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KASPAR Jean

Mineur, syndicaliste, secrétaire régional, puis général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), (C) (★ Mulhouse 10.5.1941).

Fils de Jean-Auguste Kaspar (★ 10.10.1910), porion aux Mines de potasse d’Alsace (MDPA), et de Lili Sichler (★ 20.6.1920). ∞ 6.9.1963 Janine Valstakas ; 3 enfants : Agnès (★ 1964) ; Olivier (★ 1967) ; François (★ 1974). École primaire de Wittenheim, puis centre d’apprentissage des mines de potasse. CAP d’électro-mécanicien (1958). A débuté comme électro-mécanicien au fond (mine Anna de Wittenheim). Responsable de la Jeunesse ouvrière catholique (JOC) pour le bassin potassique depuis 1956, il a adhéré à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) en 1958, et est devenu responsable de la Commission des jeunes du Syndicat des mineurs de potasse et de l’Union départementale CFTC du Haut-Rhin. En 1964, il a été élu délégué au comité d’entreprise de la mine Anna et au comité central d’entreprise des MDPA. A participé en novembre au congrès extraordinaire de la CFTC de Paris : à une large majorité la CFTC est alors devenue la CFDT.

Tandis qu’une partie du Syndicat des mines de potasse refusait cette décision et rejoignit les rangs des minoritaires (CFTC dite maintenue), Kaspar a décidé de respecter les décisions majoritaires du congrès de Paris et a fait partie de l’équipe qui a relancé le syndicat CFDT des mineurs de potasse d’Alsace, dont il a été élu secrétaire dès 1965. A occupé cette fonction jusqu’en 1982. En 1966, il a été désigné secrétaire général de la Fédération nationale des mineurs CFDT, mandat qu’il a exercé jusqu’en 1976. Il a alors été élu secrétaire général de l’Union régionale CFDT d’Alsace, avec pour mission de redonner vie à une fonction de coordination régionale entre deux unions départementales animées par de fortes personnalités, Marcel Clément dans le Bas-Rhin (secrétaire de 1970 à 1982) et François Staedelin © dans le Haut-Rhin, dont Charles Dillinger © ne parvenait guère à coordonner les activités. Kaspar était alors déjà parvenu au premier plan dans l’actualité régionale alsacienne à la suite de deux « conflits-phares ». Le long conflit des mineurs de potasse de 1972, marqué par de durs affrontements avec les forces de l’ordre, et les épisodes audacieux du conflit Schlumpf © de 1976, au cours duquel les grévistes ont occupé l’usine où était entreposée la collection de voitures constituée par les industriels suisses, aussitôt baptisée « Musée des Travailleurs », qui est devenu plus tard le Musée national de l’Automobile, ont fait connaître à l’opinion publique alsacienne l’éloquence naturelle, la générosité d’expression, la force d’entraînement d’une personnalité chaleureuse qui devint vite très largement populaire. Kaspar est demeuré depuis le plus connu dans le grand public des responsables syndicaux alsaciens. Il fut appuyé par Clément dans le Bas-Rhin et dans le Haut-Rhin par Henri Weber © qui a succédé à Staedelin, ainsi que par un bureau régional composé majoritairement de jeunes responsables venus à la CFDT après 1968 ; il parvint dès le congrès d’Ostwald (1980) à faire des instances de l’Union régionale CFDT d’Alsace le centre de décision de cette organisation. Très active dans les conflits sociaux des années 1970, qu’elle animait ou qu’elle soutenait, luttes d’entreprises, de localités, luttes pour la sauvegarde de l’environnement (Marckolsheim…), pour la défense et le renouveau de l’identité alsacienne, de sa langue et de sa culture, pour l’emploi dans une Alsace frappée par la crise, la CFDT paraissait en phase avec les courants issus de Mai 68. Prônant le « socialisme autogestionnaire », elle a incontestablement joué au cours de ces années un rôle majeur dans le renouveau de la gauche alsacienne et dans son ancrage populaire, assurant la synthèse entre le vieux fonds de christianisme social alsacien, et la laïcisation de ses thèmes majeurs qui lui a attiré des couches sociales nouvelles de la population salariée. Mais la CFDT se voulait également une force de contre-proposition régionale. Kaspar et Philippe Morinière ont été de 1976 à 1982 les porte-parole de la CFDT au Comité économique et social d’Alsace (CESA). La plate-forme d’Ostwald (1980) paraît significative de cette tendance.

C’est ce dernier point qui semble distinguer Kaspar d’une autre grande personnalité du syndicalisme alsacien des années soixante et soixante-dix, Frédo (Alfred) Krumnow ©, lui aussi venu au syndicalisme par la JOC, dirigeant haut-rhinois puis national du syndicat du textile CFDT (Hacuitex), disparu prématuré-ment. Pour Krumnow, le syndicalisme, mouvement de révolte contre l’injustice, l’inégalité et les exploitations, était principalement lutte d’émancipation populaire et mobilisation autour d’une utopie libératrice.

Il en va de même pour Kaspar, mais celui-ci se situe tout autant dans la continuité de la réflexion économique et sociale de la CFTC-CFDT des années cinquante et soixante, avec ses contributions à l’élaboration des plans de modernisation, à l’organisation des régions économiques, au renforcement de la protection sociale, à la construction de l’Europe. Cela lui a permis d’entrer de plain-pied dans le débat du mouvement syndical européen, largement dominé par les orientations social-démocrates, principalement dans le Deutscher Gewerkschaftsbund ouest-allemand. C’est sous le mandat de Kaspar que la CFDT alsacienne a atteint l’apogée de son influence dans la population salariale de la région. Avec 45.000 adhérents, elle rassemblait 30 % des électeurs aux comités d’entreprise et elle était également fortement représentée dans toutes les administrations. Kaspar a été lui-même sollicité pour briguer des mandats politiques, mais le refus qu’il a opposé à ces demandes ne traduit pas seulement le choix d’une priorité au syndicalisme, mais l’expression de sa volonté de mettre fin à la période antérieure où tant de syndicalistes CFTC avaient cumulé les mandats syndicaux et politiques au MRP. Élu en 1982 à la Commission exécutive de la CFDT nationale, et remplacé en Alsace par Marcel Clément, Kaspar a renforcé la ligne dite de « resyndicalisation » ou d’indépendance par rapport aux partis politiques, inaugurée par Edmond Maire dès 1979. Kaspar a accédé au Secrétariat général de la CFDT en 1988, au cours du congrès confédéral de Strasbourg. Il met désormais l’accent sur la volonté de rassemblement des confédérations syndicales françaises, et leur ancrage dans la Confédération européenne des syndicats. Kaspar a été élu membre du bureau de la Confédération européenne des syndicats en 1991. Il a toujours habité l’Alsace, et y est une personnalité volontiers consultée et écoutée.

Éditoriaux de Jean Kaspar dans Le Travailleur d’Alsace, Syndicalisme-Hebdo et CFDT-Magazine.

Archives de l’Union régionale CFDT d’Alsace et du SGEN-CFDT d’Alsace. Documentation : comptes rendus du CESA. Nombreux articles dans : Dernières Nouvelles d’Alsace (en particulier n » 69 du 22.3.1990, interview par M. Spiesser et J.-L. English, 3 portraits de Jean Kaspar), L’Alsace, Le Nouvel Alsacien et Réalités alsaciennes.

François Igersheim (1993)

Compléments

Secrétaire général de la CFDT jusqu’en 1992, il est remplacé par Nicole Notat. Conseiller social à l’ambassade de France à Washington de 1992 à 1996. Professeur associé à l’Université de Marne-la-Vallée de 1996 à 2005. Consultant en stratégies sociales depuis 1996. Officier de la Légion d’honneur.

Georgi (Frank), « Jean Kaspar », Maitron, dir., Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, notice https.://maitron .fr/spip.php article 137636, consulté avril 2020.

Philippe Legin (avril 2020)