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KEMPF (KEMPF D’ANGRETH)

Famille noble de Haute-Alsace. Issus d’une famille bourgeoise de Colmar illustrée par Gilg Kempf et sa fille Élisabeth Kempf ©, les Kempf d’Angreth sont appelés ainsi du nom du château d’Angreth, situé à une centaine de mètres en amont des remparts de Guebwiller. Cette demeure fortifiée, prétendument construite dès le XIIe siècle (la chronique de Guebwiller la date de 1162), sans doute par des vassaux ou des ministériaux de l’abbaye de Murbach, devait être rasée dans les années soixante du XXe siècle, pour y établir un garage à vélos. Ses détenteurs, les nobles d’Angraet (cités en 1241), plus fréquemment appelés Grat, Grot ou Graet, ne paraissent pas avoir joué de rôle important à l’échelle alsacienne. Vers 1270, d’après la chronique (tardive) des Dominicains de Guebwiller, ils avaient tenté d’empêcher l’érection des remparts de cette ville : leur maison forte fut détruite par l’abbé de Murbach en guise de représailles. En 1321, Johannes et Berthold d’Angreth avaient obtenu le droit de la reconstruire, sans doute après une deuxième destruction. Au XVe siècle, le château était un fief mouvant des Ribeaupierre ©. Un membre de la famille s’était distingué en tuant lors d’une joute tenue à Bâle le 11 mai 1315 le comte de Katzenellenbogen ; un autre, que l’on appelle selon les sources Bernhard ou Hans-Bernhard, devait tomber à la bataille de Sempach le 9 juillet 1386. La famille, dont le blason figurait en tête de loup (reproduite sur une clé de voûte de l’église Saint-Léger de Guebwiller), devait s’éteindre à la fin du XVe siècle, dans la personne de Hans Graet, prévôt de la collégiale Sainte-Marie de Murbach et chanoine de Lautenbach entre 1450 et 1471, ou dans celle d’un homonyme cité en 1468 et décédé avant 1503. Revendiquant d’hypothétiques origines suédoises, mais sans doute enracinée depuis toujours sur le Rhin supérieur (ses armes « d’argent au sautoir de gueules fleuré de même » sont celles des Kempf von Neuweiler), la famille Kempf s’illustra d’abord dans la personne de Gilg Kempf (fils de Diebold, ? Élisabeth Strub) qui fit partie de l’élite dirigeante de Colmar pendant le second quart du XVe siècle, exerçant les fonctions de stettmestre (1432, 1434, 1437, 1441, 1446, 1448) et d’obristmestre (1424, 1431, 1436, 1442, 1445, 1447) tout en siégeant presque sans arrêt au Conseil de la ville. L’historien K. E. Geith a montré que pendant ses nombreux mandats publics, de 1424 à 1450, Gilg Kempf a effectué 362 voyages, pour la plupart dans la région, mais aussi auprès de l’empereur ou de la diète d’Empire, et s’est absenté de la ville pendant 1.597 jours. Tout en étant bourgeois, membre de la tribu des Marchands, il détenait des fiefs de Maximin de Ribeaupierre. Son fils Diebold Kempf est également stettmestre (1452, 1454), obristmestre (1453) et conseiller de Colmar. À côté d’Élisabeth Kempf, sa soeur, plusieurs membres de la famille appartenaient au clergé, notamment deux chanoines de Lautenbach : Conrad Kempf (1482-1499) et Christoph-Jacob Kempf (1523). Le passage à la noblesse s’effectua autour de 1500, avec les frères Ambrosius, Johannes et Daniel Kempf qui reçurent le château d’Angraet en tant que fief des Ribeaupierre en 1513. Le dernier cité (? Anna Schaler de Leymen) fut le seul à faire souche et porta dès les années 1530 le nom de Kempf d’Angreth. Du fait de leurs relations avec l’abbaye de Murbach, avec la maison d’Autriche et du fait de leurs alliances nobles parfois prestigieuses (Apollonie Kempf à Hans-Ulrich de Stadion, gouverneur de Belfort, en 1562), les Kempf devinrent une des premières familles de Haute-Alsace, exerçant différents commandements et développant leurs domaines (acquisition du château de Hungerstein, en aval de Guebwiller, à la fin du XVIIe s., possessions dans la vallée de l’Ill). Parmi les plus illustres membres du lignage : Jacques Christophe Kempf (★ 1570 † 1659), prévôt de Lautenbach et de Passau (1620), chanoine à Strasbourg après l’Édit de Restitution, conseiller de Léopold V, ou son parent (Jean-) Georges Kempf d’Angreth, grand veneur du même archiduc et administrateur de la seigneurie du Guirbaden pour le compte des Ratsamhausen, Jacques-Christophe Kempf (★ 1629 † 1708), bailli de Passavant et de Plancher-les-Mines, sur les terres de l’abbaye de Lure. Au XVIIIe siècle, Jean-Godefroy Kempf, conseiller noble à Strasbourg de 1699 à 1744 ou César Charles Kempf (★ 1699 † 1737), officier au régiment d’Alsace devenu moine à Murbach sous le nom de frère Meinrad. La famille quitta l’Alsace dans la personne des frères Célestin- Octave Kempf (★ av. 1736 † après 1789), commandeur teutonique de Rohr et Walstetten, en Souabe, de Guebwiller (1763) et de Rixheim (1768-1773) et Jacques-Octave-Joseph-Dominique Kempf (★ 1740 † 1810), dernier bailli de Saignelégier, émigrés en Hesse au moment de la Révolution et qualifiés de barons. Kindler von Knobloch © évoque une prétendue branche autrichienne des barons de Kempf, établie notamment en Moravie : il ne semble pas qu’il y ait de relations directes avec les Kempf alsaciens, contrairement à ce qu’écrit Lehr qui voit en eux les derniers représentants du lignage.

J. D. Schoepflin, Alsatia Illustrata, V, Strasbourg, 1852, p. 672, 750 ; Lehr, L’Alsace noble, 1870, p. 267-269 ; J. Kindler von Knobloch, Der alte Adel im Oberelsass, Berlin, 1882, p. 8-9, 46-47 ; idem, Oberbadisches Geschlechterbuch, II, Heidelberg, 1904, p. 264-266 (arbre généalogique p. 268-269) ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 43-44 ; A. Gasser, Le livre d’Or de la ville de Soultz, Soultz, 1908 ; Ch. Wetterwald, Guebwiller à travers son passé, Guebwiller, 1971, p. 115 ; G. Bischoff, Recherches sur la puissance temporelle de l’abbaye de Murbach, Strasbourg, 1975 ; K. E. Geith, « Elisabeth Kempf (1415-1485), Priorin und Übersetzerin in Unterlinden zu Colmar », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 1980-1981, p. 44-73 ; idem, « Elisabeth Kempf’s Übersetzung und Fortsetzung der « Vitae sororum » der Katherine von Geberschweier », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 1984, p. 27-42 ; idem, « Im Dienste der Stadt. Bemerkungen zur zeitlichen Belastung eines Magistrats von Colmar im 15. Jahrhundert », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 139, 1989, p. 472-478.

Georges Bischoff (1993)