Chanoine régulier, théologien (★ Lautenbach v. 1050 † Marbach v. 1103-1119). Manegold est surtout connu en raison de la part qu’il prit au conflit qui mit aux prises le sacerdoce et l’Empire. Il défendit avec tant d’ardeur la cause de Grégoire VII, qu’il dut quitter le chapitre de Lautenbach où il était entré probablement avant 1084. Après avoir mené pendant quelques mois une vie errante, il fut accueilli, en 1086, par les chanoines de Rottenbuch, en Haute Bavière, un établissement qu’avait fondé l’archevêque de Salzbourg et le duc Welf Ier de Bavière. Il y séjourna pendant plusieurs années. En 1094, de retour en Alsace, il voulut qu’elle bénéficiât du mouvement de réforme canoniale dont il avait observé les avantages pendant son exil ; avec Burckard von Geberschwihr ©, il créa la maison dont il fut le premier prévôt à Marbach. Deux ans plus tard, il se rendit à Tours et obtint d’Urbain II, qui l’avait nommé pénitencier, un privilège pour sa fondation. En 1098, Henri IV, qui l’avait fait prisonnier, le retint assez longtemps dans ses geôles. Libéré, il revint à Marbach. Une bulle de Pascal II le mentionne encore en 1103. En 1119, apparaît déjà son successeur dans un acte concernant Marbach. Deux de ses ouvrages sont conservés ; dans le Liber contra Wolfhelmum, Manegold montre que, sur un certain nombre de points, les conceptions des philosophes païens sont inconciliables avec le christianisme. Au passage, l’auteur assimile Henri IV aux païens. Le Liber ad Gebehardum est plus connu. Composé avant 1086, à la demande du prévôt de Lautenbach, Hermann, il est dirigé contre les idées de l’écolâtre de Trèves Wenrich et le destinataire est Gebhard von Salzburg. Manegold justifia la déposition de l’empereur Henri IV. On a voulu voir dans ce livre la première formulation du principe de souveraineté populaire ; le peuple peut, selon Manegold, refuser d’obéir à un souverain qui se révèle indigne et le priver de son pouvoir. Il faut noter toutefois que ce droit d’intervention revient également au pape, dans ce Liber et, au sein de l’Église, aucune intervention dans le gouvernement n’est permise aux fidèles. Les idées de Manegold sont originales. La véhémence dont il fait preuve lui a valu des jugements sévères de la part des historiens favorables à l’Empire. Des passages tirés de l’Anonyme de Melk qui a écrit vers 1130, utilisent une lettre d’Yves de Chartres à un certain Manegold, le « maître des maîtres modernes ». Il semble peu probable que ce Manegold, qui aurait enseigné à Paris, aurait été marié et ne serait entré dans les ordres qu’après le décès de son épouse, soit le même que celui dont des documents sûrs éclairent la vie.
K. Francke, « Libelli de Lite », Monumenta Germaniae Historica I, 1891, p. 303-308, 308-340 ; W. Hartmann, Monumenta Germaniae Historica, Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters VIII, 1972. F. Chatillon, « Recherches critiques sur les différents personnages nommés Manegold », Revue du Moyen Âge latin, 1953, p. 153-170 ; W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach und die Anfänge der Frühscholastik », Deutsches Archiv, 1970, p. 47-149 ; H. Fuhrmann dir., « Volkssouveränität und Herrschaftsvertrag bei Manegold de Lautenbach », Festschrift H. Krause, 1975, p. 21-42 ; Neue Deutsche Biographie, XVI, 1990, p. 21 et s.
† Francis Rapp (1995)