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MATHIS Émile Ernest Charles

Constructeur automobile, (Pl) (★ Strasbourg 15.3.1880 † Genève, Suisse, 3.8.1956, inhumé
au cimetière de Passy, Seine-et-Marne).

Fils de Charles Frédéric Mathis, hôtelier à Strasbourg, et de Fanny Émilie Arbogast. ∞ I 25.6.1913 à Paris XVIe Marie-Jeanne Alice Boyer (★ Saigon, aujourd’hui Hô Chi Minh-Ville, Viêt-nam, 20.8.1886 † Marrakech, Maroc, 15.1.1950), fille de Jean Boyer, procureur de la République en Cochinchine, et de Marie-Joséphine Clémence Antoine, ∞ II 30.11.1950 à Strasbourg Jeanne Marie Marguerite Donnefort (★ Septfons, Tarn-et-Garonne, 19.2.1892 † Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine, 27.8.1980), fille d’Émile Donnefort, notaire, et d’Élida Lucie Viol. Sans postérité.

Apprentissage en Angleterre à l’âge de 12 ans. À son retour, en 1898, il fonda son entreprise de vente et de réparation d’automobiles à Strasbourg. Il acquit une concession exclusive pour la vente des automobiles De Dietrich-Niederbronn, licence Amédée Bollée. En 1902, Émile Mathis fit la connaissance d’Ettore Bugatti ©. La firme De Dietrich-Niederbronn arrêta la fabrication d’automobiles en 1904, mettant les deux jeunes hommes ambitieux devant un avenir prodigieux. En avril 1904, ils signèrent un contrat pour la conception, la fabrication et la commercialisation de voitures, les Hermes-Simplex ou Mathis-Hermes, licence Bugatti. Émile Mathis, habile gestionnaire, conserva la société E.E.C. Mathis qui lui appartenait entièrement et créa la Société Mathis et Cie dans ce dessein. En 1906, Auto Mathis Palace est le plus grand garage d’Allemagne et l’un des trois plus grands au monde ! Les deux hommes se séparèrent en 1906, poussés par des personnalités opposées et des conceptions automobiles » différentes: E. Bugatti s’intéressait surtout à la voiture sportive et de luxe, alors que Mathis souhaitait commercialiser des petites voitures légères et économiques. Parallèlement à l’automobile, Mathis s’intéressa à l’aviation, autre technique nouvelle; le 3 avril 1910, un avion à moteur Antoinette lui appartenant, piloté par Wiencziers, survola symboliquement la cathédrale de Strasbourg : ce fut le premier avion de construction française à survoler ce symbole de l’Alsace. L’ambition de devenir un véritable constructeur d’automobiles poursuivit Mathis qui, de mars à septembre 1911, fit construire une grande usine moderne à la Meinau, proche banlieue de Strasbourg. La compétition n’était pas négligée: victoire de voitures de série, pilotées par Mathis lui-même ou par Dragertin Esser, au grand prix du Mans (1911), de l’Automobile Club de France (1913), etc. La société par actions Mathis A.G. fut créée le 10 avril 1914, donnant ainsi à l’entreprise un réel statut de grande entreprise industrielle. Pendant la première Guerre mondiale, les usines Mathis ne fabriquèrent plus que des ambulances et des camions pour le front. Émile Mathis fut enrôlé dans l’armée impériale en 1916. Chargé par le gouvernement allemand d’acheter du matériel industriel en Suisse et en Italie, il déserta avec une forte somme d’argent en devises et rejoignit l’armée française. La paix revenue, les usines Mathis recommencèrent à produire des voitures. De nombreux modèles se succédèrent, avec un sommet dans la première moitié des années 30, la période dite « de valse des modèles ». Victoire d’une voiture Mathis aux grands prix de Tours et de Lyon en 1923 et 1924 ; record mondial d’économie de carburant pour une Mathis 10 CV SB en octobre 1920 et une 6 CV-P en 1922 ; record d’endurance pour la célèbre 10 CV GM en 1925, etc. La production de l’usine était en pleine évolution; avec l’adoption des méthodes modernes de fabrication et de montage, les chaînes parallèles, la production journalière passa de 12 voitures en 1920 à 50 en juin 1923, puis à 100 fin 1924. Le capital social de la société Mathis SA augmenta également considérablement, passant de 1,75 millions de F fin 1922 à 20 millions de F fin 1924. Il fut porté à son maximum, 40 millions de F, en juillet 1928. Au début des années 30, l’usine de la Meinau employait 12 à 15 000 personnes, soit plus du quart de la population active de l’agglomération strasbourgeoise. En 1932, pour redresser la chute des ventes en raison de la crise économique, Mathis lança sur le marché les robustes et populaires EMY 4, ultimes voitures Mathis conçues avant la guerre. À côté de la gamme des voitures de tourisme, les usines Mathis proposaient des véhicules utilitaires et industriels. Afin de renforcer l’impact commercial de la marque, Émile Mathis négocia, avec le président de Ford-France, la création de la société MATFORD qui vit le jour début octobre 1934. Mais la gamme Ford supplanta rapidement la gamme Mathis ; un procès s’ensuivit que le constructeur strasbourgeois gagna à la veille de la seconde Guerre mondiale. En prévision de représailles allemandes consécutives à sa désertion de 1916, Mathis déménagea les machines de son usine de la Meinau à Athis-de-l’Orne et s’installa aux États-Unis, où il créa la société Matam Corporation à Long Island dans la banlieue de New York. En moins de 10 mois, la nouvelle société enregistra ses premiers contrats importants avec les marines alliées et la Navy et compta vite 2 000 ouvriers et employés. Plus de 220 millions d’obus de DCA sortirent des usines Matam. Pour cette collaboration efficace, Émile Mathis se vit décerner le fameux E de la Navy (fanion et 1ère étoile le 31 décembre 1941, 5e étoile le 25 janvier 1945), distinction jamais accordée auparavant à un étranger. Mathis, pour participer à l’anéantissement de la puissance économique allemande, donna des États-Unis toutes les indications utiles… pour raser ses propres usines de Strasbourg. Les bombardiers américains firent leur œuvre en 1944. Après la Libération, les usines Mathis eurent des difficultés à se relever; Émile Mathis ne revint personnellement qu’en juillet 1946. Déçu par la conjoncture de l’après-guerre, n’ayant pas d’héritier pour reprendre son « empire » Mathis se désintéressa de ses sociétés; la faillite fit suite à la liquidation judiciaire entre 1953 et 1956, mais la société Mathis SA ne fut radiée des registres du Tribunal de commerce de Strasbourg qu’en 1982. Les locaux furent cédés à Citroën.

L. Février, « Les usines automobiles Mathis », La vie en Alsace, septembre 1930 ; I. Ardouin, J. Neppel, « Ascendance du constructeur d’automobiles É. Mathis », Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 46-51, 1979-1980; S. Chopp, Une entreprise : Mathis, mémoire de maîtrise, Université Strasbourg II, 1986 ; M. Hau, L’industrialisation de l’Alsace, Strasbourg, 1987, p. 126, 129, 275, 402, 426 ; Mathis, le destin d’un constructeur automobile, s. l„ 1988; J. -F. Blattner, Émile Mathis, constructeur automobile alsacien, Fontainebleau, 1990; P. et B. Hamm, Émile Mathis, un prince de l’automobile (Mathis-Matford), Strasbourg, 1991.

Jean-François Blattner (1995)