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GOBEL Jean-Baptiste Joseph

Évêque suffragant du diocèse de Bâle, puis évêque constitutionnel métropolitain de Paris (★ Thann 30.8.1727 † guillotiné à Paris 13.4.1794). Fils de François-Antoine-Joseph Gobel, procureur fiscal à Thann, puis avocat au Conseil souverain et conseiller du roi à Colmar, et de M. Thérèse Haus. Sa date exacte de naissance est indiquée dans le livre de raison de son père, la plupart des auteurs donnent le 1er septembre, date de son baptême. Dans cette famille les ecclésiastiques étaient nombreux : ses deux oncles paternels, Jean-Thiébaut-Antoine et Guillaume Sigismond étaient, l’un prévôt, de la collégiale de Thann, l’autre, prévôt de celle de Colmar. Par sa mère, Gobel était le petit-neveu (et non le neveu) des deux frères Jean-Christophe Haus© et Jean-Baptiste Haus© qui avaient été successivement suffragants de l’évêque de Bâle. Gobel fit ses premières études au collège des Jésuites de Porrentruy, puis à Colmar. Son grand-oncle et parrain, Jean-Baptiste Haus, résigna en sa faveur, en 1740, son canonicat de Moutier-Grandval – il avait 14 ans – et le fit entrer en 1743 au Collège germanique à Rome où il fit de brillantes études couronnées par le doctorat de théologie en 1747. Ordonné prêtre le 19. Décembre 1750 à Porrentruy, Gobel célébra sa première messe en l’abbaye d’Ebersmunster le jour où son frère faisait sa profession dans l’ordre de saint Benoît. Nommé official en 1755, il fut pourvu d’un canonicat au grand chapitre qui résidait à Arlesheim. Le 29 octobre 1763 l’évêque de Bâle, Simon-Nicolas de Montjoie ©, le nommait vicaire général pour l’ensemble du diocèse (pas seulement pour la partie française comme l’écrivent plusieurs auteurs). En cette qualité il fit une enquête sur la situation des protestants à Ribeauvillé en 1766 et la même année, il fut chargé de rédiger une nouvelle constitution pour l’abbaye de Murbach. Simon-Nicolas, ayant été frappé d’apoplexie en 1771, fit de Gobel son suffragant avec le titre d’évêque de Lydda. La consécration épiscopale eut lieu à l’abbaye de Bellelay le 22 mai 1772. À la mort du prince-évêque, en 1775, Gobel usa de son influence pour faire élire Frédéric de Wangen ©. C’est sous ce prince qu’il atteignit le sommet de ce qu’on peut appeler sa carrière diplomatique. Depuis la Réforme les évêques de Bâle résidaient à Porrentruy dans leur territoire temporel, mais au point de vue spirituel Porrentruy et les villages environnants relevaient de l’archevêque de Besançon. Déjà deux siècles plus tôt des tentative savaient été faites pour remédier à cette situation anormale, mais sans succès. Gobel fut chargé par le prince-évêque de négocier un échange de paroisses avec le diocèse de Besançon. Il réussit pleinement cette mission, l’accord fut signé en 1779 avec le consentement de Rome, du roi de France et de l’empereur et entra en vigueur le 13 janvier 1782. Dans le même temps, Gobel fut encore chargé de renouveler le traité d’alliance entre la cour de France et la principauté et d’établir un accord fixant les limites entre les deux États. La mort de Frédéricde Wangen, en 1782, marqua un tournant dans le destin de Gobel. C’est Joseph de Roggenbachque Gobel avait fait évincer à l’élection de 1775 qui fut élu. Ce prince-évêque avait plus de sympathie pour l’Empire que pour la France ; il prit ombrage des relations que Gobel s’était faites à Paris et à Versailles et restreignit ses fonctions de suffragant. Dès lors Gobel entreprit diverses manœuvres contre le prince-évêque. En 1784, il envoya un mémoire à Vergennes critiquant la vie mondaine du prince et proposant la création d’un évêché français de Haute Alsace, détaché de celui de Bâle. En 1787, il s’adressa au prince-électeur de Cologne, Max-Franz, frère de Joseph II et de Marie-Antoinette pour lui suggérer de cumuler l’évêché de Bâle en y nommant un coadjuteur. Ces correspondances qui laissaient transparaître des ambitions personnelles s’accompagnaient de sollicitations répétées pour obtenir des bénéfices ecclésiastiques à son avantage. Ses nombreux et longs séjours à Paris lui avaient occasionné des frais élevés. Il avait bien obtenu du roi une pension de 8.000 livres net sur l’archevêché de Paris qui complétait ses revenus de suffragant, mais cela lui paraissait insuffisant. Sa famille, en effet, était criblée de dettes. Son père avait fait de mauvaises affaires, l’obligeant en 1757 à vendre sa charge de conseiller, puis l’année suivante, tous ses biens. Sa sœur, Marie-Thérèse, qui avait épousé le lieutenant-colonel de cavalerie Priqueler, était restée veuve avec six enfants à charge et avait dû vendre sa dot, le « château » de Mortzwiller, que Gobel avait racheté aux créanciers en 1767, en contractant lui-même des emprunts. Ce « château » qui était un bien de famille, déjà en possession de son grand-père, n’était sans doute, d’après les inventaires qu’on en connaît, qu’une maison de campagne bourgeoise avec moulins, écuries, grange et des terres. Gobel y avait aménagé un parc avec des statues antiques. En outre, conformément à la tradition de famille, Gobel payait les études de son neveu, Jean-Baptiste Priqueler, au Collège germanique de Rome. Il devait ensuite lui faire obtenir un canonicat à Saint-Ursanne, le prendre comme aumônier et en faire son vicaire épiscopal à Paris. Selon ses biographes, Gobel aurait accumulé, en 1789, 200.000 livres de dettes. Cette année 1789 l’éloigna définitivement de ses fonctions de suffragant. Représentant de l’évêque de Bâle, il présida l’Assemblée du clergé des districts réunis de Belfort et Huningue et participa à la rédaction des cahiers de doléances, qui, entre autres, réclamaient la création d’un évêché indépendant du Haut-Rhin. Le 5 avril, il était élu député aux États-Généraux. Désormais il vécut à Paris et s’engagea dans le sens de la Révolution. Il fit bien quelques réserves au projet de Constitution civile du clergé, mais le 3 janvier 1791, il prêta le serment « persuadé que l’Assemblée n’avait pas entendu préjuger sur le spirituel ». Le 10 mars, l’archevêché de Paris ayant été déclaré vacant en suite de l’émigration de Mgr de Juigné, Gobel fut élu évêque métropolitain par 500 voix sur 671 votants. Le 14 mars il était aussi élu évêque constitutionnel du Haut-Rhin par les électeurs réunis à Colmar avec 400 voix sur 452. Simultanément il était encore élu évêque de la Haute-Marne. Gobel opta pour le siège de Paris qui lui offrait un revenu de 50.000 livres par an. Le 27 mars, il fut solennellement installé à Notre-Dame et sacra ce jour neuf évêques constitutionnels. Mais déjà avant, il avait assisté Talleyrand pour le sacre de deux premiers évêques constitutionnels. C’est lui aussi qui sacra Brendel ®, élu évêque du Bas-Rhin et Saurine ©, élu dans les Basses-Pyrénées qui devait devenir le premier évêque concordataire de Strasbourg. Il semble qu’en mars 1792, il ait regretté de s’être engagé à fond dans l’Église constitutionnelle. Sur les instances de l’abbé Barruel, il se déclara prêt à se soumettre au Pape, à donner sa démission et à partir pour l’Angleterre. Mais il demandait, en échange, qu’on lui payât ses dettes anciennes et celles qu’il avait encore contractées depuis son séjour à Paris. Il n’y eut pas de suite. Vers la fin de 1792, il se fit envoyer, en qualité de commissaire, dans laprincipauté de Porrentruy, pour y soutenir le mouvement révolutionnaire conduit par Joseph-Antoine Rengguer, syndic des États, et mari de sa nièce Priqueler. Le prince-évêque avait demandé la protection de troupes autrichiennes. En vertu du traité d’alliance, qu’il avait lui-même négocié autrefois, Gobel fit occuper la principauté par les armées de la République et hâter le rattachement à la France de la république rauracienne qui venait d’être proclamée. Celle-ci devint ainsi le département du Mont-Terrible. Accueilli d’abord favorablement, Gobel se heurta à l’opposition des clubs qui le dénoncèrent à Paris pour abus de pouvoir. En janvier 1793, il était rappelé à Paris. Sous la pression des hébertistes athées, Chaumette et Clootz, Gobel se présenta, avec douze de ses vicaires épiscopaux, le 7 novembre 1793, à la tribune de la Convention, déposa ses insignes épiscopaux et renonça à ses fonctions. Cet acte fut interprêté comme une abjuration. Cependant à ceux qui l’avaient pressé d’abjurer, Gobel avait répondu : « je ne connais pas d’erreur dans ma religion. Mais s’il est seulement question de cesser mes fonctions, j’adhère à votre demande. Le peuple m’a demandé, le peuple me renvoie ». Il s’en expliqua quelque temps après, dans une lettre à Jean-Henri Weiss ©, curé constitutionnel de Kirchberg : « les circonstances résultantes de l’opinion publique de cette grande cité ont exigé de moi que je me démisse du ministère pastoral et épiscopal et curial que le peuple de Paris, par l’organe de ses électeurs, m’avait confié en 1791. J’en ai fait le sacrifice… Cependant les journaux et gazettes ont tellement altéré le discours que j’ai prononcé à la barre de la Convention par lequel j’ai fait ma renonciation, que le public peut se persuader que j’ai abjuré ma religion comme fausse et erronée. C’est pour vous détromper et, par vous, les fidèles de l’Église catholique que je vous envoie une copie – mot pour mot – de mon discours ». Accusé d’avoir comploté contre la République lors de son dernier séjour à Porrentruy et de collusion avec les hébertistes pour répandre l’athéisme, il fut traduit devant le Tribunal révolutionnaire et condamné à mort. En montant à l’échafaud, tandis que le peuple criait « Vive la République », il cria « Vive Jésus-Christ ». Peu avant, dans sa prison, il avait envoyé à son ancien vicaire et compatriote, François-Joseph Lothringer © un billet contenant sa confession et demandant de lui donner l’absolution sur le chemin de la guillotine. La plupart des biographes de Gobel (notamment Chèvre et Gautherot) ont porté sur lui un jugement sévère. Cependant, il avait été un suffragant zêlé, il avait la réputation d’une grande piété ce qui l’avait fait surnommer « l’ange de Lydda ». Diplomate avisé, il avait rendu de grands services à la principauté. Son attitude à l’égard de la Révolution pose encore bien des questions. Il ne semble pas avoir professé le gallicanisme; selon l’abbé Barruel, il était plutôt ultramontain. A-t-il été vraiment convaincu du bien-fondé des idées de la Révolution? ou a-t-il « cru devoir se prêter à la nouvelle Constitution afin d’empêcher au moins que tout ne fût perdu » comme l’écrivait l’abbé Barruel au cardinal Zelada ? Ou pressé par les embarras financiers et poussé par l’ambition ne s’est-il pas laisser entraîner par un mouvement qu’il ne pouvait plus dominer et dont il a fini par être la victime ?

Correspondance Gobel et livre de raison de la famille Gobel, aux Archives de l’ancien évêché de Bâle, à Porrentruy ; notariats de Colmar et Thann aux Archives départementales du Haut-Rhin.

Bibliographie : il est impossible de citer tous les dictionnaires où Gobel est cité. Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 612 ; A. Chèvre, « Les suffragants de Bâle », Revue d’Alsace,1911, p. 337-368 ; G. Gautherot, Gobel évêque métropolitain de Paris,1911, et critique par A.M.P. Ingold, Revue d’Alsace,1911, p. 235-237 ; F. Schaedelin, « Gobel un alsacien évêque constitutionnel de Paris », La Vie en Alsace,1926, p. 16-26 ; Neue Deutsche Biographie,VI, 1964, p. 490 ; C. Bosshard-Pfluger, DasBaslerDomkapitel von seiner Übersiedlungnach Arlesheim bis zurSäkularisation (1687-1803),1983, p. 200-203 ; Dictionnaire de biographie française, XVI, 1983, 4378 ; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984,p. 3395 ; Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques,21, 1986.

Ouvrages et articles reproduisant des documents originaux : G. H. Grégoire, Histoire des sectes religieuses, t. 1, Paris, 1814, p. 690 (l’abdication de Gobel) ; P. J. B. Buchez et P. C. Roux, Histoire parlementaire de la Révolution française, t. XXXII, Paris, 1834-1838, p. 245-303 (procès de Gobel) ; A. Theiner, Documents inédits relatifs aux affaires religieuses de la France (1790-1800), extraits des archives secrètes du Vatican, t. 1, 1857, p. 353 (lettres de l’abbé Barruel) : M. Braubach, « Bischof Gobel, Kurfürst Max Franz von KölnunddasBistum Basel », Historisches Jahrbuch der Görresgesellschaft, 1, 1940, p. 300-311 ; G. Fritz, « Zur Kirchengeschichte der Jahre 1790 bis 1810 », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 1943, p. 351-388 ; J. Joachim, « Le chanoine Priqueler », Actes de la Société jurassienne d’émulation, 1956, p. 33-48 ; G.Livet, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France, XXX, Suisse, t. 2,
1983, p. 891-897.

Le destin de Gobel a inspiré un roman : E. K. Münz, Die Pforten der Hölle,Francfort, 1960, 679 p.

Médaillon petite gravure (tondo) au Musée de Porrentruy, reproduit ici (voir J. Suratteau, Portrait de J.-B. Gobel,Actes de la Société jurassienne d’émulation,1963, p. 72-75) ; huile sur toile (85 x 71 cm), à l’Office du patrimoine historique de Porrentruy, reproduit dans Vautrey, Histoire des évêques de Bâle,t. Il, 439, et dans Schaedelin ; profil droit, par Labadye, chez Déjabin, éditeur, « Gobet (sic), év. métrop. de Paris », 1791, reproduit dans Schaedelin ; profil gauche ressemblant au précédent, crayon du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, Paris, par Moreau, reproduit dans Gautherot ; lithographie, par Jules Porreau 1854, d’après un dessin de Vivant Denon, « sur la charrette 1794 », au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, Paris, reproduit dans Schaedelin.

Louis Kammerer (1988)