Ouvrier typographe, syndicaliste, (C) (★ Sainte-Marie-aux-Mines 20.4. 851 † Paris 30.3.1924).
Fils naturel de Thérèse Keufer, ouvrière de fabrique. Keufer, très jeune, dut aider sa mère le soir en revenant de l’école en colportant des journaux, en sonnant les cloches et en coupant du bois. Après sa première communion, il entra chez un marchand de coton, qui le congédia pour être allé sonner le glas pour un enterrement pendant les heures de travail. Il fit alors pendant quatre ans son apprentissage de compositeur chez un imprimeur. En 1870, il partit pour Lons-le-Saulnier, où il s’initia à la « religion positiviste » d’Auguste Comte, dont il resta un adepte fervent toute sa vie. Il s’installa à Paris à la fin de 1871 et adhéra à la Chambre typographique parisienne au début de 1872. Il opta pour la France en 1872. Il succéda en 1880 à son ami Isidore Finance © à la présidence du Cercle des prolétaires positivistes. Il fut aussi vice-président de la Société positiviste internationale. Politiquement, il se considérait comme un socialiste positiviste et refusait le collectivisme, ainsi que le syndicalisme d’action directe. Membre du Comité central de la nouvelle Fédération française des travailleurs du livre (FFTL) dès sa fondation en 1881, il en fut le président (octobre 1882-octobre 1883), le trésorier (juin 1884-décembre 1885) et enfin le secrétaire général (18 décembre 1884-25 janvier 1920). Il fut le véritable fondateur de cette puissante organisation, dont il fit la citadelle du réformisme syndical. Il participa à la fondation du Secrétariat typographique international en 1892. Il fut aussi l’un des fondateurs et le premier trésorier (1895-1896) de la Confédération générale du travail (CGT). Il fut également vice-président du Conseil supérieur du travail (à partir de juin 1900) et membre de la Chambre consultative des arts et manufactures. Membre du Parti socialiste SFIO, mais refusant la subordination des syndicats aux partis politiques, il se rallia à la charte d’Amiens de 1906 qui lui semblait garantir cette indépendance pour la CGT. Mais, adversaire de l’antimilitarisme des syndicalistes révolutionnaires, il prit parti en 1914 pour l’Union sacrée et fut traité de « patriotard alsacien » par ceux qu’il accusait lui-même de « défaitisme ». Un de ses fils fut tué au front le 10 août 1914. Après sa retraite, Keufer fut vice-président de l’Association française pour la Société des Nations ; il effectua diverses missions de propagande pour la nouvelle organisation internationale, notamment à Prague.
Des papiers Keufer sont déposés à la Bibliothèque municipale de Saint-Dié. A. Keufer a publié de nombreux articles, en particulier dans La Typographie française, puis L’Imprimerie française, bimensuel de la FFTL, 1881-1924 ; Pages libres, 1901-1909 ; La Revue syndicaliste, 1905-1909 ; L’Action ouvrière, 1909-1910 ; La Clairière, 1917-1919 ; L’Information ouvrière et sociale, 1918-1921 ; La Revue du Travail, 1919-1921. Il a aussi publié des brochures comme Les deux méthodes syndicalistes. Réformisme et Action directe, Paris, 1905 ; L’éducation syndicale. Exposé de la méthode organique, Paris, 1910.
H. Harmel, « Auguste Keufer » (avec un portrait), Hommes du jour, n° 136, du 27.8.1910 ; JAL du 25.5.1923 ; Dernières Nouvelles de Strasbourg du 2.4.1924 ; « La mort de Keufer », L’Imprimerie française du 16.4.1924 ; Auguste Keufer, plaquette de la Société positiviste internationale, Paris, 1925 (portrait) ; J. Montreuil, Histoire du mouvement ouvrier en France, Paris, 1946, p. 199-208 ; G. Lefranc, Le mouvement syndical sous la Troisième République, Paris, 1967, en particulier p. 111-117 ; P. Chauvet, La Fédération française des travailleurs du livre, Paris, 1971 ; Maitron, dir., Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, XIII, 1975, p. 143-145 ; M. Perrot, « Note sur le positivisme ouvrier », Romantisme, 1978, n° 21-22, p. 201-204 ; M. Rebérioux, Les ouvriers du livre et leur fédération, Paris, 1981, p. 107 (caricature de Keufer), p. 132 (photo) ; R. Brécy, Le mouvement syndical en France 1871-1921. Essai bibliographique, Gif-sur-Yvette, 1982 ; J. Julliard, Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, Paris, 1988, p. 34, 35, 58, 72, 81, 103, 206, 217, 267.
Léon Strauss (1993)