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KRÜDENER Juliane de

Mystique et femme de lettres, (Pl) (★ Riga, Lettonie, 20.11.1764 † Karassubasar, Crimée,
Russie, 25.12.1824).

Fille d’Otto Hermann de Wietinghoff, gouverneur de Riga, et avec lequel elle fit de nombreux voyages en Allemagne, en Belgique, en France et en Angleterre. ∞ 1783 le baron de Krüdener, ambassadeur à Venise, de 16 ans son aîné et deux fois divorcé ; 1 fils, Paul (★ 1784), qui eut pour parrain le futur tsar Paul Ier ; 1 fille, Juliette (★ 1787) ∞ 1815 François-Charles de Berckheim. Après une vie plutôt dissolue, J. de Krüdener se convertit au piétisme. Durant des passages en Alsace à partir de 1808, elle y gagna l’amitié de Pfeffel ©, de Mme de Gérando ©, de Lezay-Marnésia ©, des pasteurs Oberlin ©, de Wegelin qui fut son porte-parole en Alsace et surtout du pasteur illuminé Fontaine à Sainte-Marie-aux-Mines, où elle séjour- na plusieurs mois. Mais elle se heurta à la défiance du chef de file des théosophes martinistes strasbourgeois, Frédéric-Rodolphe Saltzmann ©. Ce dernier prévint son ami JungStilling contre la « visionnaire russe », évoqua d’importantes dettes qu’elle aurait contractées en Alsace et souligna la mauvaise influence à laquelle elle était soumise dans la maison de Fontaine où semblait régner une illuminée suspecte, Marie Kummer. On trouvait la même défiance chez une autre Alsacienne célèbre, et pas mystique du tout : dans les mémoires de la baronne d’Oberkirch ©. Néanmoins, en 1812, elle conduisit le préfet Lezay-Marnésia, qu’elle dit avoir converti, auprès du pasteur Oberlin. Par la suite, elle fut l’apôtre de la Sainte-Alliance des peuples, qu’elle alla prêcher à travers l’Europe entière. Partout suspectée, elle fit l’objet de rapports de police tant en Bade qu’en Suisse et en Alsace. Elle eut, en 1818, encore le temps de dénoncer Goethe © – qui le lui rendit bien – comme le « grand prêtre du paganisme germanique ». Face à l’hostilité grandissante des États, elle s’en retourna en Russie, à Saint-Pétersbourg précisément. Mais le tsar la pria de s’éloigner de sa capitale. Elle s’installa en Crimée, au milieu d’une communauté religieuse de Suisses et de Wurtembergeois que le tsar avait installés là pour coloniser la région. C’est ici qu’elle mourut, oubliée de tous.

J. Rathgeber, Die Baronin von Krüdener und ihre Freunde. Zur Geschichte des Mystizismus im 19. Jht, Bibliothèque municipale de Strasbourg, Ms 486 (anciennement 748a), 320 feuillets ; C.-A. Sainte-Beuve, Portraits de femmes. Paris, 1844, p. 352-380 ; C. Eynard, Vie de Madame de Krüdener. Paris, 2 vol, 1849 ; W. Ziethe, Juliane von Krüdener, Berlin, 1864 ; I. Drygalski, La Baronne de Krüdener. L’empereur Alexandre Ier au Congrès de Vienne et les traités de 1815, Paris, 1866 ; D.-L. Jacob, Madame de Krudener. Ses lettres, ses ouvrages inédits, Paris, 1880 ; « Die Baronin von Krüdener und ihre Beziehungen zum Elsass », Strassburger Post, 1885, n° 143, 146-149, 152-156, 158 ; E. Muehlenbeck. Études sur les origines de la Sainte-Alliance avec un portrait de Madame de Krüdener, Strasbourg-Paris, 1887 ; C. Ford, The life and letters of Madame de Krüdener, 1893 ; A. Hoffmann, Lebensbild der Frau von Krüdener, Constance, 1914 ; J. B. H. R. Capefigue, Juliane de Krüdener, Iéna, 1928 ; H. Plard, « La correspondance de Jean Paul avec Juliane von Krüdener », Études germaniques, 1960, p. 51-53 ; M. Geiger, Aufklärung und Erweckung, Zurich, 1963.

Jules Keller (1994)