Évêque de Strasbourg de 1541 à 1568, (c) (* ? 7 ou 8.8.1507 † Saverne 27.11.1568). Fils de Christoph, Erbschenk (échanson héréditaire d’Empire) von Limburg (Limpurg), de la ligne de Gaildorf (Wurtemberg), et d’Agnes von Werdenberg. Comme deux de ses oncles et deux de ses frères, chanoines à la cathédrale de Strasbourg, ainsi que deux de ses sœurs qui entrèrent en religion, il fut destiné à la carrière ecclésiastique et obtint dès avant 1521 un canonicat au chapitre cathédral de Bamberg. Il commença ses études en 1521 à Tübingen, puis les continua à Paris, où il se lia d’amitié avec l’humaniste Jean Sturm © et acquit de solides connaissances bibliques et patristiques. Le 20.4.1532, il entra au Grand Chapitre de Strasbourg et y succéda le 14.8.1538 au comte Reinhart von Hanau (-Lichtenberg) dans la dignité de custode ou trésorier de la cathédrale. Il était aussi prévôt du chapitre de Surbourg. Caractère aimable, enjoué et conciliant, plus intellectuel qu’homme d’action, aimant ses aises et temporisateur au point de passer pour un velléitaire, L. menait une vie irréprochable, sauf un grand faible pour la chasse. Grandi dans l’humanisme chrétien d’un Erasme de Rotterdam ©, il partageait avec celui-ci l’amour de la paix et le souci de rester dans le giron de l’Église romaine, tout en s’efforçant de la réformer grâce à une meilleure catéchèse des fidèles et à une formation plus approfondie du clergé. Mais il avait une vue trop désabusée des graves défauts dont souffrait ce dernier, pour être un adversaire inconditionnel de la Réforme protestante, à laquelle s’étaient d’ailleurs ralliés un de ses frères et une de ses sœurs. À un moment où les théologiens humanistes et les hommes politiques clairvoyants des deux côtés cherchaient à éviter une rupture définitive entre les confessions par le moyen de colloques ou d’un concile national ou général, L. était aux yeux des chanoines du Grand Chapitre de Strasbourg, chargés de nommer un successeur à l’évêque Guillaume III de Honstein © († 29.6.1541), le candidat de compromis le plus acceptable. Aussi fut-il élu, à son corps défendant, le 12.8.1541, par la grande majorité des 17 chanoines présents, à la satisfaction du Magistrat strasbourgeois, avec lequel le Grand Chapitre tenait par-dessus tout à être en bons termes. Son élection fut confirmée par le pape Paul III (5.-9.12.1541). Les sept premières années de l’épiscopat de L. furent placées sous le signe d’une forte progression du protestantisme en Alsace : non seulement la ville de Strasbourg et le comté de Horbourg-Riquewihr s’y étaient déjà ralliés, bien plus, en 1543-1545, la seigneurie de Fleckenstein et le comté de Hanau-Lichtenberg en firent autant. Un moment même, à l’occasion d’un colloque tenu avec L. à Molsheim le 18.10.1542, les délégués de la ville de Strasbourg purent se bercer dans l’illusion qu’il introduirait la Réforme, ne fût-ce que sous une forme mitigée, dans le territoire épiscopal et dans le diocèse. Mais L. n’y était pas disposé, vu l’ambiguïté de la situation, et se sentait trop prince du Saint Empire : il fit donc la sourde oreille en se retranchant derrière les décisions des diètes impériales et derrière le futur concile. En outre, il laissait de plus en plus la responsabilité des affaires à son chancelier Christophe Welsinger ©, défenseur intransigeant des droits de l’Évêché et adversaire irréductible des nouvelles doctrines. D’ailleurs de nombreux conflits territoriaux et institutionnels, hérités du passé, entamèrent bientôt la relative entente qui avait commencé à régner entre L. et la ville de Strasbourg. La situation se retourna avec la victoire de Charles Quint sur la Ligue protestante de Smalkade en 1546-1547. L. se décida alors à se faire enfin ordonner prêtre (1548) et sacrer évêque (1549). Le 2.4.1549, il réunit à Saverne un premier synode de son clergé, où il publia, à la suite de la déclaration de réforme provisoire promulguée l’année précédente par l’empereur et appelée Intérim, d’importants statuts destinés à réformer, dans un sens conservateur, la vie religieuse et ecclésiastique du diocèse. En ces années 1548-1550, la grande affaire pour lui fut d’obtenir, en profitant de la pression impériale, l’application de l’Intérim par la Ville de Strasbourg. Il n’y réussit qu’en partie, la diplomatie dilatoire du stettmeistre Jacques Sturm © ayant réussi à faire régler l’affaire par un arbitrage, prononcé le 23.11.1549 et mis en application en février 1550. Il comportait comme clause principale le retour de la cathédrale, de St- Pierre-le-Jeune et de St-Pierre-le-Vieux au culte catholique, les autres églises restant au culte protestant ; une convention de protection du clergé catholique par le Magistrat pendant dix ans complétait cet accord. En 1549 aussi, L. publia, à la suite de l’Ordonnance de police impériale de 1548, une Polizey Ordnung qui fut reprise et complétée lors d’une réunion des États de Basse Alsace à Molsheim le 28.1.1552, à laquelle cependant L. n’assista pas. En effet, il s’était finalement rendu au concile de Trente, où il arriva le 6.10.1551 avec le prévôt de Seltz et le doyen de St-Pierre-le-Jeune, et où ses connaissances patristiques lui permirent d’intervenir dans les discussions sur l’eucharistie, sur la confession auriculaire et sur des réformes liturgiques. Il quitta Trente en mars 1552 et rentra en faisant un crochet par Rome. A la veille de l’expiration de la protection décennale convenue en 1549 entre le clergé et le Magistrat de Strasbourg, le peuple strasbourgeois manifesta si brutalement contre le culte catholique à la cathédrale que celui-ci dut cesser en novembre 1559 et ne put plus être repris, malgré les efforts déployés par l’évêque, de sorte qu’en mai 1561, le rétablissement du culte protestant à la cathédrale et dans les deux églises St-Pierre fut chose faite. De son côté, L. réunit en août 1560 un deuxième synode à Saverne, où les statuts synodaux de 1549 furent améliorés et élargis de façon à pouvoir servir de manuel de pastorale pour le clergé. Après un troisième synode en juillet 1565, ils furent imprimés à Mayence en 1566. Mais en attendant, L. ne désigna personne pour les faire appliquer ; aucune sanction n’était prévue, ni aucune visite canonique. À la cour épiscopale de Saverne bien des projets furent élaborés, mais aucun n’aboutit. Le Grand Chapitre, à l’accord duquel l’évêque était tenu, continuait à refuser la réforme pour lui-même, et le clergé des collégiales n’était pas moins égoïste; quant à celui des campagnes, sa situation matérielle et en partie intellectuelle et morale était très précaire. Pour y remédier, L. envisageait dès 1555 la fondation d’une école pour garçons se destinant au sacerdoce ; il fit aussi venir en 1557- 1558 le jésuite Pierre Canisius ©, mais sans grand résultat. En 1567, il fut question d’ouvrir un séminaire, à l’occasion de la lettre pastorale du 9.3.1567, par laquelle L. promulgua les décisions du concile de Trente relatives au dogme et à la discipline, mais le projet n’eut pas de suite. Quoique miné de plus en plus par la maladie, L. ne se rendit pas aux arguments de Canisius, venu d’ordre du pape à Saverne en juillet 1567 pour l’engager à désigner un coadjuteur avec droit de succession, afin d’éviter qu’à sa mort le diocèse ne bascule dans le camp protestant. Tout en reconnaissant l’urgence des réformes nécessaires, L. n’avait pas encore les moyens de les réaliser; ce fut son successeur, Jean IV de Manderscheid ©, qui sut les trouver, avant tout en faisant appel aux Jésuites.
Sources: aux ABR, AMS, AST, etc., publiées en partie dans: Politische Correspondenz der Stadt Strassburg im Zeitalter der Reformation, III-V, Strassburg, 1898, Heidelberg, 1928-1933; Acta Reformationis cathoticae, hrsg. v. G. Pfeilschifter, IV, Regensburg, 1971, p. 122-202 (négociations avec la Ville de Strasbourg 1538-1544); Concilii Tridentiniactorum partis quartae volumen prius… (1551-1552), Friburgi Brisgoviae, 1961, passim; Statuta et decreta synodidiocesanae Argentoratensis (Saverne, 2.8.1560), et Formula examinis ecclesiastici ab Erasmo Argentinensi antistite conscripta… MDLX, Moguntiae, exc. Franciscus Behem, 1566 (exemplaire à la BMS, C 1254 1- 2); réimpr. dans Lünig, Continuatio II. Spicilegii ecclesiastici, Lipsiae, 1721, p. 893-897; Concilia Germaniae, ed. Schannat et Hartzheim, VI, Coloniae, 1765, p. 419-532, et Synode de 1549 sous l’évêque Erasme de Limburg, Ecciesiasticum Argentinense. Strassburger Diözesanblatt. Archivistische (Archivalische) Beilage 7, 1888, p. 17-66.
H. Prescher, Geschichte und Beschreibung der zumfränkschen Kreisegehörigen Reichsgrafschaft Limpurg, Stuttgart, I, 1789, p. 291-293, II, 1790, p. 432; T.W. Röhrich, Geschichte der Reformation im Elsass, II, Strassburg, 1832, p. 259, n. 53; Ph.A. Grandidier, Œuvres historiques inédites, IV, Colmar, 1866, p. 409-428; idem, Nouvelles œuvres inédites, III, Colmar, 1899, p. 85; M. Sdralek, Die Strassburger Diözesansynoden, Strassburg, 1894, p. 69-73; J. Ficker, O. Winckelmann, Handschriftenproben, I, Strassburg, 1902, n°41; Sitzmann II, 173-174; K. Hahn, Das Aufkommen der Jesuiten in der Diözese Strassburg, ZGO 64, NF 25, 1910, p.263; Th. Walter, Der Regierungsantritt des Bischofs Erasmus von Limburg in Rufach, Jb. des Vogesen-Clubs 29, 1913, p. 72-77; E.C. Scherer, Zur Einführung des Interims im Strassburger Münster, AEKG 4, 1929, p. 409-412; L. Pfleger, Die Strassburger Diözesanstatuten des Bischofs Eramus von Limburg und Georg Wicelius, AEKG 6, 1931, p. 410-412; H. Neu, Regesten zur Geschichte der Strassburger Bischöfe des 16. Jahrhunderts, AEKG 12, 1937, p. 394-398; K. Hahn, Die katholische Kirche in Strassburg unter Bischof Erasmus von Limburg, Frankfurt/M., 1940 (le travail fondamental); Ritter W, 1938, n°794, 1677, 2218; H. Haug, Notes et documents sur Hans Baldung Grien…, II. Le prétendu portrait d’Erasme de Limbourg, RA, 1952, p. 102-105; J. Benzing, Bibliographie strasbourgeoise, I, Baden-Baden, 1981, n°1791 ; EA VIII, 1984, p. 4760.
Portrait: celui peint par Hans Baldung Grien © en 1538, et qui était avant la Révolution dans la salle capitulaire du Chapitre de St-Thomas, a disparu; par contre, il est plus que probable que c’est L. qui est représenté en évêque agenouillé devant un grand crucifix sur la page de titre des Statula synodaux imprimés à Mayence en 1566 (reproduit dans Horizons européens de la Réforme en Alsace, Strasbourg, 1980, pl. 2, et en médaillon dans Livet-Rapp II, 1981, p. 520).
† André-Marcel Burg (1995)