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KLINGLIN François Joseph de

Administrateur, (C) (★ Sélestat 22.10.1686 † citadelle de Strasbourg 6.2.1753).

Fils de Jean Baptiste de Klinglin © et frère de Marie Ursule ©. ∞ 17.6.1716 à Westhouse Marie Françoise Seguin Deshons ; 10 enfants, dont François Christophe Honoré (1719-1756) qui succéda à son père comme préteur royal, mourut prisonnier d’État, dans la forteresse de Pierre Seize, près de Lyon ; Jean Jacques Joseph © 5, baron de Hattstatt, maréchal de camp ; François Marie Auguste (1736-1788), chanoine de Neuwiller, prébendier de la Toussaint (voir infra). François Joseph de Klinglin fit de brillantes études à l’Université de Strasbourg ; inscrit en droit le 12 novembre 1703, il présenta le 28 janvier 1707 sa thèse intitulée : De successione foeminarum in feudo franco. Le 12 avril 1710, il obtint les provisions de conseiller-chevalier d’honneur au Conseil souverain avec dispense d’âge et de parenté, du fait des fonctions au Conseil souverain de François Romain (voir infra), son oncle paternel, et de Poirot, époux de sa tante Marie Suzanne. La même année, il fut nommé conseiller noble au Magistrat de Strasbourg ; le 6 janvier 1719, il fut reçu 323e stettmeistre et entra en régence au cours des années 1719, 1720, 1722, 1724, 1725. Pourvu de la survivance de la charge de préteur royal (décret du 24septembre 1722), il entra en fonction le 23 juillet 1725 à la mort de Jean Baptiste de Klinglin ©. Il possédait l’entière confiance du gouvernement et fut à la fois l’homme du roi et l’homme de la ville. En correspondance directe avec les ministres, il multiplia les secours en argent et en ravitaillement aux armées qui opéraient en Allemagne ; en 1744 (5 octobre), il organisa la grande « parade » que constitua la visite du roi à Strasbourg et fit rédiger et illustrer une magnifique Description des fêtes ; il défendit la bourgeoisie contre les prétentions nobiliaires. Homme de la ville, Klinglin confondit les revenus de celle-ci avec les siens et mit en place la corruption élevée à la hauteur d’un système ; son mécénat s’étendit aux arts, aux bâtiments : le bel hôtel, élevé entre 1730 et 1736 sur un terrain communal, moyennant une rente foncière de 100 livres réduite à 20 sous en 1736, construit avec les matériaux et par les ouvriers de la ville, fut revendu à celle-ci 200 000 livres et assigné à la résidence du préteur. Son traitement de 50 000 livres, auxquelles s’ajoutaient près de 12 000 fagots et plus de 600 cordes de bois en nature, était complété par les commissions prélevées sur tous les emplois octroyés dépendant de la municipalité. La « conspiration du silence » sur ces malversations était entretenue par les libéralités consenties aux commis des ministres et aux administrateurs en place dans les tribus, par les fêtes qu’il offrait dans ses résidences de Strasbourg et d’Illkirch, qu’il avait échangée avec le Magistrat contre la seigneurie de Hoenheim : « Pour de l’argent, observait-il à Andrieux, agent de la ville à Paris, on obtient souvent ce qu’on veut. » Sa table fut luxueuse (poulardes de Caux, langues fourrées, cuisses d’oie confites par barils entiers, vin de Hongrie et des Canaries, miel de Narbonne…). Attaqué une première fois par deux stettmeistres en exercice (1741), Klinglin y répondit victorieusement, mais un factum émanant d’un de ses agents, Paul Beck, arrêté en 1749, condamné aux galères et évadé, entraîna une enquête de la Cour, confiée à un conseiller du Parlement de Besançon, Courchelet d’Esnon, qui devait examiner la situation financière de la ville, enquête favorisée par la rivalité entre Machault, contrôleur général des finances, ami du nouvel intendant d’Alsace Mégret de Sérilly ©, et d’Argenson, ministre de la Guerre dont Klinglin était la créature. Le 25 février 1752, Klinglin était arrêté au moment de son départ pour la chasse ; son fils, qui avait repris le fauteuil prétorial, le fut le 20 mars. S’ouvrit alors un vaste procès qui eut un profond retentissement et dont Klinglin ne vit pas la fin. Il fut enterré dans la nuit et le silence dans le parc du château d’Illkirch. L’affaire fut renvoyée devant le Parlement de Grenoble qui réhabilita sa mémoire (septembre 1763), défendue également par Voltaire. Le règlement royal de 1752 conféra une nouvelle « transparence » aux finances de la ville jusque-là enveloppées de mystère. La ville céda l’hôtel prétorial, qu’elle avait récupéré, à l’intendant d’Alsace qui y installa sa résidence et ses services. Elle récupéra également, un peu plus tard, la seigneurie d’Illkirch-Graffenstaden. Personnage hors du commun, tant par ses qualités que par ses défauts, mis au pilori pour son absence de sens moral, Klinglin a justifié le mot de Goethe © sur l’affaire : « Toute ville doit avoir sa tragédie, une tragédie que la postérité ne cessera de commenter. » Les luthériens, sensibles à la menace brandie par le préteur d’introduire « l’alternative » au sein de l’Université luthérienne dont il était le « protecteur », ne regrettèrent pas cette fin tragique ; Klinglin fut remplacé par un ecclésiastique, l’abbé de Régemorte ©, et la Chambre d’économie fut mise en place. Une ère nouvelle s’ouvrait dans l’histoire de Strasbourg.

Mégret de Sérilly, Mémoire sur la Province d’Alsace (Ms, 6 vol.) (utilisés par C. Schwartz, « L’affaire François-Joseph de Klinglin », La Vie en Alsace, 1927, p. 227-236) ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 43 ; J. Hatt, « Moeurs au XVIIIe siècle. Le préteur royal Klinglin et Andrieux, agent de la ville de Strasbourg 1740-1773 », Revue d’Alsace, 88, 1948, p. 167-180 ; I. Streitberger, Der Königliche Prätor von Strassburg 1685-1789, Wiesbaden, 1961, p. 314 (donne la liste des factums et plaidoyers de Beck, Fr.-Ch. de Klinglin) ; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, 1981, p. 286-290.

Georges Livet (1993)