Skip to main content

KAESHAMMER

Famille d’ébénistes (C) qui s’est illustrée à Strasbourg au XVIIIe siècle.

1. Johann (se faisait appeler Jean), ébéniste (★ Mitteleck, près de Gengenbach, Bade, 1715 † Strasbourg 13.6.1805). Fils de Clemens Kaeshammer cultivateur, et de N. Gisi. ∞ 10.1739 à Strasbourg Jeanne Durant (Durand) (★ vers 1700 † Strasbourg 1766), fille d’un maître sellier d’Orléans et recueillie après la mort de ce dernier par son oncle, cabaretier à Strasbourg, veuve de Jean-Baptiste Froydevaux († Strasbourg 1733), ébéniste ; 3 filles et 2 fils © 3 et 4. À son mariage, Kaeshammer reprit l’atelier de J.-B. Froydevaux. Ce dernier, attesté à Strasbourg de 1701 à 1733, était originaire de Saint-Léger, Haut-Rhin, où son père était cordonnier, ∞ I 8.9.1713 à Strasbourg Anne Marie Bürckler († 13.8.1720), sa cousine ; sans enfants. Il présenta son chef-d’œuvre de maîtrise en mars 1713 et fut reçu bourgeois du fait de son mariage. ∞ II 4.9.1721 à Strasbourg Jeanne Durant ; 3 enfants : Jean Baptiste II (★ Strasbourg 8.9.1723), sculpteur ; Marie Madeleine (★ Strasbourg 1724) ∞ Jean Philippe Chevalier, sculpteur ; René I (★ Strasbourg 26.6.1727 † 1802, ébéniste. Grâce à un héritage, Jeanne Durant put acheter en 1722 un immeuble proche de la Grand’rue et, après quelques aménagements, l’atelier Froydevaux fut transféré au 9 rue du Bouclier ; la production se spécialisa dans les petits meubles : tables de chevet, bureaux, tables de jeux, fauteuils, chaises. Après le remariage de Jeanne Durant, Kaeshammer s’occupa de ses beaux-fils et se chargea de leur formation professionnelle. Arrivé à Strasbourg vers 1737 après avoir été formé par des maîtres parisiens, Kaeshammer réalisa son chef-d’œuvre de maîtrise (une armoire à la française richement sculptée), aidé financièrement par sa future épouse, qui lui offrit les matériaux nécessaires à son exécution, et lui assura la jouissance de l’atelier. Il fut reçu brillamment à la maîtrise par le corps des menuisiers « français » (catholiques) de Strasbourg le 22 septembre 1739, et s’imposa rapidement parmi ses confrères. Outre des responsabilités à la tête de sa corporation, Kaeshammer entra au Grand Sénat de Strasbourg. Ainsi, il intervint de manière décisive en 1746 lors de la modification des normes d’exécution de l’armoire de maîtrise « au goût du jour ». Il eut une vaste clientèle, tant dans les milieux de culture française que dans la jeune génération de la bourgeoisie locale. Groupant autour de lui ses beaux-fils, ses enfants et ses gendres, Kaeshammer transforma le modeste atelier de J.-B. Froydevaux en une véritable entreprise polyvalente où toutes les spécialités de menuiserie et d’ébénisterie étaient représentées, spécialisée dans l’ameublement à la française. Il eut jusqu’à 24 collaborateurs directs, alors que, selon le règlement, il était interdit d’employer plus de trois compagnons. La réussite de Kaeshammer est confirmée par l’inventaire de l’atelier, à la mort de son épouse : le stock de sièges terminés ou en travail se montait à 1.284 pièces auquel s’ajoutent des meubles précieux en bois des îles, chevets et toilettes, des tables-consoles sculptées en bois doré, 8 écrans de cheminée, 9 tables à jeu, 45 bois de lits. Cette réussite est confirmée par la liste de ses clients débiteurs, comptant, pour les deux tiers, des grandes familles d’Alsace (Klinglin ©, Dietrich ©, Haindel ©, Wangen ©), ainsi que des fonctionnaires royaux (Gayot ©), des gens d’Église et de robe et des militaires ; mais Kaeshammer livrait aussi à Paris, en Suisse et en Rhénanie, et à des tapissiers établis à Strasbourg, à Vienne et à Sarrebruck.

J.-J. Hatt, Liste des membres du Grand Sénat de Strasbourg du XIIIe s. à 1789, Strasbourg, 1963, p. 363-364.

  1. Antoine,

sculpteur (★ Holtzbach, Bade, 1726 † Strasbourg 17.12.1807). Frère de Johann © 1. ∞ 17.5.1763 à Strasbourg Odile Holderbach ; au moins un fils © 5. Il fut envoyé par son frère à Paris pour apprendre à sculpter des sièges (1741-1747), puis il fut associé aux activités professionnelles de celui-ci.

  1. Jean Adolphe,

ébéniste, « mécanicien », maître de dessin (★ Strasbourg 7.8.1740 † Strasbourg 25.12.1805). Fils aîné de Johann © 1. Il acquit la triple formation d’ébéniste, d’ouvreur en mécanique et de peintre-dessinateur (chez Joh. Jodocus Tannisch). Il fut reçu maître par le corps des menuisiers « français » le 28 mars 1772, après avoir obtenu par dérogation spéciale d’exécuter, à la place de l’armoire (chef-d’œuvre réglementaire), un autel
pour la chapelle de l’orphelinat, dont le projet fut soumis à un architecte parisien. De complexion délicate (asthmatique), il abandonna l’ébénisterie. En tant que maître de dessin, il put fournir les cartons nécessaires aux décors de marqueterie des meubles réalisés chez son père. Ses connaissances en mécanique furent mises à contribution pour la fabrication de meubles « machinés ».

  1. François de Paule Joseph I,

ébéniste (★ Strasbourg 20.1.1747 † Strasbourg 19.1.1829). Frère de Jean Adolphe © 3. ∞ 1772 Françoise Mayé ; 3 enfants, dont un fils ébéniste © 6. Son chef-d’œuvre de maîtrise fut une « Boëte de la Communauté des maîtres menuisiers français de la ville de Strasbourg » (1771). Kaeshammer renouvela l’image de marque de l’entreprise familiale après son accession à la direction de l’affaire, secondé par son père vieillissant. Stylistiquement, il opéra un retour au classicisme, et créa le « style Kaeshammer ». Il livra – en association avec le miroitier Gérard Walther – des meubles au château de Benrath près de Düsseldorf (1775), dont une ravissante poudreuse ; il livra aussi des meubles au château de Bretzenheim près de Mannheim (1782-1788) et au château de Burg à Wilhelmsbad, Hesse. En Alsace, il s’attacha la clientèle des notables, tel le baron de Dietrich © 7 pour lequel il réalisa deux meubles, un bureau à cylindre, dont le blason est traité comme un tableau de marqueterie (vers 1780), et une table dont la marqueterie du plateau commémore les fêtes célébrées après la proclamation de la Constitution du 14 septembre 1791 (1792). Avant les événements révolutionnaires, Kaeshammer réalisa une série de chaises Louis XVI marquées sous la partie avant de la ceinture « Kaeshammer à Strasbourg 1787 ». La Révolution entraîna le déclin de l’entreprise, et Kaeshammer
dut s’associer à J.-Chrétien Blumer, reçu maître par les menuisiers « allemands » (protestants) en 1765, pour pouvoir exécuter en 1805 les travaux de remeublement de l’ancien Palais épiscopal, qui avait été saccagé.

Chef-d’œuvre et son dessin d’exécution au Musée des Arts décoratifs, Strasbourg.

M. Wingenroth, Verschaffelt und das ehemalige Palais Bretzenheim, Mannheim, 1911 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, XIX, 1926, p. 425-426 ; Maze-Sencier, Les fournisseurs de Napoléon Ier et des deux impératrices, Paris, s.d., p. 235 ; H. Haug, L’Art en Alsace, Paris, 1962, p. 186 ; H. Huth, « Das Palais Bretzenheim in Mannheim », Mannheimer Hefte, 1978 ; Encyclopédie de l’Alsace, VII, 1984, p. 4402.

5. François Augustin,

sculpteur (? Strasbourg 28.8.1765 † Strasbourg 5.11.1806). Fils d’Antoine © 2. Célibataire. Il exerça la même profession que son père après avoir fait son apprentissage comme sculpteur. Il collabora aussi avec le facteur d’orgues Mathias Martin.

  1. Sulzmann, Die Orgelbauerfamilie Martin in Waldkirch im Breisgau, Wiesbaden, 1975.

6. François de Paule Joseph II,

ébéniste (★ Strasbourg 12.9.1775, attesté jusqu’en 1807). Fils aîné de François de Paule Joseph I © 4. Les événements révolutionnaires l’empêchèrent d’effectuer son compagnonnage à Paris. Il semble avoir quitté définitivement Strasbourg vers 1808.

Archives municipales de Strasbourg, registres paroissiauxet Chambre des contrats ; F. Lévy-Coblentz, « Les Froydevaux-Kaeshammer, une prestigieuse dynastie d’ébénistes alsaciens », L’Estampille 103, novembre 1978, p. 26-39, ill. ; idem, L’art du meuble en Alsace au siècle des Lumières, t. 2, De la Paix de Ryswick à la Révolution 1698-1789, Saint-Dié, 1985, p. 540-541 (index), ill.

Odile Zeller (1992)