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LOUVOIS François Michel Le TELLIER marquis de

Ministre secrétaire d’État de la Guerre, (C) (★ Paris 13.1.1641 † Paris 16.7.1691, inhumé aux Invalides).

Fils de Michel IV Le Tellier (★ Paris 1603 † Paris 1685), secrétaire d’État de la Guerre (1643), marquis de Louvois (1656), chancelier (1677), et d’Élisabeth Turpin, fille de Jean seigneur de Vauvredon, conseiller d’État ∞ 9.3.1662 Anne de Souvré, « fille de qualité et de beaucoup de biens », du marquis de Souvré et de Courtanvaux, et de Marguerite Barentin. Sensible à l’argumentation de Vauban, il inspira à Louis XIV la constitution du « Pré Carré », fortifia au prix de « Réunions », effectuées en pleine paix, la frontière linéaire, et força ainsi la capitulation de Strasbourg. Louvois déclara à Illkirch qu’il comptait sur la reddition de la ville lors de l’entrevue qu’il avait avec les députés du Magistrat, et que, s’ils n’obéissaient pas «ils n’avaient à espérer aucune faveur mais que la
ville serait détruite à fond par le fer et le feu ». Louvois voulait couper court par son langage brutal à toute hésitation du Magistrat. Ce résultat fut atteint (cf. R. Reuss, Histoire de Strasbourg depuis ses origines jusqu’à nos jours, Paris, 1922, p. 251). En 1673 il fut chargé, en tant que secrétaire d’État, de l’administration de l’Alsace et les Trois Évêchés. Il vint fréquemment en Alsace (cinq voyages), demandant à tous une stricte obéissance et dictant ses ordres, en des billets courts et précis, aux commandants des troupes, aux gouverneurs des places, à l’intendant de la province, La Grange ©, son homme de confiance. Il voulait tout voir et tout savoir: « Tenir la main à ce qu’on défriche l’hiver prochain le reste des prairies qui étaient tournées en bois depuis le temps des Suédois… » (mai 1682). « Il est juste de soulager les Communautés d’Alsace auxquelles les Bourgeois de Strasbourg ont prêté de l’argent pendant la dernière guerre à trente pour cent. Envoyer un projet d’arrêt: le Roy accordera sûrement même la restitution de ces excessifs
intérêts… » (1682). Partisan de la « guerre totale », son nom est associé à la dévastation du Palatinat et à la politique de la terre brûlée dans une partie de la Basse Alsace (Haguenau). En rivalité avec les Colbert ©, il reçut à la mort de J.-B. Colbert la surintendance des bâtiments, arts et manufactures, en 1684 la Bibliothèque de l’imprimerie royale, en 1690 les fortifications côtières. En 1685 il aida son père dans les questions relevant de la Chancellerie. Se pose la question de sa participation à la Révocation de l’édit de Nantes. En Alsace, il a dirigé le « grand dessein royal » (L. Châtellier) de conversion de la ville de Strasbourg et de réimplantation du catholicisme dans les campagnes. Son entrevue avec Dominique Dietrich ©, ammeistre résistant, est restée célèbre. Il eut plus de chance avec les représentants de l’administration : « Il n’y a pas besoin d’être avocat (gradué) pour être bailli, mais il est nécessaire d’être catholique » (à Le Laboureur©, 17 septembre 1685), de même pour les prévôts. Deux autres titres l’ont orienté également vers l’Alsace: la surintendance générale des postes, relais et chevaux de louage de France, redoutable par la surveillance de la correspondance, et intéressante par les revenus qu’elle procure (courrier de l’étranger), le grand vicariat de l’ordre de Saint-Lazare qui devait compléter la création des Invalides, par la réunion des biens des hôpitaux, devenus inutiles ou mal administrés, à l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, décision qui provoqua une certaine émotion parmi les communautés et entraîna la confection d’inventaires du plus haut intérêt pour les historiens. La « désunion » fut proclamée à la mort de Louvois, mais a entraîné une réorganisation de la carte hospitalière. Dur pour lui-même et pour les autres, brutal, rusé et nerveux dans sa correspondance et son pouvoir de décision — « tenir la main à ce que les gens qui agissent sous mon nom n’excèdent en rien les droits qui m’appartiennent et ne fassent aucune violence » —, Louvois a participé à la création d’une catégorie originale dans l’administration de la France d’Ancien Régime, celle des provinces frontières dont le « particularisme » et l’« ouverture » sont les traits essentiels. Deux notations pour compléter cette physionomie: « Me faire envoyer 10 ou 12 livres de cette racine que vous appelez en latin Carmina » (plantes digestives) (lettre à Jean Christophe Güntzer ©, Archives de la Guerre, A1 683, f. 223) ; « Quand la saison viendra semer des raves et des gros navets qui croissent à Strasbourg, m’en envoyer de la graine » (ibidem, 9 décembre 1683, f. 491).

 

Archives départementales du Bas-Rhin, E (nomination de Jean Georges Weingand, comme titulaire de la poste d’Ottmarsheim, nouvellement établie, signée par Louvois et contresignée par La Grange, 13.2.1685), et 2 G 482f, 32 (lettre de Louvois rassurant les réformés de Strasbourg et d’Alsace lors de la révocation de l’édit de Nantes, 1685) ; C. Rousset, Histoire de Louvois, 4 vol., Paris, 1861-1863; R. Reuss, Correspondance entre Ulrich Obrecht, préteur royal, et Jean-Baptiste Klinglin, Paris-Strasbourg, 1899, p. 6 (sur l’incident, au Magistrat de Strasbourg, consécutif à la mort de Louvois, passe d’armes entre Obrecht et Güntzer) ; L. André, Michel Le Tellier et Louvois, Paris, 1943 ; E. Vaillé, Histoire générale des postes françaises, II-III, Paris, 1949-1950 ; G. Livet, « Louis XIV et les provinces conquises », Bulletin de la Société des études du XVIIe siècle, 1952, p. 489-502 ; idem, « Strasbourg, Metz et Luxembourg. Contribution à l’étude de la politique extérieure de la France sous l’Ancien Régime », Les relations franco- luxembourgeoises de Louis XIV à Robert Schuman. Actes du colloque de Metz-Luxembourg (17-19 novembre 1977), sous la dir. de R. Poidevin et G. Trausch, Metz, 1978; L. Châtellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique, Paris, 1981, p. 520 (index); J. Imbert (dir.), Histoire des hôpitaux en France, Toulouse, 1982, p. 202-203 ; A. Corvisier, Louvois, Paris, 1983 ; G. Livet, L’intendance d’Alsace, Strasbourg, 2e éd. 1991, passim ; P. Charbon, « Postes aux chevaux et messageries en Allemagne et en France dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle », L’Europe des communications à l’époque de Mozart. Actes du congrès international de Strasbourg (14-16 octobre 1991), à paraître.

† Georges Livet (1995)