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HACKFURT (Hachfurt, Hugfordius, plus connu dans le milieu humaniste sous son nom grécisé BAT(H)ODIUS) Lucas (« meister Lux »)

Senior, pédagogue humaniste, intendant de l’assistance publique strasbourgeoise, (C, puis P) (* Strasbourg vers la fin du XVe siècle † Strasbourg 6.4.1554). Fils de Johann Hackfurt, emissor (messager) devenu bourgeois de Strasbourg en 1503. ∞ I 20.1.1524 à Strasbourg Anna Keller, fille du tonnelier Thomann Keller «von Lor»; ∞ II 17.8.1527 à Saint-Pierre-le-Vieux N., fille (ou veuve?) de Stephan Dorrer d’Obernai; ∞ III 15.6.1531 à Strasbourg Margaretha Meigel, fille du tonnelier Hans Meigel devenu bourgeois en 1503 († septembre 1560); plusieurs enfants, dont Lucas Batodius (junior). Hackfurt fut immatriculé à l’Université de Heidelberg le 22 mai 1511 et y obtint sa maîtrise ès-arts en 1513; puis il devint prêtre. Il eut aussi une chapellenie à l’hôpital d’Obernai, une autre à Saint-Thomas de Strasbourg, et le 1er décembre 1518 un vicariat au Grand Chœur de la cathédrale. Devenu membre de la Société littéraire de Strasbourg, il entra en relations avec Erasme de Rotterdam © et surtout avec Beatus Rhenanus © qui lui dédia ses Panegyrici veteres (Bâle, 1520). En 1521, il dressa le catalogue de la bibliothèque de la cathédrale, malheureusement brûlé en 1870. Dans le sillage de Wimpheling © et d’Erasme, il s’intéressa particulièrement à la réforme de l’enseignement et ouvrit dès 1522 une école latine privée, pour laquelle il rédigea une grammaire latine, Paedia grammatices, recommandée par Nicolas Gerbel © et parue à Strasbourg en mai 1525.Il eut bientôt comme aide Johann Schwebel ©de Bischoffingen, qui lui dédia son édition de la traduction allemande du De disciplina et institutione puerorum d’Otho Brunfels © faite par le notaire Fridolin Meyger, et parue à Strasbourg en mars 1525 sous le titre Von der zucht und underweisung der kinder. Hackfurt était avant tout préoccupé par l’éducation morale de ses élèves, et c’est dans ce sens qu’il demanda à Erasme le 1er octobre 1525 un commentaire moralisateur des comédies de Térence. Entre temps, Hackfurt était passé à la Réforme: avec Gerbel, il s’enthousiasma pour Luther, qu’il essaya de rencontrer à Worms fin avril 1521. Aussi décida-t-il de militer pour le Christ en se mettant au service des pauvres, et en août 1523, il accepta, pour un salaire de 25 florins par an, la charge d’intendant de l’assistance publique municipale organisée alors par la ville (schaffner des Gemeinen almosen, plus tard spendeschaffner). De plus, comme il voulait se  marier, il résigna en décembre 1523 ses prébendes et renonça à son état de clerc; mais cela ne l’empêcha pas d’être cité dès fin janvier 1524 devant l’évêque comme prêtre marié et d’avoir à cosigner l’appel interjeté le 5 avril 1524 par ses autres collègues contre les sanctions épiscopales. Abandonnant en 1525 son école à Schwebel, il consacra toutes ses forces à ses fonctions d’almosenschaffner, en particulier pendant les années de disette de 1529 à 1532. Par plusieurs rapports adressés au sénat de Strasbourg, il tâcha d’obtenir des ressources supplémentaires pour son service et d’en améliorer le fonctionnement, aidé en cela surtout par son adjoint Alexander Berner ©. En outre, il créa en novembre 1529 avec Catharina Zell © une caisse spéciale (Nebenstüre) afin d’aider les nombreux persécutés pour leur foi cherchant asile à Strasbourg. Aussi, ses sympathies pour certains anabaptistes modérés le firent-elles accuser de collusion avec les radicaux virulents; mais il put se disculper et signa en juillet 1531 avec les réformateurs strasbourgeois un accord où il admit qu’un vrai chrétien pouvait exercer des fonctions gouvernementales. Ses compétences furent également utilisées en dehors de son service d’assistance: il participa ainsi en 1535 à la première visite pastorale dans les villages dépendant de la ville, avec mission de vérifier si les biens et revenus curiaux étaient correctement affectés aux besoins du culte et des pauvres. De même, à la suite du statut municipal du 9 septembre 1539, il fit plusieurs fois partie de la commission chargée d’examiner les candidats à l’obtention d’une prébende dans les églises strasbourgeoises. Signalons enfin que le 20 juillet 1547, il assista son ami Beatus Rhenanus à son lit de mort. Pour assurer à Hackfurt un meilleur salaire sans grever «l’Aumône générale», le magistrat lui conféra en1535 un canonicat à Saint-Pierre-le-Vieux avec la dignité de chantre, mais il dut les résigner en 1550 à cause de l’Interim. C’est aussi pour parer les effets éventuels de cette réaction catholique que le 20 septembre 1548, avec l’accord de son frère Paul, Hackfurt fit enregistrer devant le sénat de Strasbourg son testament holographe, afin d’éviter que ses enfants ne soient mis un jour en déshérence comme nés d’un prêtre marié; il recommanda de leur donner une éducation hostile à toute oisiveté et légua 25 florins aux pauvres. De ses enfants, on connaît un peu Lucas Batodius (junior), étudiant à Tübingen (1559), à Wittenberg (1560-1563 au moins, où il a dû faire sa maîtrise) et à Bâle (1569-1570), puis médecin du comte palatin Georg-Hans de Veldenz-La Petite Pierre ©, auteur d’une édition augmentée du De natura rerum de Paracelse, publiée à Strasbourg en 1584, et de plusieurs calendriers astrologiques parus également à Strasbourg pour les années 1589, 1592,1596 et 1597.

Écrits de Hackfurt: Paedia grammatices complectens etymologiam, paradigmata, syntaxim et sylabarum mensuram, Argent(orati), apud Vuolfium Ceph(alaeum), An(no) M.D.XXV. (Merise Maio), in-4° : exempl. à la Bibliothèque municipale de Colmar et à Séville (cf. J. Muller, Bibliographie strasbourgeoise… au XVIesiècle, t. II, Baden-Baden, 1985, p. 274, et pour le fils,t. III, 1986, p. 589, 616, 632, 652-654).

Archives municipales de Strasbourg, M 85, p. 115; KS 17, f° 257 v° ; 27 I, f° 100 r°101 r°; 63 I, f° 169-175 (son testament). Hackfurt a laissé un précieux registre de ses actes et des décisions des administrateurs du Gemein Almosen: Archives municipales de Strasbourg, Arch. Hôp. 1477 (Ibid. 1240 le Register einer nebenstüre 1529-1551). La majeure partie des documents concernant l’assistance publique à Strasbourg à la fin du Moyen Âge et au XVIe siècle a été publiée par Otto Winckelmann, Das Fürsorgewesen der Stadt Strassburg vor und nach der Reformation, Leipzig, 1922, 2 t. en 1 vol. gr.in-8°. Des lettres de ou à Hackfurt, ou le concernant figurent dans Erasme, Opus epistolarum, ed. P.S. Allen, t. III,p. 420, n°883 ; VI, p. 178-179, n° 1617; Beatus Rhenanus, Briefwechsel, hrsg. v. A. Horawitz & Hartfelder, p.258-259, n°187, p. 290, n°209, p. 590, n°448; M.Luther, Briefwechsel, hrsg. v. O. Clemen, t. II, p. 341. Des lettres de son fils ou le concernant se trouvent dans Archives du Chapitre de Saint-Thomas, déposées aux Archives municipales de Strasbourg, 41 IV/56, Va/10, Vb/213 et 154/76 (cf. aussi Die Matrikeln der Universität Basel, hrsg. v. H. G.Wackernagel, t. II, p. 192).

A. Jung, Geschichte Reformation der Kirche in Strassburg, Strassburg, Leipzig, 1830, p. 149; Hutten, Opera. Supplementum, t. II, ed. Ed. Böcking, Lipsiae, 1869,p. 304-305; G. C. Knod, Die Stiftsherren von St. Thomas zu Strassburg (1518-1548), Strassburg, 1892, p.50; J. Ficker, O. Winckelmann, Handschriftenproben, II, Strassburg, 1905, Nr. 78; O. Winckelmann, Fürsorgewesen, op. cit., II, p. 105 ; J. Ficker, «Handschriftlichesder alten Strassburger Bibliothek», Festgabe… HermannEscher, Zürich, 1927, p. 44; Quellen zur Geschichte der Täufer, t. VII & VIII, XV & XVI: Elsass I-IV, Gütersloh, 1959-60, 1986-88, passim; W. W. Grams, Die Strassburger Almosenordnung von 1523, Diss. Heidelberg, 1975, spéc. p. 166-174, 70A-72A; M. Usher Chrisman, «Urban poor in the sixteenth century, the case of Strasbourg», Social Groups and Religious Ideas in the sixteenth Century, ed. M. Usher Chrisman & O. Gründler,Kalamazoo, 1978, p. 59-67, 169-171; M. Lienhard, «LaRéforme à Strasbourg», Histoire de Strasbourg, publ. ParG. Livet et Fr. Rapp, t. II, Strasbourg, 1981, passim; M. Usher Chrisman, «Lucas Bathodius», Contemporariesof Erasmus, ed. P.G. Bietenholz, t. I, Toronto, 1985,p. 99.

Jean Rott (1989)