Skip to main content

GERSDORFF (GERSSDORFF) Hans von

Chirurgien-barbier (? vers le milieu du XVe siècle † Strasbourg vers 1530). ? Appolonia Mieg, fille d’Eucharius Mieg, commerçant à Strasbourg ; 2 fils, Johann et Damianus. Le surnom de Schylhans (Jean le Louche) que Gersdorff s’attribue lui-même a induit certains biographes à le considérer comme descendant d’une ancienne famille noble établie en Haute-Lusace portant également le surnom de «Louche». Aucun rapprochement généalogique n’a cependant pu être établi. Un barbier nommé Heinrich von Gersdorff avait acheté le droit de bourgeoisie à Strasbourg en 1450 ; lors du mariage de sa fille Else avec le barbier Hans von Kirppurg, ce droit fut accordé à ce dernier le 5 février 1471. Dans l’état actuel des connaissances, on doit admettre, selon Wickersheimer, avec vraisemblance la dérivation du patronyme à partir du nom du bourg fortifié d’origine de Goersdorf, en Basse-Alsace, d’où venait également le tuteur des enfants du chirurgien. D’après son propre témoignage, Hans von Gersdorff avait servi dans sa jeunesse comme chirurgien (ou aide) aux armées, auprès des troupes de la Basse Ligue durant la guerre contre les Bourguignons, qui finit avec la mort de Charles le Téméraire en 1477. Avec Maître Nicolas, appelé le Mulartzt, chirurgien du duc Sigismond d’Autriche, il assura le service sanitaire de l’armée strasbourgeoise à Granson, à Morat et à Nancy. Établi par la suite à Strasbourg, il fit état de 40 ans d’expérience en pratique chirurgicale vers la fin de la deuxième décennie du XVIe siècle. Il évoque en outre un nombre important d’amputations, pratiquées surtout à l’hospice des Antonites, spécialisé dans l’accueil des malades atteints d’ergotisme. Si Gersdorff garde un rang essentiel dans l’art de guérir, il le doit à la rédaction d’un traité dont l’importance est primordiale pour l’état de la chirurgie occidentale à la fin du Moyen Âge. Écrit en langue vernaculaire, l’ouvrage fut imprimé en automne 1517 à Strasbourg chez Jean Schott © en petit in-folio sous le titre : Feldtbuch der Wundtarzney. Sa place dans la prototypographie rhénane et son succès se confirment dans les rééditions ou traductions : en langue allemande, à Strasbourg (1526, 1540, 1542) et à Francfort (1551, 1578, 1606) ; en latin sous le titre : De chirurgie et corporis humani anatomia à Strasbourg en 1542 et à Francfort en 1551 ; en hollandais à Amsterdam de 1591 à 1651. À ceci, il faut ajouter l’intérêt documentaire des figures gravées sans doute par Hans Wächtlin. À deux d’entre elles, revient une place à part dans l’illustration anatomique, en regard du contexte des préjugés naguère encore impératifs à l’égard des dissections. Il s’agit de feuillets volants édités par Schott la même année 1517, dont les xylographies furent intégrées dans le traité. L’une représente assez grossièrement un squelette vu de face avec la nomenclature latine des os ; ceux du carpe, quoique signalés par la lettre sont absents. Sur l’autre gravure, les explications allemandes désignent les viscères thoraciques et abdominaux, accompagnés de coupes du cerveau dont elles restituent alors la première représentation graphique ; un texte en vers annonçait, en quelque sorte à titre publicitaire, l’incorporation du feuillet dans l’édition sous presse du livre de Gersdorff. L’ouverture du cadavre d’un pendu avait été pratiquée devant un public médical et chirurgical par le médecin Wendelin Hack von Brackenau. Regravée à partir de ce modèle dans une attitude de la vie, une planche montrant les points de saignée (Contrafacter Lassman 1517, f°s XIV et XlVa) induit la pratique chirurgicale proprement dite. Pour le « travail de la main » – différent de celui du médecin qui ne l’exerçait point, sont définies, en dehors des connaissances anatomiques indispensables, les qualités requises : intelligence, habileté, prudence, intégrité des mœurs, absence d’esprit de lucre. Suivent alors les chapitres relatifs au traitement des diverses blessures, aux fractures et luxations, aux abcès, aux manifestations cancéreuses, aux amputations, à la lèpre et aux autres manifestations cutanées. Une mention particulière revient au caractère de nouveauté des plaies par armes de feu. Dans les amputations, la peau était préalablement tirée vers le haut et maintenue par un bandage avant la section, pour être ramenée ensuite avec les parties molles sur la surface non cautérisée au fer, recouverte d’un emplâtre hémostatique et matelassée par des linges capuchonnés par une vessie. La croyance à la malignité de la poudre dictait des instillations douces d’huile de chanvre tiédie, d’infusions d’écorce de tilleul ou plus simplement des lavages à l’eau ; le projectile est à extraire « avec élégance et légèreté », après dilatation de la plaie par de la charpie ou au besoin après incision. Les plaies de la vessie étaient réputées mortelles. Assez sceptique vis-à-vis des potions narcotiques, Gersdorff fait cependant mention des éponges somnifères, mais condamne l’usage de l’opium dans l’anesthésie. Un intérêt exceptionnel revient à la cure des fractures, avec l’invention d’un appareil approprié pour l’extension ; dans les fractures ouvertes, une fenêtre est aménagée à travers le pansement. Si Gersdorff pratiquait la cautérisation en vue de l’hémostase, la ligature des vaisseaux lésés est remarquable pour l’époque. Outre le manuel opératoire en général, un effort documentaire précieux revient à l’arsenal instrumental figuré sur plusieurs planches didactiques. Enfin, la troisième partie du traité comprend un glossaire technique latin/allemand concernant l’anatomie et les lésions, ainsi que la récapitulation de la matière médicale presque exclusivement tirée du règne végétal, (recettes pour la préparation de pilules, pommades, emplâtres, etc.). Si pour les historiens un parallèle peut s’imposer entre la chirurgie de Gersdorff et celle de son contemporain H. Brunswick © (1497), aucun passage ne fait allusion à des relations personnelles. Les deux hommes ont en commun eu recours à Gui de Chauliac en anatomie, à l’usage de la langue vernaculaire et s’inspirent auprès de la tradition dogmatique médiévale, galénique et arabe. Mais ce qui distingue Gersdorff de son compatriote, dans cette école chirurgicale strasbourgeoise certes intimement liée à l’histoire du livre, c’est à la fois son génie inventif et son réalisme, l’extension des indications, le progrès reflétant une longue pratique et surtout la concision choisie dans les aspects didactiques de son œuvre destinée en premier lieu aux confrères des campagnes.

Archives municipales de Strasbourg, 1er livre de Bourgeoisie, 1450, n° 53 ; Chambre des contrats 5 fol. 15 et fol. 6 220 ; Comptes de l’Œuvre Notre-Dame, 1500-01 (dépenses ; Hans von Gersdorff der Scherer) ; Hoefer, NBG, t. 20, 1858, p. 274 ; A. Dechambre, Dictionnaire de biographie médicale, t. 8, 1882, p. 618-619 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 598-599 ; BiographischesLexikon hervorragender Aerzte vor 1880, Munich-Berlin, t. 2, 1962, p. 728-729 ; Neue Deutsche Biographie, VI, 1964, p. 322-323 ; G. von Gersdorff, Hans von Gersdorff, genannt Schielhans. Bürger und Wundarzt zu Strasbourg, 1966, multigr. 9 p. ; J. Steudel, Préface à la réédition du Feldbuch… Darmstadt, 1967, p. V-IX ; A. von Gersdorff, Medizin und erwachende Neuzeit. Der Wundarzt Hans von Gersdorff (ca. 1450 bis 1529), Diss. med. München 1976, multigr., 96 p., (Bibliographie) ; Dictionnaire de biographie française, XV, 1982, 1354 ; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984, p. 3361 ; Bibliotheca palatina, Katalog zur Austellung in der Heiliggeistkirche in Heidelberg, Textband I, p. 338, 339 ; Il p. 227, Heidelberg, 1986.

Théodore Vetter (1988)