Parmi les fils du comte Louis de Mousson-Montbéliard († après 1067), et de Sophie (fille du duc Frédéric de Lorraine et de Mathilde de Souabe) figurent Thierry, ancêtre des comtes de Montbéliard et de Ferrette, et Frédéric. Ce dernier épouse Agnès, héritière du marquisat de Suse en Piémont, et lutte avec le parti grégorien contre l’empereur Henri IV jusqu’à sa mort en 1901 (Monumenta Germaniae Historica, Scriptores V 454). Son fils
- Peter,
(† avant 1133) chassé d’Italie par les Saliens, se replie sur les domaines de sa famille en Alsace. Il réside au château de Lützelburg (sur Zorn), bâti par ses ancêtres sur les terres de l’abbaye de Marmoutier (Alsatia Diplomatica, I, 235, n° 283). Qu’une source du début du XIIIe siècle le nomme comte de Falkenstein (au Nord-Ouest de Niederbronn : Alsatia Diplomatica, I , 206, n° 254) n’est pas probant. En 1126, il fonde un couvent de femmes à Saint-Jean-lès-Saverne et le confie (avec celui de Graufthal, dont il a hérité) aux Bénédictins réformés de Sankt-Georgen (Stenzel). Vers 1116, lui et son petit-cousin le duc de Souabe Friedrich le Borgne, qui possèdent chacun un tiers de la Forêt Sainte, donnent ensemble au pape l’abbaye de Walbourg (issue d’une celle fondée en 1074) et lui garantissent le libre choix de son avoué (Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 6, 1931, 46) — ce qui profitera aux Staufen. Peter a peut-être aussi favorisé l’abbaye de Biblisheim, qui passe pour fondée, comme Walbourg, par son oncle Thierry de Montbéliard. En revanche, il annule la donation de Harthouse au Grand Chapitre par un clerc issu de sa ministérialité (Regesten der Bischöfe von Strassburg, Innsbruck, 1908, I, 376, 724) et ravit à Marmoutier la forêt de Hultehouse et la dîme de Garrebourg (que son fils, excommunié, restituera). Cette conduite n’est contradictoire qu’aux yeux de ceux qui confondent encore la querelle dite des Investitures avec le Kulturkampf.
- Reinald,
(† Marmoutier 1143). Fils de Peter 1 © et d’Ita (qui lui survit), appelé d’habitude comte de Lützelburg, mais parfois comte de Falkenstein (Monumenta Germaniae Historica DD, IX, n° 56-57); il est dit fils unique, mais il a un « frère » (au sens de beau-frère plutôt que de demi-frère) : Heinrich, avoué de l’évêché de Strasbourg (Alsatia Diplomatica, I, 225). Sa grande œuvre est la fondation de l’abbaye cistercienne de Neubourg. Comme pour Walbourg, il s’agit d’une action concertée avec le duc Friedrich, qui possède maintenant les 2/3 de la Forêt Sainte, mais ici l’initiative revient à Reinald, de qui provient l’essentiel de la dotation primitive du couvent. Il lui lègue même tout son tiers de la forêt, mais l’empereur se l’approprie (Alsatia Diplomatica, I, 261), peut-être au titre de ses droits comme cohéritier. Reinald meurt à Marmoutier (à qui il lègue un domaine à Laubach/Eschbach) et est enterré à Neubourg en 1143 (Alsatia Diplomatica, I, 224 ; les dates de 1140 et 1150 semblent reposer sur de mauvaises lectures de son épitaphe). Au début du XIIIe s., un moine de Neubourg le dit « éminent par sa sainteté et ses miracles » (Alsatia Diplomatica, I, 207). En fait, n’ayant pas d’enfants (il ne semble pas avoir été marié), il avait tout loisir d’assurer son salut par des largesses envers l’Église.
Witte estime que les Lützelburg n’avaient que peu de terres et n’ont joué qu’un rôle effacé en Alsace. À vrai dire, on n’en sait trop rien, car les archives des couvents auxquels ils ont eu à faire sont toutes mal conservées, voire perdues. Il est vrai qu’ils n’ont guère fréquenté la cour impériale, mais leur rôle dans les luttes entre partisans et adversaires des Saliens et dans les conflits régionaux reste inconnu, faute aussi de chroniques. Ce ne sont pas eux qui ont introduit la réforme de Sankt-Georgen en Alsace, mais ils ont beaucoup fait pour son succès (Wollasch). Leurs biens, pour autant qu’on les connaisse, semblent avoir relevé en grande partie des cours royales de Schweighouse/Moder (dont les dépendances s’étendaient de la Forêt Sainte aux Vosges du Nord) et de Hochfelden, qui auraient passé de sainte Adélaïde à sa nièce, mariée au duc Hermann de Souabe, puis à leurs filles, dont Mathilde, grand’mère de Peter von Lützelburg (Witte, Hlawitschka). En revanche, c’est des Dagsburg/Dabo que Peter aurait hérité le château de Lützelburg — s’il a raison de prétendre (Alsatia Diplomatica, I, 235) que Marmoutier a reçu en échange de Lützelburg, ou de son emplacement, le prieuré de Saint-Quirin, qui passe pour fondé en 966 par le comte Louis « de Dabo », dont une hypothétique petite-fille, Hildegarde, aurait épousé Louis de Mousson, grand-père de Peter. Tout cela reste bien incertain.
Presque aussi nébuleuse est la dévolution des biens des Lützelburg après la mort de Reinald. On sait seulement que Lützelburg est passé à l’évêque de Metz Étienne de Bar, cousin du défunt, et Falkenstein aux Staufen avant 1205.
H. Witte, « Der hl. Forst und seine ältesten Besitzer », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 51, 1897, p. 197-244 (en part. p. 222-44), et 52, 1898, p. 389-424 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 212-214 (sans valeur) ; M. Grosdidier de Matons, Le comté de Bar des origines au traité de Bruges, 1922, en part. p. 97-99 (erreurs) ; K. Stenzel, « Notitia fundationis cellae S. Johannis prope Tabernas », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 76, 1922, p. 180-216 et 331-358 (étude) et 77, 1923, p. 33-44 (texte); L. Pfleger, « Die … Abtei Neuburg im Hl. Forst », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, I, 1-48, en part. p. 3-7 ; L. Pfleger, Die Abtei St. Walburg im Hl. Forst », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 6, 1931, p. 1-90, en part. p. 3-9, p. 46-49; H. Heuermann, Die Hausmachtpolitik der Staufer… (1079-1152), 1939, p. 66-79; H. W. Herrmann, Geschichte der Grafschaft Saarwerden, II, 1959, p. 85-86 ; H. J. Wollasch, Die Anfänge des Klosters St. Georgen im Schwarzwald, 1964 (peu sûr) ; F. Eyer, « Les familles nobles de Lutzelbourg », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, n° 82/83, 1973/2-3, p. 29-30 (en partie fantaisiste) ; Peter Müller, Die Herren von Fleckenstein im späten Mittelalter, 1990, p. 50; Ed. Hlawitschka, « Zu den Grundlagen der staufischen Stellung im Elsass: Die Herkunft Hildegards von Schlettstadt », Südetendeutsche Akad. d. Wiss., geisteswiss. Kl., SB 9, 1991, et à part, en part. p. 33-47 (Forêt Sainte).
Bernhard Metz (1995)