Skip to main content

LOUIS XVI

Roi de France et de Navarre, (C) (★ Versailles 23.8.1754 † Paris 21.1.1793).

Fils de Louis de France (1729-1765), Dauphin, et de Marie Josèphe de Saxe (1731-1767), surnommée Pepa, fille du prince électeur Frédéric Auguste de Saxe (roi de Pologne Auguste III) ∞ 16.5.1770 à Versailles Marie-Antoinette d’Autriche (★ Vienne, Autriche, 2.11.1755 † Paris 16.10.1793), fille de Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780) et de François Ier, empereur d’Allemagne (1708-1765), créateur de la branche des Habsbourg-Lorraine ; 4 enfants.

Prince honnête et pieux, Louis ne manquait ni de bon sens ni d’instruction. Concernant l’Alsace, il en avait une connaissance cartographique, sans contact direct avec la population. La machine administrative était bien rodée et le poids du contrôleur général se trouvait accru par les progrès de la statistique sous Turgot, Necker et Calonne. Il tenta de s’entourer de bons conseillers. Mais, faible et indécis, le roi fut livré à l’influence de ses proches; un incident spectaculaire — l’affaire du Collier — n’épargna pas l’Alsace. Celle-ci participa à l’évolution générale, sans que l’on puisse noter une intervention particulière du monarque, mise à part l’entrée de la Dauphine à Strasbourg (octobre 1770). Le règne de Louis XVI connut deux périodes. La première partie du règne de Louis XVI (1774-1787) vit des tentatives de réforme financière pour combler le déficit hérité du règne précédent et aggravé par la guerre d’Amérique. Gagné aux idées philosophiques, l’intendant Chaumont de La Galaizière ©, sous l’autorité du commandant en chef de la province, le maréchal de Contades ©, s’efforça de promouvoir une politique de tolérance religieuse à l’égard des protestants: en 1778, le corps du maréchal de Saxe © fut inhumé à l’église Saint-Thomas ; en 1788, les calvinistes obtinrent un temple à Strasbourg. La franc-maçonnerie fit des progrès parmi les élites alsaciennes, respectueuses de l’ordre établi. En 1781, pour célébrer le centenaire de la capitulation de Strasbourg, le Magistrat fit frapper une médaille à l’effigie de Louis XVI : Argentoratum felix votis sæcularibus ; il y eut sans doute aussi des « louis » satiriques. Par ailleurs, 20 jeunes filles (une par tribu) furent dotées, et le droit de bourgeoisie fut accordé à leurs maris. Louis fut favorable à la création d’un mont-de-piété à Strasbourg, à l’établissement d’une sixième imprimerie (Rolland), à la généralisation de la vaccine (mais le Magistrat avait interdit cette pratique en 1772 : Archives municipales de Strasbourg, VI 665, 6). En 1782 fut présenté au roi le Grand Mémoire en soulagement dressé par le Magistrat de Strasbourg, comportant les contributions exigées des habitants depuis 1695 (Archives municipales de Strasbourg, VI 695, 3). Des réductions notables furent obtenues, un esprit nouveau auquel le roi n’était pas étranger semblait animer l’administration. Plus directement liées à la personne du monarque apparaissent les réalisations en politique extérieure intéressant l’Alsace: d’une part se poursuivit le lent grignotage qui, par la voie de la diplomatie, tendait à intégrer les petits États à l’intérieur de la frontière linéaire — ce fut le cas de Deux-Ponts (1785) —, d’autre part, soucieuse de maintenir l’axe majeur Vienne-Versailles, clef de l’équilibre continental européen, la diplomatie française renoua en 1777 avec les cantons suisses protestants et catholiques — pour le renouvellement de l’alliance compromise en 1715. Elle soutint le Magistrat de Strasbourg face aux prétentions de l’électeur Palatin et du margrave de Bade (Bade-Durlach et Baden-Baden unifiés en 1771), face aux ambitions du port de Kehl et à la concurrence possible de la voie de la Moselle. L’Alsace jouait alors son rôle d’intermédiaire entre la France et l’Empire dans le domaine des idées, des livres, des hommes et des arts; la contrebande fut active sur le Rhin. Cagliostro ©, fort de sa doctrine de régénération physique et morale, arriva à Strasbourg où il rallia le cardinal de Rohan ©, avec lequel il fut impliqué dans l’affaire du Collier. Le discrédit n’épargna pas la personne royale, isolée à Versailles et objet des lazzis des pamphlétaires ; malgré sa victoire américaine, Louis XVI suivit les événements sans les dominer.

La seconde partie du règne (1787-1793) se plaça, en Alsace comme ailleurs, sous le double
signe de l’espérance et de la désillusion. Espérance avec la création de l’Assemblée provinciale (1787), fait essentiel, et la convocation des États généraux qui suivit, en mai 1789, la rédaction des cahiers de doléances. Le roi fut alors le « père du peuple », « père de la Patrie », notamment en Alsace. La désillusion surgit devant les désordres ruraux et urbains (le sac de l’Hôtel de ville de Strasbourg, le 19 juillet 1789, où les troupes royales ne bougèrent pas), les mesures qui visaient la religion (le rejet par les catholiques de la Constitution civile du clergé acceptée par le roi), les mesures financières et administratives : la création des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin brisa l’unité de la province. Le 27 septembre 1791, malgré les réticences alsaciennes, notamment de Reubell ©, l’Assemblée constituante accorda à tous les juifs de France l’accès à la citoyenneté active (loi promulguée le 13 novembre). Le roi fut le garant de l’ordre nouveau exprimé par la Constitution de 1791 ; à Strasbourg, le maire F. de Dietrich © fit preuve de légitimité à l’égard du monarque constitutionnel. Mais la journée révolutionnaire du 10 août 1792 entraîna la chute de la royauté.

J. F. Aufschlager, Uebersicht von Strassburg, Strasbourg, 1820; idem, Petit tableau de Strasbourg ou notices topographiques et historiques sur cette ville, Strasbourg, 1821 ; idem, Souvenirs d’un vieux professeur strasbourgeois (1766-1833), avec notice préliminaire, publ. par R. Reuss, Strasbourg, 1893 ; C. Muller, « Deux louis d’or satiriques de Strasbourg », Revue d’Alsace, 1931, p. 78-82 ; M.-J. Bopp, « La poésie politique en Alsace pendant la Révolution », Deux siècles d’Alsace française, op. cit., p. 212 ; Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France, XXVIII, États allemands, op. cit. (sur la question des émigrés et des princes possessionnés en Alsace, dont l’éviction fut la conséquence immédiate de la Révolution en Alsace), XXX-1, Suisse, Les XIII cantons, éd. par G. Livet, Paris, 1983, p. XXXI (sur le renouvellement de l’alliance de 1777), XXX-2, Suisse, Genève, les Grisons, Neuchâtel et Valangin, l’évêché de Bâle, le Valais, éd. par G. Livet, Paris, 1983, concernant Genève: p. 651-671 (sur l’intervention française en 1782), 673, concernant les Grisons: p. 771 et s. (le projet de la route d’Engadine), concernant l’évêché de Bâle : p. 883 (Gérard) ; F. L’Huillier dir., « L’Alsace et la Révolution française », Saisons d’Alsace, n° 69, 1964 (n° spécial) ; Mémoires de la baronne d’Oberkirch, prés. par S. Burkard, Paris, 1970 ; Le règne de Louis XVI et la guerre d’indépendance américaine. Actes de Colloque de Sorèze 1976, Dourgne, 1977 (H. Weber, « Le sacre de Louis XVI », p. 11-22; J. Chagniot, « L’armée de Louis XVI », p. 35-48; G. Livet, « Conrad Alexandre Gérard », p. 141-186 ; D. J. Sturdy, « Les sciences en France sous Louis XVI », p. 215-229) ; Y. Le Moigne, « La conjoncture Louis XVI », Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, 1981, p. 167-178; R. Oberlé, « L’explosion révolutionnaire », ibidem, p. 535-555 ; G. Livet, « De la mosaïque à l’unité. La conscience provinciale en Alsace à la fin du XVIIIe siècle », Revue du Nord 261-262, 1984, p. 839-852 ; L’Europe, l’Alsace et la France, op. cit. (E. Sablayrolles, « Esquisse d’une géographie médicale à la fin du XVIIIe siècle », p. 57-64; B. Vogler, « L’Assemblée provinciale d’Alsace (1787). Une prise de conscience des problèmes régionaux à la veille de la Révolution », p. 65-72) ; G. Livet et J.-M. Schmitt dir., « Nouveaux regards sur la Révolution en Alsace, » SA, n° 104, 1989, p. 41-267.

† Georges Livet (1995)