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MATHIEU Georges Victor (pseudonyme dans la Résistance : Simon)

Etudiant, résistant puis agent de la Gestapo ( Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme, 28.4.1920 Clermont-Ferrand 12.12.1944).

Fils d’un intendant militaire de 1ère classe. ∞ 18.12.1943 à Clermont-Ferrand Christiane Charlotte Louise Cuirot ( Reims, Marne, 27.8.1920), secrétaire au 4e bureau de l’État-Major de l’Armée de l’armistice à Vichy : 1 enfant. Son enfance fut celle d’un fils de militaire : il vécut en Rhénanie occupée, puis à Verdun, enfin à Nancy. En septembre 1939, après de brillantes études secondaires, il rejoignit Clermont-Ferrand où vivait sa grand-mère. Il réussit en mai 1940 le concours d’entrée à l’École de Saint-Cyr, et, après la défaite, il rejoignit le 1er décembre 1940 cet établissement replié à Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône. Il fut contraint de donner sa démission en juillet 1941 après une tentative infructueuse de passage en Espagne pour rejoindre la France libre.

En attendant de trouver une autre filière, il s’inscrivit aux facultés des Lettres et de Droit de Strasbourg repliées à Clermont-Ferrand : il réussit trois certificats de la licence d’histoire et la première année de droit. En novembre 1942, il prit contact avec Jean-Paul Cauchi ©, chef de la section étudiante du mouvement de résistance « Combat ». Ce dernier confia à ce garçon d’allure militaire la responsabilité du « Groupe Action ». Mathieu tenta, sans succès, de « sortir » Stourze, adjoint de Cauchi, du camp de Bordeaux-Mérignac, où il avait été interné après son arrestation à la frontière espagnole. Au printemps 1943, Cauchi, souvent absent de Clermont, se fit remplacer par Mathieu, dans ses responsabilités régionales aux MUR (Mouvements unis de Résistance) et dans les réseaux « Mithridate » et « Navarre ». En mai 1943, il remplaça l’étudiant alsacien Jacques Feuerstein pour la confection des faux papiers. Absorbé par ces tâches multiples, il décida de ne pas se présenter à ses examens. Début septembre 1943, sur instruction de Robert Huguet, chef départemental des maquis, Mathieu rejoignit le maquis de Gelles-Prondines Puy-de-Dôme, puis celui de Puy-Vivanson, et assura avec beaucoup d’autorité et d’efficacité l’instruction militaire des jeunes réfractaires au STO (Service du travail obligatoire).

Arrêté par les policiers du poste Sipo-SD de Clermont à Rochefort-Montagne, Puy-de-Dôme le 23 octobre 1943, il accepta dès le troisième jour de travailler pour eux en qualité d’« interprète ». Il prétendit, à son procès, que c’était pour sauver sa fiancée, arrêtée la veille, menacée de déportation. Selon un témoignage transmis par Serge Fischer © qu’il fit arrêter le 4 novembre, Mathieu, agent double depuis quelque temps, aurait déjà participé à des arrestations au début de septembre. Le 25 novembre 1943, lors de la grande rafle dans les bâtiments universitaires de Clermont, ses anciens condisciples le retrouvèrent parmi les agents de la police allemande chargés de trier les professeurs, les fonctionnaires et les étudiants. Il dénonça des étudiants strasbourgeois, auxquels il avait livré lui-même de fausses cartes d’identité, ainsi que le jeune François Amoudruz, beau-frère de Serge Fischer. Auparavant, il s’était rendu, revolver au poing, au secrétariat des facultés de Strasbourg pour saisir la liste des adresses des professeurs et avait assisté, sans réagir, au meurtre du professeur Collomp ©. La nuit suivante, il participa à de nouvelles vérifications d’identité à la prison militaire du « 92 ». Devenu en mars 1944 chef d’une équipe de quatre Français au service de la police allemande, il participa en Auvergne à la plupart des activités de la Gestapo, dont le siège était 2 bis avenue de Royat à Chamalières, en particulier à ses opérations contre les maquis. Pour le Kommandeur régional du Sipo-SD, Hugo Geissler, c’était un agent indispensable, sans lequel le Sonderkommando dirigé par Blumenkamp eût été submergé. L’acte d’accusation de novembre 1944 mentionnait 200 participations à des arrestations suivies d’assassinats ou de déportations, 24 affaires de violences avec tortures, 5 meurtres, 7 viols, des incendies, et aussi des vols et des pillages à son profit personnel.

À l’approche de la Libération, Mathieu s’enfuit de Clermont le 13 août et remit à Vichy au capitaine Burcez, ancien chef de son épouse, des renseignements sur les futurs mouvements des troupes allemandes, mais il ne réussit pas à convaincre ce chef de réseau de Résistance de le garder auprès de lui. Il fut arrêté dans la région de Tarare (Rhône) alors qu’il tentait de s’engager dans les FFI (Forces françaises de l’Intérieur) et transféré à Clermont le 13 septembre 1944. Après avoir tenté vainement de faire croire qu’il était un agent double au service de la Résistance, il fut condamné à mort par la Cour de justice de Clermont-Ferrand le 17 novembre 1944. et fusillé le 12 décembre 1944 au pied du Puy de Crouel. Son épouse, qui servait de dactylo pendant les interrogatoires, fut condamnée à mort le 28 décembre 1944 par la même Cour de Justice. Sa peine fut commuée en travaux forcés à perpétuité. Elle fut libérée en 1951.

Archives départemantales du Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand, M 09309 ; La Nation, Clermont-Ferrand, 19.9. 1944, 3.10.1944,9.10.1944, 18- 19.11.1944, 29.12.1944 ; La Montagne, Clermont-Ferrand, 19.9.1944, 18.11.1944, 13.12.1944, 29.12.1944 ; De l’Université aux Camps de Concentration, 1947, 4e éd., Strasbourg, 1996 (index : témoignages de Serge Fischer, Ernest Hoepffner ©, Henri Baulig ©) ; Gilles Lévy, Francis Cordet, À nous Auvergne !, Paris, 1974 (index) ; Gilles Lévy, Drames et secrets de la Résistance, Paris, 1984 (index, notamment chap. II : « Georges Mathieu fut-il un traître ou un agent double ? », p. 31-49, portrait) ; André Gueslin (dir.), Les Facs sous Vichy, Clermont-Ferrand, 1994 (notamment les témoignages de Madeleine Rebérioux, p. 340-341, et de Jacqueline Bromberger, p. 363-368) ; John F. Sweets, Clermont-Ferrand à l’heure allemande, Paris, 1996, p. 190 ; Eugène Martres, L’Auvergne dans la tourmente 1939-1945, Clermont-Ferrand, 1998 (index) ; Site Internet de Jacqueline Bromberger (agent de liaison de Cauchi).

Léon Strauss (2006)