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KLÉBER Jean-Baptiste

Général de division et architecte, (C) (★ Strasbourg, Saint-Pierre-le-Vieux, 9.3.1753 † Le Caire, Égypte, assassiné le 14 juin 1800, inhumé à Strasbourg).

Fils de Jean Nicolas Kléber (★ Geispolsheim 1700 † Strasbourg 1756), ouvrier-maçon, tailleur de pierre au Bain-aux-Plantes à Strasbourg, cité comme bourgeois et garde soldé de la Ville, et de Reine Bogart (★ Rouffach 1726 † Strasbourg octobre 1791). Célibataire. Dès son jeune âge, Kléber s’initia à l’art de bâtir sur les chantiers de son beau-père Jean-Martin Burger (1714-1764), maître-charpentier entrepreneur à Strasbourg – la mère de J.-B. Kléber s’étant remariée en 1759. Confié au curé de Geispolsheim en 1764 pour perfectionner son instruction, notamment en dessin et en mathématiques. De retour à Strasbourg, il travailla comme simple ouvrier sur les chantiers du cardinal de Rohan où il apprit l’art de l’architecture française. La jeunesse de Kléber fut plus que turbulente : « il était non pas un jeune homme vif, alerte, étourdi mais un écervelé, un emporté, un libertin dans toute la force du terme. » (Chr. Morlang, op. cit., p. 7). Comme compensation à la vie morose provinciale, « il avait les femmes et la débauche » (Saisons d’Alsace, loc. cit., p. 20-21). En 1772, il se rendit à Paris pour trois ans afin d’y parfaire et d’y achever sa formation artistique auprès de l’architecte Chalgrin, membre de l’Académie royale d’architecture. Rentré à Strasbourg, il se lia avec deux Bavarois qui l’incitèrent à venir à Munich. La vie active convenant mieux à son tempérament – il l’avait déjà prouvé en 1769 en tentant de contracter un premier engagement auprès du régiment de Hussards de Bercheny à Landau –, il s’engagea en 1775 à l’École militaire des cadets de Munich. C’est alors le début de l’intermède militaire autrichien. En 1776, le général Kaunitz l’emmena à Vienne, l’incorpora le 1er octobre 1777 comme Privatcadett dans son régiment en garnison à Mons. Enseigne le 19 novembre 1778, sous-lieutenant le 1er avril 1779. Désespérant d’avoir de l’avancement, il démissionna le 23 février 1785 et retourna à Strasbourg. Son demi-frère, François-Martin Burger (1747-1804), inspecteur des bâtiments publics et entrepreneur des fortifications à Belfort, l’y fit nommer inspecteur des bâtiments publics et communaux le 5 septembre 1785 à sa place par l’intendant d’Alsace ; il exerça cette charge durant un peu plus de sept ans, faisant preuve d’une réelle connaissance de son métier. À son actif figurent, dans le style néo-classique, à Strasbourg : le projet pour le couvent des Capucins (1774) ; à Belfort : l’aménagement de la maison Staal en hôtel de ville (1785) ; à Thann : la construction de l’hôpital (1786), sommet de la carrière d’architecte de Kléber ; à Chèvremont : la reconstruction de l’église paroissiale (1787) ; à Lure : les plans de réaménagement des habitations des chanoines ; à Masevaux : l’entretien et la construction des bâtiments dépendant du chapitre des dames nobles (1788) ; à Grandvillars : la construction du château (1789) ; à Larivière : la reconstruction du clocher de l’église (1789), et à Coblence : des suggestions (forme pyramidale) destinées au mausolée du général Marceau (1797). Bien que confirmé par la Révolution dans sa situation modeste à Belfort, ayant prêté serment le 4 janvier 1792, il se tourna à nouveau vers sa vocation militaire première et s’engagea à 39 ans au 4e bataillon des Volontaires du Haut-Rhin en garnison à Ribeauvillé. Élu en 1792 adjudant major (lieutenant-colonel). Dans le corps du général Custine, il se fit bientôt remarquer par sa bravoure et ses connaissances militaires. Sa réputation commença au siège de Mayence. Désormais, et durant huit années d’une éblouissante carrière militaire, il contribua à écrire l’histoire de France. Après la capitulation de la place de Mayence (13 juillet 1792), il fut appelé devant le Tribunal révolutionnaire, le 23 juillet, et déposa courageusement en faveur du général Custine. Nommé général de brigade le 6 avril 1793. En Vendée, il se montra brave, habile et humain. Battu à Torfou, il remporta les victoires de Montaigut et de Cholet ; celle-ci lui valut d’être nommé général de division le 17 octobre 1793. Participa aux victoires du Mans (12 décembre 1793) et de Savenay (22 décembre 1793) ; s’étant indigné des exécutions, il évita la destitution grâce à l’intervention du général Marceau.

Affecté à l’armée des Ardennes en 1794, il commanda l’aile droite à la victoire de Fleurus (26 juin 1794), prit Mons, Louvain et Maastricht, battant le prince d’Orange à Marchiennes. À la tête de l’aile gauche de l’armée de Jourdan, armée de Sambre-et-Meuse (1794-1797), il força le passage du Rhin à Düsseldorf, puis celui de la Sieg, mit en déroute l’armée du prince de Wurtemberg sur les hauteurs d’Altenkirchen, battit le général autrichien Kray à Kaldiek, le général de Wartenstein à Friedley et rétablit les communications avec l’armée de Rhin et Moselle ; il repoussa les Autrichiens qui cherchaient à forcer le passage du Rhin, le 21 octobre 1796. S’opposant à Jourdan, il tomba en disgrâce auprès du Directoire. Mécontent de ne pas recevoir le commandement en chef, il offrit sa démission en janvier 1797. Reprit du service en 1798, d’abord à l’armée d’Angleterre, puis à celle d’Orient où Bonaparte l’accueillit avec beaucoup d’égards. À peine débarqué en Égypte, il s’illustra à la prise d’Alexandrie où il fut blessé à la tête ; durant sa longue convalescence, il commanda cette place. Pendant l’expédition de Syrie, en avant-garde, il s’empara d’El Arich, de Gaza, de Jaffa et contribua à la victoire du Mont-Thabor après laquelle, s’adressant à Bonaparte, il s’écria : « Venez, mon général, que je vous embrasse; vous êtes grand comme le monde ». Bonaparte, en quittant l’Égypte (22-23 août 1799), lui remit le commandement de l’armée, ce qui fut pour lui une surprise totale. Mécontent de ce départ et considérant que cette armée, qui manquait en France, était vouée à l’échec du fait du blocus de la flotte anglaise, il conclut la convention d’El Arich avec Sir Sydney Smith (24 janvier 1800), qui prévoyait le rapatriement des Français. Les Anglais exigeant alors une capitulation sans conditions, Kléber proclama indigné : « Soldats, à de telles propositions on répond par la victoire ». Le 20 mars 1800, il écrasa à Héliopolis, près du Caire, 80 000 Turcs et Anglais et reconquit la Haute-Égypte. Redevenu maître de la situation, il se consacra à l’administration du pays, se faisant à l’idée d’y rester. Le 14 juin 1800, se promenant dans le jardin du quartier général, il fut assassiné par un jeune fanatique musulman venu d’Alep. Le 17 juin, à l’issue d’obsèques grandioses, son cercueil fut déposé dans le bastion d’Ibrahim Bey de l’enceinte fortifiée du Caire. La situation militaire s’étant dégradée, Le Caire dut capituler le 25 juin 1801 et Alexandrie le 2 septembre. Le général Belliard ramena la dépouille de Kléber, après qu’elle eut été saluée par les trois belligérants français, anglais et turcs. À son arrivée en France, le cercueil fut déposé et oublié au château d’If au large de Marseille, Bonaparte ayant toujours vu en lui un concurrent potentiel.

En 1818, la dépouille, saluée et honorée tout le long du trajet terrestre, fut transportée à Strasbourg, où le 7 septembre 1818 elle fut déposée dans une chapelle de la cathédrale. En 1838, en présence des autorités civiles, religieuses et militaires, le corps fut inhumé dans un caveau construit sous la place d’Armes (aujourd’hui place Kléber), et sur lequel devait être érigée une statue de bronze. En 1804, l’École d’artillerie de Strasbourg avait pris l’initiative d’ériger à sa mémoire, à l’entrée du Polygone, un obélisque, avec sculptures ; œuvre de l’architecte départemental Reiner, il fut détruit par les nazis en 1940. La commission pour l’érection du monument à Kléber en confia l’exécution à Philippe Grass © et décida de l’élever place d’Armes. Elle fut inaugurée le 14 juin 1840, en prélude à celle de la statue de Gutenberg. Lors de l’occupation allemande de juin 1940, le monument fut démonté et entreposé au Musée historique, la dépouille étant transportée au cimetière militaire de Cronenbourg avec les honneurs militaires. Après la Libération, le cercueil fut ramené le 16 septembre 1945 place Kléber avec les honneurs militaires, et la statue solennellement réinaugurée le 23 novembre 1945 en présence du général Leclerc ©. Dans la cour du lycée Kléber de Strasbourg fut implantée la statue du général, rapatriée en 1962 du village Kléber en Algérie. Un buste en marbre blanc de Kléber est conservé au Musée Unterlinden de Colmar (exécuté par François Masson en 1802) et un moulage en plâtre au Musée de Versailles. Une autre statue représentant Kléber à cheval se trouve dans la cour
d’honneur de l’École militaire de Saint-Cyr, Coëtquidan, Morbihan. Son nom est inscrit au côté sud de l’Arc de Triomphe de l’Étoile à Paris. Le Musée historique de Strasbourg conserve le nécessaire de campagne de Kléber.

H. Dumont, Kléber, poème en 10 chants, Coutances, sept. 1842 ; Revue d’Alsace, 1865, p. 423 ; Ch. Staehling, Histoire de Strasbourg et de l’Alsace (1830-1852), Nice, 1884 ; France militaire, histoire des armées françaises de 1792 à 1883, II, Paris, 1885 ; P. Holl, Le général Kléber. Notes et Souvenirs, Strasbourg, 1900 ; H. Klaeber, Leben und Thaten des französischen Generals J.-B. Kleber, Dresde, 1900 ; G. Kern, Kléber 9 mars 1753- 14 juin 1800, Strasbourg, 1901 ; Le Messager d’Alsace-Lorraine du 4.7.1908, p. 209-210 (au sujet de la statue de l’École militaire de Saint-Cyr) et du 23.12.1911, p. 401-402 ; A. Girodie, Les généraux d’Alsace-Lorraine, Mulhouse, 1910, p. 25-26 (illustrations de V. Huen ©) ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 33-35; J. Joachim, « Le buste de Kléber à Colmar », Revue d’Alsace, 1924, p. 230-246 (reproduction hors texte) ; R. Danis, Kléber, architecte à Belfort, 1784-1792, Strasbourg, 1926 ; L’Alsace française du 16.6.1929, p. 509-514 et du 4.1.1931, p. 276 ; Six, Dictionnaire biographique des généraux et amiraux… 1792-1814, II, p. 9-11 ; M.-A. Fabre, « Kléber », Revue historique de l’Armée 3, sept. 1948, p. 7-12 ; Kléber fils d’Alsace, œuvre collective de l’Académie d’Alsace, Colmar, 11.11.1953 ; « Pour le deuxième centenaire de la naissance de Kléber », Saisons d’Alsace, n° 20, automne 1953 ; L. Ludes, « Le cimetière militaire de Cronenbourg », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1971, p. 124 et 126 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 18.1.1974, 27.1.1979, 1.1.1980, 12.12.1982, 14 et 16.9.1986 ; J. Benoist-Méchin, Bonaparte en Égypte, Paris, 1978, p. 150-164 et 326-340 ; J.-B. Kléber architecte, 1784-1792, catalogue de l’exposition du Musée d’Unterlinden, Colmar, oct.-déc. 1986, Strasbourg, 1986 ; E. Martin, « J.-B. Kléber  architecte, 1784-1792 », Mémoire colmarienne, 1986, p. 7-9 ; idem, « Le buste du Général Kléber  par François Masson », Bulletin de la Société Schongauer, 1987, p. 29-95 ; Dictionnaire napoléonien, sd., J. Tulard, Paris, 1987 ; Chr. Morlang, J.-B. Kléber, Strasbourg 1753-Le Caire 1800, mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1988- 1990 ; Y. Bonnel, « Sur les traces de Bonaparte en Égypte », Association d’Alsace pour la conservation des monuments napoléoniens, 1991.

Iconographie : Nombreuses reproductions conservées et répertoriées à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, au Cabinet des Estampes de Strasbourg et à la Bibliothèque municipale de Colmar.

Yves Bonnel (1993)