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KOERTTGÉ Albert Gustave Ernest

Peintre, aquarelliste et aquafortiste, (P) (★ Strasbourg 21.1.1861 † Heiligenstein 18.3.1940).

Fils de Jean Théodore Koerttgé (1814-1891), notaire, et d’Amélie Barbe Haeberlé (1816-1883). ∞ 28. 4. 1886 à Strasbourg Jeanne Freyss, (P) (★ Strasbourg 1866 † Bischwiller 1944). Par sa mère et par alliance neveu de l’imprimeur Fischbach © et cousin de Fritz Kieffer ©. Études au Gymnase protestant de Strasbourg (1869-1879) où E. Weissandt © l’initia au dessin et éveilla sa sensibilité artistique. Koerttge fut fortement marqué par la situation de la maison familiale (1, rue du Bouclier) dans un quartier pittoresque du centre historique de Strasbourg, par ses lectures ainsi que par la culture de son père. Il fut également attaché, dès son plus jeune âge, à Heiligenstein où sa famille possédait une résidence secondaire. Le dessin et l’aquarelle ne furent d’abord qu’un agréable passe-temps. Koerttgé envisageait une carrière d’architecte et d’entrepreneur. Pendant trois années (1880-1882), il étudia le dessin d’architecture sous la direction d’Ed. Roederer ©. Désirant « se sentir Français le plus rapidement possible », il se rendit ensuite à Paris pour compléter sa formation et peut-être s’installer définitivement en France comme plusieurs de ses amis strasbourgeois. Toutefois, les possibilités d’avenir dans l’architecture semblaient alors peu encourageantes. Koerttgé ne trouva que des emplois de courte durée. Bien que décevant sur le plan professionnel, ce séjour parisien (1883-1884), complété par un voyage à Londres (septembre 1884), eut pourtant une influence décisive sur son avenir. Il put ainsi visiter des expositions et des ateliers, connaître des artistes et dessiner dans les musées ou sur les quais de la Seine. Il rencontra l’aquarelliste et dessinateur Auguste Allongé et surtout Alexandre Homo, professeur de dessin au collège Rollin, qui lui enseigna l’art de trouver des teintes délicates et de donner un souffle à l’aquarelle. En novembre 1884, il décida d’entreprendre le tour du monde. Une abondante correspondance avec son père permet de suivre les étapes de ce voyage. Il parcourut le Sud algérien et la Tunisie. À Tunis, il rencontra le peintre Sivry qui lui donna quelques conseils. Il se rendit ensuite à Malte, puis en Égypte, en Palestine et à Jérusalem. Il reste de ce voyage quelques dessins et une trentaine d’aquarelles. Terrassé par la fièvre à Bombay, il fut rapatrié en août 1885. De retour à Strasbourg et dans la nécessité de trouver un travail après son mariage, Koerttgé effectua des stages (1887-1889) chez plusieurs architectes et entrepreneurs strasbourgeois. Il prépara ainsi divers projets et surveilla des chantiers (construction d’une maternité, chez J.-A. Brion ©, et de l’Hôtel national, chez Th. Wagner). Toutefois son esprit indépendant acceptait de plus en plus difficilement les contraintes d’un emploi. En 1890, il renonça définitivement à une carrière dans l’architecture et consacra tout son temps à l’aquarelle. Il accepta pourtant, en 1892, d’enseigner le dessin d’architecture à l’école technique (Technische Schule Hochbau) et figura dans le corps enseignant comme Kunstmaler et non comme Architekt, mais refusa la titularisation. En 1895, Koerttgé s’initia à la technique de l’eau-forte dans l’atelier de Meyer-Basel, à Munich, et commença une carrière d’aquafortiste. La gravure lui permit d’exceller dans son sens de la précision. Très rapidement, il donna un cachet original à ses estampes. Le grand intérêt rencontré en Alsace et en Europe par ses eaux-fortes relégua au second plan sa réputation d’aquarelliste. À la fois modeste, discret et rigoureux, réservé sur le plan politique et esthétique, Koerttgé est resté un artiste indépendant dans toute l’acception du terme. Il participa cependant à la vie artistique alsacienne ainsi qu’à des expositions collectives. Il fréquenta le salon du docteur P. Bucher © et fut toujours présent aux cérémonies du Souvenir français et plus tard à celles du Souvenir alsacien-lorrain. Lorsqu’il séjournait à Heiligenstein, il entretenait de bonnes relations de voisinage avec le Groupe de Saint-Léonard créé, près de Boersch, par Ch. Spindler © et A. Laugel ©. Ami intime du compositeur M.-J. Erb ©, du peintre L. Blumer © et du mécène A. Michel ©, Koerttgé participa aux rendez-vous culturels et gastronomiques du Kunschthafe entre 1896 et 1909. En 1902, il contribua à la fondation du Musée Alsacien dont la vocation, exposée dans l’appel de P. Bucher et de L. Dollinger ©, était de sauver le patrimoine culturel alsacien de la destruction et de l’oubli. Officier d’Académie (décembre 1906).

L’oeuvre de Koerttgé comprend des dessins d’architecture, des croquis et des aquarelles, des eaux-fortes, des illustrations, des programmes et menus, plus de 150 dessins et plusieurs séries de cartes postales (en particulier Les Ponts-Couverts et Le vieux Strasbourg). On distingue quatre périodes dans les aquarelles. La première s’achève en 1884. Vient ensuite, durant sa tentative de tour du monde, la découverte du soleil et de la chaleur des couleurs.
Vers 1890 commence la période de maturité avec une fusion originale et progressive de l’art de l’aquarelle et de la technique du dessin d’architecture. En 1895, certains critiques trouvent ses aquarelles encore « un peu dures d’aspect, mais très étudiées » (Journal des Arts du 8 septembre 1895). Les meilleures aquarelles datent des années suivantes. Il a laissé une liste non exhaustive de 203 aquarelles qui ne comprend pas les aquarelles d’avant 1886, ni celles faites après cette date en Suisse et en Italie (Venise, Florence, Rome, Rapallo). Koerttgé conservait des photographies de ses meilleures aquarelles, ce qui permet aujourd’hui d’avoir un aperçu de l’ensemble de son œuvre. Pour les eaux-fortes, on distingue deux périodes : avant et après 1898, année de son admission comme membre correspondant de la Société des aquafortistes français, de sa première participation au Salon des artistes français, à Paris, et du grand succès de ses Vues pittoresques d’Alsace. En 1908, Koerttgé obtint une mention honorable au Salon des artistes français pour une eau-forte représentant une Vue panoramique de l’ensemble du vieux quartier des Ponts-Couverts. Son autre chef-d’œuvre est un Panorama de la Porte des Pêcheurs et des anciens remparts (Salon de 1921). Ses gravures représentent le plus souvent des paysages situés le long de l’eau entre les deux vues panoramiques précitées, avec une préférence pour les canaux de la Petite- France et le Bain-aux-Plantes. Un dessin à la plume, La Cathédrale et la rue Mercière, a été reproduit en héliogravure en 1895. Koerttgé a peint et gravé des monuments et des façades pittoresques avant leur disparition (Anciennes portes de Strasbourg en 1870, Ancienne Monnaie, Hôtel du Dragon, Zu dem Römer, Zu dem Hahnekrote, Vieille maison de la rue du Parchemin). Il a également reconstitué l’ancien état de rues et de quartiers. La liste de ses œuvres mentionne 40 eaux-fortes. Une vingtaine de plaques de cuivre ont été conservées. La priorité étant donnée au pittoresque architectural, les rares personnages sont fréquemment vus de dos, comme s’ils évacuaient le paysage. Koerttgé a surtout rayonné à pied autour de deux centres, Strasbourg et Heiligenstein, mais il a également été attiré par Wissembourg, la région de Riquewihr et les villages fortifiés du vignoble haut-rhinois.
Koerttgé consacrait la belle saison à l’aquarelle sur le terrain et le reste de l’année, dans son atelier (8, rue Geiler), à la gravure ainsi qu’aux illustrations et dessins. D’après les notes laissées par l’artiste, ses œuvres ont été particulièrement appréciées, entre 1870 et 1914, par les Alsaciens et les Lorrains résidant en France. Participation à des expositions collectives : Société des Amis des arts (1886-1904) ; premier Salon des artistes strasbourgeois (Hôtel de ville de Strasbourg, 1897) ; Salon des artistes français (Paris, à partir de 1898 ; mention honorable en 1908) ; Salon Bader-Nottin (Strasbourg, 1903) ; second Salon des artistes strasbourgeois (château des Rohan, Strasbourg, 1903) ; Nancy (1906, 1907, 1909, 1922) ; Mulhouse (1907, 1914, 1920) ; Rouen (1909) ; Épinal (1909) ; Cannes (1910) ; Bordeaux (1911, 1912) ; Wiesbaden (1912) ; Hôtel de ville de Strasbourg (1919) ; Artistes alsaciens (Magmod, Strasbourg, 1920) ; Art en Alsace (Orangerie, Strasbourg, 1921) ; Salon d’hiver « Exposition d’art alsacien et lorrain » (Paris, 1924). Œuvres conservées au Cabinet des Estampes de Strasbourg, au Musée historique de Strasbourg, aux musées de Mulhouse et de Haguenau, au Musée de l’Armée à Paris.

A. Seyboth, Strasbourg historique et pittoresque, Strasbourg, 1894 (10 dessins de Koerttgé) ; Strassburg und seine Bauten, Strasbourg, 1894 (40 dessins) ; Malerische Ansichten aus dem Elsass, Strasbourg, 1898 (12 planches) ; L. Dacheux, La Cathédrale de Strasbourg, Strasbourg, 1900 (reconstitution de l’état primitif de la façade du transept nord et divers détails) ; E. Polaczek, « Das romanische Haus in Rosheim », Revue alsacienne illustrée, 1905, p. 26-32 (relevé architectural, façade et détails architecturaux). Plusieurs reproductions dans la Revue alsacienne illustrée, divers journaux alsaciens, et quelques publications allemandes dont celle de la Société des aquafortistes de Munich.

Zeitschrift für bildende Kunst (Leipzig), février-mars 1897 ; Heimath Strassburg des 7 et 21.11.1897 ; Strassburger Post du 8.11.1897 ; lllustrierte Kunst-Revue (Berlin), 1899 ; E. Straus, « Vues pittoresques d’Alsace », La Critique, août 1900 ; idem, « Régionalisme : art et lettres en Alsace », ibidem du 20.12.1901 ; Strassburger Post du 12.4.1902 ; Neueste Nachrichten (Strasbourg) du 19.4.1902 ; X. N., « Drei Radierungen von Koerttgé », Volksbote du 7.5.1902 ; E. Straus, « Le vieux Strasbourg », La Critique du 5.6.1902 ; Affiches de Strasbourg du 19.5.1903 ; « Alt Strassburg », Kölnische Zeitung du 20.12.1903 ; A. Girodie, « Biographies alsaciennes, A. Koerttgé », Revue alsacienne illustrée, 1904, p. 113-124 ; E. Hinzelin, « A. Koerttgé », Courrier alsacien-lorrain des 27.11.1904, 21.5.1905, 28.1. et 10.6.1906 ; H. Beraldi, « A. Koerttgé, aquarelliste et graveur », Revue de l’art ancien et moderne du 15.7.1905 ; Courrier de Metz du 23.11.1906 ; Journal d’Alsace-Lorraine (Nancy) du 17.5.1908 ; Courrier Français, septembre 1908 (poème d’E. Hinzelin : Au fil de l’eau. Au grand artiste strasbourgeois Koerttgé) ; P. Buet, « A. Koerttgé », Revue moderne du 10.10.1909, p. 16-1 ; « Le vieux Strasbourg. Les eaux-fortes originales d’A. Koerttgé », Messager d’Alsace-Lorraine du 4.12. 1909 ; M. Genty, « A. Koerttgé et son œuvre », Lyon universitaire du 10. 2. 1911 ; Bildende Künstler in Wort und Bild, Leipzig, 1911 ; E. Langlade, Écho Littéraire, avril 1924 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, XXI, 1927, p. 187 ; M. Lenossos, « Physionomie d’artiste, A. Koerttgé », La Vie en Alsace, 1928, p. 169-1 »75 ; Cl. Odilé, « A. Koerttgé à Heiligenstein », La Vie en Alsace, 1932, p. 8 ; Th. Knorr, Die elsässische Landschaftsmalerei von 1871-1918 », Elsass-Lotringisches Jahrbuch, 1933, p. 276 et s. ; Heiligenstein, La Vie en Alsace, 1934, p. 24 ; Notice à l’occasion des noces d’or de Koerttgé, Dernières nouvelles de Strasbourg du 1.5.1936 ; « Notice nécrologique de Koerttgé », Journal de Barr du 30. 3. 1940 ; R. Metz, Les peintres alsaciens de 1870 à 1914 (thèse), Strasbourg, 1971 ; R. Heitz, « Étapes de l’art alsacien, XIXe et XXe siècles », Saisons d’Alsace, n° 47, 1973, p. 22 ; R. Heitz, La peinture en Alsace (1050-1950), Strasbourg, 1975, p. 69 ; Bénézit, Dictionnaire critique… des peintres, sculpteurs, dessinateurs…, VI, p. 269 ; R. et A.-M. Holweck, L’Alsace vue par les illustrateurs, Strasbourg, 1982, p. 127-135 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1954, p. 4550-4551 ; Bauer-Carpentier, Répertoire des artistes d’Alsace des dix-neuvième et vingtième siècles, Peintres-sculpteurs-graveurs-dessinateurs, Strasbourg, III, 1986, p. 198 ; François Lotz (en collabor. avec J. Fuchs, L. Kieffer, R. Metz), Artistes-peintres alsaciens de jadis et de naguère 1880-1982, Kaysersberg, p. 190-191.

† François Schnell (1994)