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KILIAN Charles Constant Wilfried

Géologue, membre de l’Académie des Sciences, (Pl) (★ Schiltigheim 15.6.1862 † Grenoble, Isère, 30.9.1925).

Fils de Conrad Kilian, pasteur, fondateur d’écoles de sourds-muets à Lausanne, Saint-Hippolyte-du-Fort et Schiltigheim, et de Clémentine Cuvier, fille de Charles Cuvier © et d’Amélie Peugeot. ∞ 1894 Antoinette Anne Boissy d’Anglas, fille de François Antoine Boissy d’Anglas, député de l’Ardèche, et de Georgina Marie Hecht, de Strasbourg. Jusqu’à quinze ans, il fut éduqué par son père, personnage original, débordant d’activité, qui le destinait au pastorat. Après un bref passage au Gymnase protestant de Strasbourg, essentiel pour son orientation naturaliste, il poursuivit des études à l’École alsacienne de Paris. Il fut formé à la géologie par Haug © et Hébert, dont il fut l’un des élèves préférés, sans oublier l’influence de Deecke. Après une thèse sur la montagne de Lure, Provence, il rejoignit Grenoble où il fut professeur à trente ans. Kilian est l’une des grandes figures de la géologie moderne française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, conciliant d’une manière remarquable recherche fondamentale et géologie appliquée. Dans le premier domaine, il se consacra essentiellement à la stratigraphie jurassienne puis alpine, avec une incursion en Andalousie, à la lithologie sédimentaire, en mettant l’accent sur l’examen micrographique, et à la tectonique, en participant avec prudence à l’élaboration de la théorie des nappes, en étroite liaison avec Termier. En outre, il porta un grand intérêt au Quaternaire alpin et surtout aux formations glaciaires, en liaison avec Albrecht Penck. Ce faisceau de centres d’intérêt était étroitement lié à une intense activité de cartographie géologique (Jura, puis Alpes), d’abord comme ouvrier, puis comme coordonnateur. Kilian fut aussi un pionnier de la sismologie, en créant un service d’observations sismologiques, le premier en France, qui fonctionna de 1892 à 1909, encore que les raisons de cette interruption nous échappent. Insistons cependant sur la géologie appliquée. Pour Lugeon, Kilian est l’un de ces hommes qui surent s’adapter à des rôles auxquels ils n’avaient pas été préparés, à savoir celui de « géologue praticien », ce qui a fait de lui « un de ces hommes d’action qui ont contribué à la fortune nationale ». Dès 1900, Kilian évoqua « la géologie agricole et la géologie technique aujourd’hui si utilement enseignées à l’étranger », en 1901 « le service si important pour l’hygiène publique… organisé… pour l’étude des sources ». En 1923, à l’instigation de Kilian, plus de 120 rapports sont consacrés par les géologues grenoblois à des projets d’adduction d’eau… Cette gamme d’activités ne cesse de s’étendre : travaux publics, mines, tunnels, barrages… Citons les premières études sur les barrages de Génissiat et de Serre-Ponçon et sur le percement du Mont-Blanc. Mettant son talent au service de l’économie alpine, Kilian fit bénéficier la géologie dans son ensemble de l’effervescence alpine et grenobloise. Il fait figure d’organisateur. Dénonçant « la disposition défectueuse et insalubre des anciens locaux », il créa à Grenoble un Institut de Géologie digne de ce nom, dispensant un enseignement moderne, en s’en prenant à l’esprit didactique de beaucoup de maîtres de l’enseignement supérieur, loin de la « véritable recherche ». Son rôle fut considérable au Comité consultatif. Il est plus difficile de saisir l’homme. Il est question d’une « âme… intuitive et naïvement joyeuse », à propos de laquelle sont évoqués le « chant de l’oiseau de Siegfried » et la fleur Vergissmeinnicht (myosotis) ! Mais c’est aussi un personnage têtu. Un désaccord paléogéographique avec son maître Hébert conduisit Kilian à « refuser de faire le moindre sacrifice de ses observations… préférant voir sa thèse refusée plutôt que de faire les concessions demandées ». À propos d’une crise essentielle pour la « doctrine et l’action civique des Français de cette génération » et du « droit de tous à la justice » – sans doute s’agit-il de l’affaire Dreyfus –, L. Perrier, ministre des Colonies, évoqua la « conviction inébranlable » de Kilian, « la sérénité d’une conviction définitive appuyée… sur l’impératif irrésistible d’une haute conscience… » Au demeurant, ses collègues parlent en termes comparables de son éthique de chercheur. D’un point de vue sociologique, Kilian illustre l’axe protestant Alsace-Cévennes, via Paris, d’une manière certes originale, avec une foule d’interrogations. Membre de l’Académie des Sciences. Officier de la Légion d’honneur.

Médaille de l’Association française pour l’avancement des Sciences (1892). Prix Delesse (Académie des Sciences, 1899). Médaille Huber (Société de Géographie, 1900). Père de l’amiral Robert Kilian (1896-1959) et de Conrad Kilian (1898-1950), géologue saharien.

Liste des publications de Kilian dans J. C. Poggendorff, infra, à laquelle il convient d’ajouter en particulier : « Notice sur l’enseignement de la géologie et de la minéralogie et sur l’organisation du Laboratoire de Géologie de la Faculté des Sciences de Grenoble », Supplément aux Annales de l’Université de Grenoble 22, 1910, n° 1 ; « Ce que la géologie et la paléontologie nous apprennent sur l’origine de la vie », Fédération française des étudiants chrétiens, 1912 ; Notice sur les travaux et les publications scientifiques de W. K.ilian, Lyon, 1915 ; en collaboration, « Répertoire de la bibliographie géologique du Sud-Est de la France », Bulletin de la Société scientifique de l’Isère 44, 1923. Participa à la traduction de La face de la terre d’Ed. Suess, Paris, 1912-1918, 8 vol.

Annuaire de l’Université de Grenoble, 1899-1900 et s. ; Séance solennelle de rentrée de l’Université, Grenoble, 1901 ; J. C. Poggendorff, Biographisch-literarisches Handwörterbuch zur Geschichte der exacten Wissenschaften, IV-1, Leipzig, 1904, p. 746-747 ; Rapports annuels du Conseil de l’Université de Grenoble, 1923, 1926 et s. ; République de l’Isère du 2.10.1925 ; J. Bourcart, Revue scientifique, n’ 20, 1925 ; Ch. Jacob, « W. Kilian, 1862-1925 », Bulletin de la Société géologique de France, 4e série, t. 26, 1926 ; J. Marcet Riba, « W. Kilian i la geologia catalana », Boletin del Instituto catalano de Historia natural, 2e série, t. 3, 1926, n 10 ; Ch. Jacob, « W. Kilian 1862-1925 », Annales de l’Université de Grenoble, Section Sciences médicales, t. 4, 1927, n’ 1, portrait ; L. Moret, « Portraits de géologues alpins grenoblois : W. Kilian et P. Lory » Souvenirs d’un naturaliste au service des sciences de la terre, Grenoble, 1970 ; J. Debelmas, « L’œuvre dauphinoise des trois pionniers de la géologie alpine : Ch. Lory, W. Kilian, P. Termier », Bulletin mensuel de l’Académie Delphinale, 1976 ; P. Romane-Musculus, La famille du géologue C. Kilian, Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 65, 1984, p. 216-217 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1984, p. 4489 ; Entretien avec le professeur Debelmas (Université de Grenoble).

Buste érigé devant l’ancien Institut de Géologie de Grenoble, place Notre-Dame.

Jean Vogt (1993)