un des pôles de son œuvre — puis un prêtre de paroisse, l’abbé André Bach, de qui il devait recueillir et publier des Fragments spirituels (1941). Par ailleurs, il mit à profit ces longues années pour étudier la philosophie à la Sorbonne et pour nouer un grand nombre de relations tant avec certains de ses maîtres, dont Brunschvicg et Lavelle, qu’avec des hommes éminents en divers domaines, tel Louis Vierne, organiste de Notre-Dame. Ses études en Sorbonne aboutirent, dans une première étape, à une thèse d’Université sur La philosophie religieuse en Grande-Bretagne de 1850 à nos jours (1934). Une fois ordonné prêtre, il devint professeur de philosophie dans un établissement secondaire, le collège Albert-de-Mun à Saint-Maur et, après avoir soutenu sa thèse de doctorat d’État intitulée La réciprocité des consciences, essai sur la nature de la personne (1942), il occupa une chaire de philosophie à l’Institut catholique de Lille. Mais, dès 1945, c’est la faculté de Théologie catholique de Strasbourg qui l’appelait à enseigner en son sein la théologie fondamentale, ce qu’il fit pendant les 30 années qui s’écoulèrent jusqu’à sa retraite. Ses années strasbourgeoises furent d’une extrême fécondité en divers domaines. Professeur, il a laissé à ses étudiants le souvenir de cours très richement documentés, constamment renouvelés à partir et de ses propres recherches et réflexions et des idées nouvelles que véhiculait le flot des publications en librairie, et cependant toujours clairs et parfaitement maîtrisés. Directeur de thèses —domaine dans lequel il fut très sollicité— il sut aider ceux qui s’adressaient à lui à se trouver eux-mêmes en même temps qu’à mener à bien leur projet universitaire. Administrateur, il fut, de 1956 à 1965, un grand doyen pour sa faculté, soucieux à la fois de la maintenir à un très haut niveau par le recrutement d’enseignants des plus qualifiés et d’éviter qu’elle ne s’isolât dans une Université où sa place était un peu insolite. C’est ainsi qu’il fit beaucoup pour l’essor du Centre d’histoire des religions où les deux facultés de Théologie étaient associées au département d’histoire de la faculté des Lettres. De même, il tint à être un membre très actif du Conseil d’Université et à fréquenter assidûment le Club universitaire où il mena des relations suivies avec des collègues d’autres disciplines. Deux hautes distinctions l’honorèrent pendant son décanat, celle de prélat de Sa Sainteté (1960) et celle d’officier de la Légion d’honneur.
Philosophe original, il trouva le temps au milieu de ses activités universitaires de poursuivre son œuvre écrite et de lui donner une dimension considérable. Recensions et articles sortirent de sa plume pendant ces années-là en nombre presque incalculable, ainsi qu’une quinzaine de volumes. Il dressa lui-même la liste de ses travaux dans le recueil d’articles intitulé Explorations personnalistes (1970) et il la compléta à deux reprises, en 1974 dans Intersubjectivité etontologie et, à la veille de sa mort, dans Sensation séparatrice et dynamisme temporel des consciences qui devait faire l’objet d’une publication posthume en 1977. Signalons donc seulement ici quelques-uns de ses livres; certains d’entre eux s’inscrivent dans la ligne déjà indiquée de l’intérêt pour le domaine anglais, comme La philosophie religieuse de Newman (1946) et Trois aspects du problème anglo-catholique au XIXe siècle; d’autres —on vient d’en fournir des exemples— se placent dans le prolongement de La réciprocité des consciences et approfondissent la réflexion de l’auteur sur la personne et sur la relation inter-personnelle. De fermes jalons y sont posés, en particulier, en vue d’une philosophie de l’amour. Ces travaux désignent Nédoncelle comme l’un des représentants les plus marquants de la philosophie personnaliste au XXe siècle. Plus directement liés à la théologie sont Existe-t-il une philosophie chrétienne? (1956), Prière humaine, prière divine (1962), Le Chrétien appartient à deux mondes (1970). Etrelevons encore l’Introduction à l’esthétique (1953) pour donner une idée de la diversité des champs prospectés par Nédoncelle. Cette diversité se reflète assez bien, quoique de manière non exhaustive, dans les Actes du colloque qui lui a été consacré à l’Université des sciences humaines en 1979: La pensée philosophique et religieuse de Maurice Nédoncelle (1981).
Noémi Hepp (1995)