Bénédictine, visionnaire et miniaturiste du couvent d’Alspach, près de Kaysersberg (★ Kenzingen, Bade, entre 1407 et 1412).
Fille de Margaretha von Kenzingen ©. Dans un Protocol-Buch d’Alspach conservé aux Archives départementales du Haut-Rhin, deux passages mentionnent la nonne en question, renommée pour sa piété, ses extases, les apparitions du Christ qui lui révélait les secrets de sa Passion, ainsi que pour le miraculeux talent de calligraphe avec lequel elle parvint à faire passer dans un manuscrit la totalité de ce message mystique. Sans connaissance de l’écriture, Magdalena von Kenzingen s’entendait pourtant fort bien à expliquer, voire même à traduire sous forme picturale, de sa propre main, le monde de ses hallucinations. Elle devait laisser un ouvrage renfermant, comme autant de témoignages miraculeux, tout un ensemble de récits et d’images en couleurs relatif à cette expérience étonnante. Marquée plus que toute autre sans doute par la parfaite adhésion de la miniaturiste aux ascèses de la mystique nuptiale, dans la ligne des exégèses sur le Cantique des cantiques, cette création a toujours été tenue pour authentique. Elle se trouvait encore au couvent d’Alspach au cours du XVIIe siècle. Aujourd’hui disparue, semble-t-il, son œuvre s’apparentait peut-être à un bel antiphonaire des Clarisses d’Alspach (Grand Séminaire de Strasbourg, Ms 102), illustré vers 1450, mais en partie détérioré. D’après le dernier état de la recherche allemande, notre visionnaire Magdalena von Kenzingen était bien entrée très jeune chez les Clarisses, mais à Fribourg (non à Alspach) où elle devait s’éteindre le 5 décembre 1458 après avoir reçu les stigmates. Quant au manuscrit autobiographique qu’elle aurait dicté, le Magdalenen-Buch, plusieurs exemplaires sont conservés de nos jours, dont celui de Munich (cgm 5134, f. 63r-66v) daté des années 1430-1450, du vivant de l’auteur. En dehors du Magdalenen-Buch, une courte Vie de Magdalena en langue allemande est passée dans le Gedenkbuch des Clarisses de Fribourg, XIVe-XVIIIe s. (Generallandesarchiv Karlsruhe cod. 217). En définitive, non sans beaucoup de réserves, Magdalena von Kenzingen n’aurait pas entretenu de relations avec l’Alsace. Rien, chez les chercheurs allemands, sur le Protocol-Buch d’Alspach où, d’après ce document, la jeune fille était entrée chez les Clarisses. En ce qui concerne l’authenticité des écrits laissés par Magdalena, elle ne saurait être mise en doute. L’une de ses consœurs, Elisabeth Vögtin, semble avoir joué un rôle important auprès d’elle pour avoir vécu dix-huit ans à ses côtés et avoir attesté, comme témoin oculaire, la vie mystique de sa compagne.
Ch. Gérard, Les artistes de l’Alsace pendant le Moyen Age, II, Colmar-Paris, 1873, p. 147-149 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910I, p. 20 ; Die deutsche Literatur des Mittelalters. Verfasserlexikon V, 1985, c. 1117-1121 (Magdalena von Friburg ; bibliographie). Sur l’antiphonaire d’Alspach : G. Cames, Dix siècles d’enluminure en Alsace, Strasbourg, 1989, p. 123.
Gérard Cames (1993)