Skip to main content

LEVY Jacques Alphonse (SAÏD)

Dessinateur et peintre, (I) (★ Marmoutier 8.1.1843 d. Alger, 2.2.1918).

Fils de Marc L. et de Rosette Lewel, tous deux issus de familles juives implantées depuis plusieurs générations à Marmoutier, et qui ont acquis par le négoce et le commerce des bestiaux une solide aisance ; les deux grand-pères, Joachim Levi (1758-1826) et Jacques Lewel (1757-1837), figurent déjà en 1818 parmi les 10 plus gros contribuables de la commune de Marmoutier. Célibataire. Lors des manifestations antisémites de février 1848 à Marmoutier, la famille Levy, qui possédait des biens fonciers importants et était un des plus grands prêteurs d’argent de la région, fut particulièrement visée, et le petit Alphonse assista au pillage de la maison familiale. En 1851, la famille quitta Marmoutier pour s’installer à Strasbourg où L. poursuivit des études au lycée impérial. En 1860, il quitta Strasbourg pour Paris, où il fréquenta l’atelier du peintre Jean Léon Gérome. Le classicisme rigide de son maître n’a pratiquement pas inspiré ses œuvres futures, mais lui a laissé une remarquable maîtrise technique. Il noua également des relations d’amitié avec le peintre mondain Carolus Duran. Dans son œuvre, on peut distinguer trois étapes :
– De 1865 à 1880 environ, il devint un dessinateur humoriste et satirique, dont les dessins brocardant les mœurs et la politique parurent dans les nombreux journaux satiriques de l’époque. On retrouve dans ses dessins les sentiments typiques du juif alsacien de l’époque : la vénération pour la France républicaine et pour Napoléon Ier et une haine de l’Allemagne impériale. Cette époque fut également celle de l’assimilation bourgeoise, puisqu’il signa ses œuvres, non de son nom juif de Levy, mais du pseudonyme de Saïd.
– De 1880 à 1904, il fit un retour à ses sources juives et devint le dessinateur des juifs ruraux d’Alsace ; il illustra des ouvrages comme La Vie juive de Léon Cahun et les Contes juifs de Sacher Masoch. Mais surtout, il publia en 1903 un recueil de ses principales lithographies sous le titre de Scènes familiales juives.
– A partir de 1904, L. se rendit souvent en Algérie auprès de membres de sa famille qui s’y étaient installés. Il y découvrit la communauté juive nord-africaine qu’il adopta comme nouveau thème de ses dessins. Si on retrouve dans les dessins de cette époque son talent et son don d’observation, on ne perçoit plus l’émotion de ses dessins alsaciens. En Algérie, L. dessinait ce qu’il voyait ; en Alsace, il dessinait ce qu’il ressentait. L., qui a été très apprécié dans les milieux artistiques, a longtemps été boudé par la communauté (et peut-être aussi par sa propre famille). Il lui a été reproché de présenter dans leur réalité humble et naïve les petits juifs ruraux d’Alsace, que les juifs enrichis et embourgeoisés ne voulaient plus reconnaître comme leurs ancêtres. Mais aujourd’hui, son œuvre reste un témoignage fidèle et irremplaçable du monde du judaïsme rural d’Alsace, maintenant disparu.

E. Haymann, Alphonse Lévy, peintre de la vie juive, Genève, 1876 ; Thieme-Becker XXIII, 1929, p. 158-159 ; Bénézit VI, p. 632 ; EA VIII, 1984, p. 4721 ; Bauer-Carpentier III, 1986, p. 219 ; Lotz II, p. 214 ; DMRA, p. 263.

Pierre Katz (1995)