Collectionneur d’œuvres d’art, peintre et architecte, écrivain et mémorialiste, (Pl) (★ Strasbourg 2.10.1741 † Munich 3.1.1822).
Fils de Conrad Mannlich, d’Augsbourg, orfèvre et peintre de la cour du duché de Deux-Ponts. Mannlich fréquenta le gymnase de Deux-Ponts. Très tôt, il manifesta des dons pour le dessin et la peinture qui furent remarqués par Christian IV, le duc régnant de Deux-Ponts, lequel s’efforça de lui faire donner une excellente formation, d’abord à Deux-Ponts, auprès des peintres qu’il avait rassemblés à la cour puis, à partir de 1758, à l’Académie de peinture de Mannheim. Revenu à la cour de Deux-Ponts, le duc Christian IV l’encouragea à continuer à travailler sérieusement le dessin et la peinture. À cet effet, il accompagna à plusieurs reprise son maître à Paris entre 1762 et 1774. Là, il fréquenta de grands peintres: Carl Van Loo et François Boucher qui l’accepta comme élève. Au retour, il peignit, dans l’hiver de 1763-1764, le premier tableau qui devait le faire connaître comme un peintre de talent: Marianne, comtesse de Forbach avec ses fils Christian et Guillaume et leur précepteur, le baron de Stein. Lors de son second séjour dans la capitale, il se lia avec Greuze et Vernet. De 1767 à 1770, il fut élève, boursier du Roi, à l’Académie de France à Rome où il eut Houdon comme condisciple. Pendant ce séjour en Italie, il se rendit acquéreur d’un assez grand nombre d’œuvres d’art. Ce fut d’ailleurs une de ses préoccupations constantes que de s’en offrir au cours de ses voyages, indépendamment de celles qu’il achetait pour le duc de Deux-Ponts, notamment à Paris durant ses séjours. Premier peintre de la cour du duché de Deux-Ponts, inspecteur des collections ducales de tableaux et directeur de l’école de dessin de la principauté (1771). Surintendant général des bâtiments ducaux et directeur des galeries de peintures (1775). Sous le règne du nouveau duc Charles II Auguste (1775-1795), Mannlich fut probablement le personnage le plus important de son entourage immédiat, de la cour, voire de l’État, à la fois: directeur général des bâtiments ducaux (1776), directeur des Beaux-Arts (1788), courtisan, favori et confident du souverain qui n’hésita jamais à le consulter et à solliciter ses avis sur les questions de grande politique, que ce soit lors de la crise de succession de Bavière (1778) ou au cours de la Révolution française. Il fut, en particulier, chargé de dresser les plans et de diriger la construction, qui dura de 1776 à 1782, d’un gigantesque palais ducal, en style rococo, sur la hauteur du Carlsberg près de Hombourg. Pour son maître, il constitua une gigantesque collection de tableaux qui, en 1793, comprenait plus de 2 000 pièces auxquels s’ajoutaient plus de 4 500 estampes, incunables et gravures sur cuivre. En 1785, il commença la rédaction d’un catalogue descriptif de chacun des tableaux de la collection de peintures du Carlsberg: y figurent, par exemple, la Nativité de Schongauer et les œuvres de peintres français du XVIIIe siècle, et l’on peut dire que c’est en grande partie grâce à Mannlich que le XVIIIe siècle français fit son entrée à Munich. Lors de la Révolution, Mannlich parvint à sauver la plus grande partie de cette collection, en la faisant transporter à Mannheim mais ne put empêcher Maximilien-Joseph, ancien commandant du régiment d’Alsace à Strasbourg, nouveau souverain du duché de Deux-Ponts, toujours à cours d’argent, d’en vendre une notable partie. En 1799, à la mort de Charles-Théodore, le duc de Deux-Ponts, devint Maximilien IV Joseph, électeur de Palatinat et de Bavière. Il s’installa à Munich où Mannlich le suivit, il y fut nommé, directeur central de toutes les galeries de peintures, cabinets et collections de gravures du Palatinat et de Bavière. Le recès de l’Empire germanique de 1803, l’élévation de Maximilien-Joseph comme roi de Bavière par la grâce de Napoléon (1er janvier 1806), la constitution de la Confédération du Rhin (juillet 1806), donnèrent le signal d’une vaste entreprise de sécularisation des biens ecclésiastiques en Allemagne et de médiatisation de villes libres, des petites principautés et de la noblesse d’Empire. À cet effet, en 1802-1803, Mannlich entreprit de visiter toutes les villes libres, couvents, châteaux dans les territoires de Souabe et de Franconie dont la Bavière était entrée en possession. Il s’efforça d’acquérir les plus belles œuvres d’art pour les collections royales. Trouvant insensé qu’elles fussent rassemblées en un même lieu, il réussit à créer des filiales des galeries de Munich, à Augsbourg, à Nuremberg (le futur Musée national germanique), à Bamberg. La plus grande partie des tableaux provenant des moissons de Mannlich se trouve aujourd’hui à l’ancienne Pinacothèque et au Musée national bavarois de Munich. Parallèlement, il compléta les catalogues qu’il avait rédigés à Mannheim et qui concernaient les collections de Deux-Ponts (peintures et gravures sur cuivre et dessins), en y introduisant les acquisitions bavaroises consécutives à la
sécularisation. En 1805, parurent les deux premiers volumes, sous le titre Beschreibung der Churpfalz-baierischen Gemälde-Sammlungen zu München und Schleisseim que l’on peut considérer comme une œuvre fondamentale, compte-tenu de l’époque. Un troisième volume suivit en 1810. À Mannlich revient l’incontestable mérite d’avoir reconnu et fait connaître dans toute l’Europe, les possibilités de la lithographie comme mode de reproduction graphique des œuvres d’art. Sous son initiative parut, de 1800 à 1810, une publication en 72 livraisons, d’un total de 432 pages: Les Œuvres Lithographiques, un choix de dessins d’après les grands maîtres de toutes les écoles, tiré des Musées de Sa Majesté le Roy de Bavière. Les lithographies de l’ouvrage étaient signées de Strixner, de Piloty et de Mannlich lui-même. Pour honorer ses mérites concernant la lithographie, l’Institut de France le nomma membre correspondant. En 1802, il publia, avec un sous-titre en français: Versuche über Gebraüche, Kleidung und Waffen der ältesten Völker bis auf Konstantin den Grossen, nebst einigen Anmerkungen über die Schaubühne (Essai sur les coutumes, les costumes et les armes des plus anciennes nations jusqu’à Constantin le Grand avec quelques annotations concernant le théâtre). Puis, il écrivit un manuel à l’usage des étudiants en Beaux-Arts: Zeichenbuch für Zöglinge der Kunst (1804). Il donna encore trois petits essais en 1812: Versuch über die Schönheitslehre, Versuch über die Zergliederungskunste für Zöglinge und Liebhaber der bildenden Künste, Aesculaps Hahn und Amors vergiftete Fackel, eine Idylle und fünf Fabeln. Poetischer und lithographischer Versuch. De 1813 à 1818, il rédigea ses mémoires, à qui il donna le titre d’Histoire de ma vie. Le manuscrit, entièrement en français, comprend 1563 pages, dont plus de la moitié sur les années 1758-1775. Elles sont riches de renseignements sur les mœurs de l’époque, sur l’histoire de Paris, sur les trésors artistiques et la vie des artistes à Rome, sur le Palatinat, la Lorraine, la cour de Deux-Ponts à la fin du siècles de Lumières et sur les événements politiques de cette époque qui concernèrent la Bavière. Membre de l’Académie royale des Beaux-Arts à Munich (13 mai 1808). Chevalier de l’ordre civil de la couronne de Bavière (19 mai 1808), élevé à la noblesse à titre personnel (1808). Membre des Académies de Parme, Düsseldorf, Mannheim, Augsbourg et Munich. Membre correspondant de l’Institut de France.
La source essentielle reste les Mémoires rédigées par Mannlich. Le manuscrit a connu plusieurs éditions partielles en français: J. Delage, « Le chevalier Gluck à Paris. Souvenirs », Revue de Paris 53, 1946, n° 10, p. 97-121 ; idem, « Aminte Mémoires inédits du Chevalier de Mannlich », Revue de Paris 54, 1947, n° 7, p. 51- 77 ; idem, Mémoires du Chevalier Christian de Mannlich 1740- 1822, Paris, 1948. Éditions partielles en allemand: E. Stollreither, Ein deutscher Maler und Hofmann. Lebenserinnerungen des Joh. Christian von Mannlich 1741-1822. Nach der französischen Originalhandschrift, Berlin, 1910; deuxième édition, Berlin, 1913, troisième édition (réduite) sous le même titre, Stuttgart, 1966. Stollreither qui disposait de l’original à non seulement abrégé mais remanié par endroits le texte pour le réduire à un volume. Ses remaniements ne sont pas exempts d’erreurs. Autres éditions partielles en traduction allemande: Rokoko und Revolution. Lebenserinnerungen des Johann Christian von Mannlich, auf grund der Ausgaben von Dr. Eugen Stollreither neu gearbeitet durch Dr. Friedrich Matthaesisus, Stuttgart, 1966 ; Johann Christian von Mannlich. Lebenserinnerungen (sans indication d’éditeur), Gernsbach, 1974. La seule édition complète du texte original est celle de K.-H. Bender et H. Kleber : Johann Christian von Mannlich. Histoire de ma vie. Mémoires de Johann Christian von Mannlich (1741-1822), 2 vol., Trèves, 1989-1993, un troisième volume avec commentaires et index est en préparation. Cette édition a fourni l’essentiel de la documentation de la présente notice.
On trouvera une bibliographie exhaustive dans H. Bauer, « Kunstanschauung und Kunstpflege in Bayern von Karl-Thedor bis Ludwig I. », Wittelsbach und Bayern, III/2, Krone und Verfassung ; H. Glaser (hrsg.), König Max I. Joseph und der neue Staat, Beiträge zur Bayerischen Geschichte und Kunst 1799-1825, Munich, 1980, p. 345-355, et surtout dans B. Roland, « Johann Christian von Mannlich und die Kunstversammlungen des Hauses Wittelsbach », ibidem, p. 355-365. On en extraiera, E. Sichel, Der Hofkünstler Johann Christian von Mannlich. Ein Kunst-und kulturhistorisches Charakterbild aus dem 18. Jahrhundert, Diss., Munich, 1932, et G. et H. Haug, « Le portrait de la Comtesse de Forbach par Christian de Mannlich », Trois siècles d’art alsacien 1648-1948, Strasbourg-Paris, 1948, p. 149 et s; « Johann Christian von Mannlich. Maler, Architekt », Galeriedirektor und Schriftsteller. Ausstellung zum 150. Todestag (publication et texte de W. Weber), Kaiserslautern, 1972 ; B. Roland, « Christian von Mannlich. Portrait du peintre et de sa femme. Die Wiederentdeckung und Heimkehr eines Bildes nach zweihundert Jahren », Saarheimat, 22/9, 1978, p. 259-266 (portrait de 1778). Un autre portrait, peint en 1808, par J. B. Seele, se trouve à Munich (Bayerische Staatsgemäldesammlungen, n° 9033).
Roger Dufraisse (1995)