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KAGE

Dans la 2e moitié du XIIe s., un clan familial se hisse au premier rang (après les Schultheissen von Strassburg et peut-être les maréchaux) de la ministérialité de l’évêque de Strasbourg ; mais on ne s’en aperçoit qu’au début du XIIIe s., lorsque ses membres adoptent enfin des patronymes. Le clan apparaît alors divisé en deux branches, dont la principale se nomme Beger à partir de 1201 (avec un rameau Murnhart à partir de 1233) ; à une branche mineure appartiennent Albrecht et Ludwig Kage (1209-1220) et leur frère Dietrich Stehelin (1201-1228), appelé Kage en 1220. Werner Kage (1224-1247), probablement marié à une Scharrach, est membre du Conseil de Strasbourg en 1230. Conrad Kage (1259-1266), chanoine de Spire, a pour frère [Rudolf] Howemesser (1259-1269). Les Haumesser sont donc un rameau des Kage.

En 1261, Strasbourg se révolte contre son évêque Walter von Geroldseck ©. À l’appel de celui-ci, les Beger et les Kage quittent la ville ; leurs maisons sont pillées et rasées, mais le clan profite de la domination de l’évêque sur les biens de l’Empire pour bâtir les châteaux de Birkenfels et Kagenfels sur les terres de la ville impériale d’Obernai. Après la bataille de Hausbergen (où Rudolf Haumesser est fait prisonnier), les fidèles de l’évêque, dont les Kage, sont exclus du Conseil de Strasbourg ; il faudra attendre 1303 et 1308 pour que Johann et Stehelin Haumesser y réapparaissent, d’ailleurs sans lendemain. Pour l’essentiel, les Kage se replient sur leurs possessions rurales. Celles-ci se dispersent dans un rayon de 20 km autour de Strasbourg, exclusivement sur la rive gauche du Rhin (sauf la motte de Hundsfeld possédée par les Haumesser de 1282 à 1306 : Generallandesarchiv Karlsruhe 28/27), avec des noyaux autour de Vendenheim, de Geispolsheim et de Westhoffen. Trop à l’écart de cet ensemble, Kagenfels – seul château qu’on connaisse aux Kage – n’a en rien pu favoriser le développement de la seigneurie, qui est restée purement foncière, à l’exception de la taille de Kintzheim (1282-1358) et de la dîme de Crastatt.

Depuis le milieu du XIIIe s., le lignage se compose de trois branches : les Haumesser, qui se nomment von Vendenheim depuis 1274, les descendants de Werner Kage, qui se nomment Kage von Vendenheim depuis 1295 (Archives départementales du Bas-Rhin, G 5779/11) et ceux des deux ou trois Albrecht qui se succèdent de 1209 à 1295. Ces derniers se nomment Kage tout court ; c’est à tort qu’on parle d’une branche Kage von Schaftolzheim (= Oberschaeffolsheim, où les Kage n’ont pas de biens connus) : seuls Johann (1316 : Alsatia Diplomatica, II, 119) et son fils Johann (1330 : Monumenta Germaniae Historica Constit., VI, n » 847) se nomment ainsi. Comme ils ont part à un fief des nobles de Schaftolzheim, il n’est pas exclu que le premier soit fils d’un Schaftolzheim et d’une Kage.

Certains des Kage ont été prolifiques : Bernand (1259-1276), fils de Werner, a eu 3 fils et 5 filles, Albrecht der hinkende (1250-1295 ?) 5 fils et 2 filles. Une partie des cadets a été casée dans l’Église (dont Rudolf, prévôt de Haslach de 1315 à 1334). Albrecht s’est mis au service du roi Rudolf (Regesta Imperii, VI-1, 1119, 1628), et Stehelin Kage (son fils ?) au service de Louis de Bavière (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, Il, n° 400). Vassaux dès le milieu du XIIIe s. des évêques de Strasbourg (entre autres pour un fief castral à Dachstein) et des landgraves de Werd © (à Vendenheim et sans doute à Geispolsheim), les Kage ont également obtenu des fiefs des Geroldseck am Wasichen © (à Crastatt : Archives départementales du Haut-Rhin, E 835, p. 70) et des Geroldseck über Rhein © (à Stutzheim : Archives municipales de Strasbourg Müllenheim, 17 a), et les Haumesser un fief des comtes de Fribourg (Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 16, 1864, p. 86). Tout cela n’a pas suffi à faire face à la multiplication des ayants droit et à la crise du XIVe s. Une première vague de ventes de biens (1268-1276) marque sans doute le contrecoup de Hausbergen. La seconde, qui débute dès 1295, affecte le cœur même du patrimoine (Westhoffen, Vendenheim). Que la veuve de Rudolf der Ruhelose, en 1332, n’arrive plus à payer une malheureuse rente d’une livre vendue 9 ans plus tôt (Gayling’sches Archiv Ebnet A 28, Archives municipales de Strasbourg, charte 923) atteste l’acuité de la crise. Si les Kage disparaissent après 1370, c’est peut-être par « mort sociale » (soziales Aussterben) plutôt que par extinction biologique. Cette dernière est probable pour la branche issue d’Albrecht, dont héritent par mariage les Westhoffen (Archives municipales de Strasbourg Müllenheim, 11), les Schönau et les Murnhart (Archives municipales Sélestat, DD 23 ; sur la dévolution de Kagenfels (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, VI, n° 141), mais moins pour les Kage von Vendenheim, qui disparaissent avec les frères Reinhard (1343 ?-1361) et Bernand (1343-1367 ?). Quant à l’extinction des Haumesser, bien attestés jusqu’en 1332 (1337 ?), elle est obscurcie par le problème de savoir si les Haumesser von Schlettstadt et von Sankt Pilt, dont les armoiries sont différentes, appartiennent au même lignage. La réponse est probablement négative pour les premiers, qui semblent issus des corporations, mais peut-être positive pour Simund Howemesser von Sankt Pilt, qu’on trouve davantage à Strasbourg (1363-1374) qu’à Saint-Hippolyte, et dont le prénom est fréquent chez les Haumesser von Vendenheim.

Jusqu’à la fin, une certaine solidarité se manifeste à l’intérieur du clan Beger-Murnhart-Kage : les uns sont garants pour les autres en toute occasion. À plus forte raison la cohésion du lignage Kage-Haumesser est-elle sensible. Le nom de Stehelin en témoigne à sa façon : après avoir servi, de patronyme à un rameau des Kage dans la 1ère moitié du XIIIe s., il sert de prénom – ou de sobriquet plus usuel que le prénom – à un fils d’Albrecht Kage et à l’héritier de Simund Haumesser. Celui-ci est aussi appelé Gross-Stahel pour le distinguer de Klein-Stahel, fils de Rudolf Haumesser (Archives municipales Haguenau, EE 18/10-11 : 1329-1330). Le surnom de Stahel est également porté par les descendants de Werner von Westhoffen et de Grede, fille de Stehelin K.age de 1334 à 1418.

Graphie : Kage au nominatif singulier, Kagen à tous les autres cas.

Urkundenbuch der Stadt Strassburg, I-VII (index) ; Regesten der Bischöfe von Strassburg, Il (index) ; J.-M. Gyss, Histoire d’Obernai, I, Strasbourg, 1866 [sur Kagenfels] ; Kindler von Knobloch, Das goldene Buch von Strassburg, 1886 (s. von Kage et Howemesser) ; J. Kindler von Knobloch, « Die Burggrafen und Vitzthumgeschlechter im Elsass », Vierteljahrsschrift für Heraldik, Sphragistik und Genealogie, 1881 (tiré à part) [à utiliser avec prudence] ; J. Gény, Schlettstadter Stadtrechte, Strasbourg, 1900 (index) [sur Kintzheim] ; M. Krebs, « Quellensammlung zur oberrheinischen Geschlechterkunde » (suppl. à Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 95, 1943), p. 32, n° 304 [Howemesser v. St. Pilt].

Bernhard Metz (1992)