(★ Scharrachbergheim 15.11.1810 † Strasbourg 14.12.1880).
Fille de Jean-Jacques Jaeglé ©. Intelligente et cultivée, elle est entrée dans l’histoire pour avoir détruit des manuscrits (un drame, des lettres et le journal) de son fiancé, le médecin, révolutionnaire et auteur dramatique allemand Karl Georg Büchner ©. Georg Büchner et Minna Jaeglé s’étaient rencontrés en 1831, lorsque Büchner avait trouvé à se loger chez le pasteur Jaeglé, 66, rue Saint-Guillaume. Au printemps 1832, Büchner tomba malade et Minna le soigna. À partir de ce moment ils vécurent une idylle secrète. En 1833, Büchner dut quitter Strasbourg afin de finir ses études à Giessen. Cette séparation attrista Minna au point que Büchner se vit contraint à des fiançailles secrètes précipitées en mars 1834. Cette initiative provoqua des remous dans la famille Büchner. La situation ne s’arrangea qu’en septembre 1834, lorsque Minna se rendit à Darmstadt. En mars 1835, Büchner dut fuir l’Allemagne à cause de ses activités révolutionnaires et revint à Strasbourg. À partir de ce moment, Minna Jaeglé joua un grand rôle à ses côtés, l’aidant notamment dans ses recherches sur le système nerveux des poissons. Une nouvelle fois ils furent séparés lorsque Büchner obtint en 1836 un poste à la toute jeune Université de Zurich, fondée trois ans plus tôt. Minna ne devait revoir Georg qu’une seule fois, sur son lit de mort à Zurich, le 19 février 1837. Après ce malheureux événement, elle resta en contact avec la famille Büchner jusqu’aux alentours de 1850. En 1851, après avoir occupé un poste de gouvernante en Allemagne, elle ouvrit une école de jeunes filles, 8, rue des Cordonniers à Strasbourg.
Cette maison, détruite en 1965, se trouvait à la place de l’actuel Foyer Jean Sturm. En 1875, la tombe de Büchner fut déplacée ; Minna n’assista pas à la cérémonie. Elle mourut célibataire, quarante-trois ans après son fiancé. Dans son testament rédigé trois ans avant sa mort, il n’est à aucun moment question des documents que Büchner lui a laissés. En ce qui concerne les œuvres dramatiques ainsi que la nouvelle sur le malheureux poète Lenz, on ne peut guère reprocher à Minna de ne pas avoir fait d’effort afin de faciliter leur publication. Elle prit contact avec Karl Gutzkow, le rédacteur du Télégraphe de Francfort, peu de temps après la mort de Büchner, et lui remit une copie de Léonce et Lena, de Lenz ainsi que des extraits de lettres. Lorsqu’en 1850 le frère de Georg, Ludwig Büchner, projeta de l’éditer, Minna joua un rôle non négligeable en mettant le manuscrit original de La Mort de Danton à sa disposition. Ses relations avec les éditeurs se détériorèrent lorsque des lettres furent éditées sans son autorisation. Aux alentours de 1875, l’écrivain et journaliste viennois Karl Emil Franzos tenta de faire connaître la vie et l’œuvre de Büchner à un public plus large. Ludwig Büchner lui donna ce qu’il possédait et lui conseilla d’aller s’enquérir du reste chez Minna, « qui possédait un drame sur le Florentin Pietro Aretino ». Franzos reprit cette affirmation, disant que Büchner avait donné le manuscrit à Minna afin qu’elle le lise. Après sa mort, Minna aurait gardé le document, sa conscience lui dictant de ne pas laisser publier une œuvre comportant des scènes athées.
Mais tout ceci n’est que pure supposition, sans aucun fondement formel. Ce que Minna possédait de façon sûre était des lettres, des notices, un journal et une version remaniée de La Mort de Danton. L’existence d’un drame sur Pietro Aretino n’a jamais pu être vérifiée. Quant à Minna, les seuls documents que nous possédions d’elle sont un certain nombre de lettres.
J. Strohl, Lorenz Oken und Georg Büchner, Zwei Gestalten aus der Übergangszeit von Naturphilosophie zu Naturwissenschaft, Zurich, 1936 ; idem, « Georg Büchner à Strasbourg », La Vie en Alsace, 1936, p. 193-196 ; H. Mayer, Georg Büchner und seine Zeit, Wiesbaden, 1946 ; J. C. Hauschild, Georg Büchner : Studien und neue Quellen zu Leben, Werk und Wirkung, Königstein, 1985.
Iconographie : croquis anonyme de 1830 dont l’original brûla à Darmstadt en 1944, et photographie de 1860 reproduite dans le livre de Jean Strohl consacré à Lorenz Oken et à Georg Büchner.
Benoît Heilmann-Heintz (1992)