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MANDOUZE André

Universitaire, militant chrétien et anticolonialiste © (★ Bordeaux, 10.6.1916).

Fils de Jean Gustave Mandouze, comptable, et d’Alice Lesbats, fondée de pouvoir. ∞ à Marseille, 20.1.1940, Jeannette Bouissou ; 7 enfants. Reçu en 1937 à l’École normale supérieure, André Mandouze y a préparé l’agrégation de lettres, tout en poursuivant son engagement religieux et social commencé à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne.). Il a été successivement « prince tala » (président du groupe des normaliens catholiques), puis secrétaire général de la JEC. Après la défaite de 1940, il a enseigné successivement les lettres au lycée de Bourg-en-Bresse, puis le latin à la faculté des Lettres de Lyon. Dans cette dernière ville, il s’est engagé dans la Résistance chrétienne et devint le second du P. Chaillet, fondateur de Témoignage chrétien. Moins d’une semaine après l’armistice, le 13 mai 1945, Mandouze a pris la parole à Strasbourg, en compagnie du P. Chaillet, dans la grande salle du Palais des Fêtes archicomble, pour la première grande manifestation de l’après-guerre, sous le titre « De la Résistance d’hier à la Révolution de demain », inaugurant ainsi le cycle des conférences du FEC et des I.C.S., le Groupement des Intellectuels Chrétiens Sociaux qui venait d’être créé. Muté à la Sorbonne, il a assuré pendant 18 mois la rédaction en chef de l’hebdomadaire qu’il avait décidé de donner comme suite au T. C clandestin. En désaccord avec la majorité de l’équipe du journal sur le rapport des chrétiens avec le communisme, il a quitté Paris pour Alger, où il a été nommé à la faculté des Lettres en janvier 1946. Tout en y continuant ses recherches sur saint Augustin, André Mandouze a constaté très rapidement le danger mortel que préparait l’obstination raciste des Européens, encore marqués par le pétainisme. Il avait prévu, dès 1947, la guerre qui éclata en novembre 1954. Il a servi d’intermédiaire pour nouer des contacts entre la direction clandestine de l’insurrection algérienne et Pierre Mendès-France, ministre d’État du nouveau gouvernement du Front républicain issu des élections du 2 janvier 1956, mais cette démarche échoua à la suite des incidents qui marquèrent la visite du président du Conseil Guy Mollet à Alger le 6 février Le 26 janvier 1956, au cours d’un meeting parisien du « Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre », il avait apporté « le salut de la Résistance algérienne ». Cette phrase fut considérée par les « ultras » d’Alger comme la preuve de sa « trahison ». Sa famille a été menacée dans sa maison, ses cours ont été suspendus après une émeute. Mis en quarantaine, les Mandouze ont dû s’enfuir en métropole le 16 mars : le 1er avril 1956, André Mandouze a été transféré officiellement à la faculté des Lettres de Strasbourg. Au moment de la rentrée universitaire, le 9 novembre 1956, il a été arrêté par la Sécurité du Territoire et transféré à Paris où, inculpé de trahison, il a été incarcéré à la prison de la Santé. Un grand mouvement de protestation, qui s’exprima notamment lors de la rentrée solennelle de l’Université le 22 novembre, aboutit à sa libération le 19 décembre et à son retour à Strasbourg. En septembre 1960, il a été l’un des premiers signataires du Manifeste dit « des 121 » affirmant le droit à l’insoumission, mais, à la différence d’autres universitaires, il n’a pas été suspendu ou révoqué. En février 1961, il a publié chez François Maspero, La Révolution algérienne par les textes, ouvrage aussitôt saisi, mais réédité en septembre 1961. Après les accords d’Évian et la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, André Mandouze a quitté Strasbourg en janvier 1963 pour devenir directeur de l’Enseignement supérieur de la jeune République algérienne.

Dans ses Mémoires d’outre siècle, André Mandouze a fait le bilan de ses six années de présence alsacienne et a constaté à quel point cet espace fut « un centre qui nous a ouvert à un monde échappant à l’enfermement hexagonal ». Il a évoqué en particulier la proximité de la faculté des Lettres avec les deux facultés de Théologie qui offraient au spécialiste de patristique des ressources importantes pour les études augustiniennes. La présence au couvent des Dominicains du père Congar © ; celle de protestants comme André Benoît © favorisaient le dialogue œcuménique. Au « Groupe Esprit » se retrouvaient les trois André: Dumas, aumônier universitaire protestant, Néher ©, rabbin, et Mandouze, auxquels se joignait souvent Pierre Bockel ©, aumônier des étudiants catholiques. André Mandouze est revenu souvent en Alsace pour des colloques, des soutenances de thèse, des présentations de livres, des événements familiaux aussi. Sa qualité de membre du Comité national d’évaluation des Universités, auquel il fut nommé après 17 ans de professorat à la Sorbonne, lui permit en particulier de produire un rapport très positif sur l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg. Le 6 décembre 2003, l’exégète de saint Augustin a présenté à la cathédrale de Strasbourg, avec l’acteur Gérard Depardieu, une lecture des Confessions.

Publications savantes pendant le séjour à Strasbourg : avec A. Benoit, » Saint Augustin et la religion romaine », Recherches augustiniennes, 1958 ; « Mesure et démesure dans la patristique », Studia patristica, III, 1961 ; Intelligence et sainteté dans l’ancienne tradition chrétienne, Paris, 1962 ; Mémoires d’outre-siècle, t. 1, Paris, 1998.

H. Hamon, P. Rotman, Les porteurs de valise, Paris, 1979 (index) ; Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN 1954-1962, Paris, 2002 (index).

Jeannette Boulay et Léon Strauss (2006)

Complément

† 5.6.2006 à Porto-Vecchio (Corse-du-Sud)

René Galissot, notice André Mandouze, https://maitron.fr/spip.php?article141349

Philippe Legin (avril 2021)