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GAENSBURGER Jean

(pseudonymes : Claude ODILÉ et Jean MOREL), poète, romancier, (I) (★ Strasbourg 27.11.1881 d Strasbourg 2.12.1957).

Fils d’Isidore Gaensburger, négociant en textile, président du Consistoire israélite du Bas-Rhin de 1909 à 1913, président de l’École israélite du travail de Strasbourg de 1908 à 1928, président de la Société pour l’histoire des Israélites d’Alsace-Lorraine, issu d’une famille originaire de Günzburg an der Donau, en Bavière, et de Julie Dietisheim (★ Saint-Imier, canton de Berne, Suisse). ∞ 1.8.1922 à Strasbourg Suzanne Lindner, fille d’Albert Lindner, pasteur protestant aumônier de l’hôpital de Strasbourg, originaire de Wildersbach, près de Fouday, et de Sophie Eugénie Stamm ; il eut un fils, Jean-Louis (★ Strasbourg 1926), auquel un poème d’Adolphe Matthis a été dédié. Études au Gymnase protestant à Strasbourg. Gaensburger devint l’ami d’Ernst Stadler, de Robert Redslob et d’Armand Reuss, liens renforcés à la faculté des Lettres de Strasbourg pour Stadler, puis en Angleterre au cours de leurs communs séjours. Collabora à la Revue d’Art dramatique, Paris, 1902. En 1904 fréquenta le Mercure de France, où il rencontra Jean Schlumberger qui s’entremit pour qu’il pût publier à la NRF. La même année, il fut correspondant de la revue Das Magazin fur Literatur et y transposa des poèmes de Stadler. Il écrivit ensuite un article sur Henri de Régnier. Première série de conférences à Strasbourg au Civil-Kasino en 1908, seconde série de conférences sur les grands poètes romantiques en 1909. De 1910 à 1912, il fut lecteur de français à Saint-John’s Collège, Université de Cambridge. Des amitiés se forgèrent avec Frazer, Rupert Brooke, Chesterton. À Paris, pendant les années précédant la guerre, il croisa L. Pergaud. Fréquenta l’ancien Groupe littéraire de l’abbaye de Créteil, tous familiers de la maison de Lucien Descaves : Pierre-Jean Jouve, Jules Romains, Henri Martineau, directeur de la revue Le Divan, Jean Royère, directeur de la revue néo-symboliste La Phalange, Jean Variot. Gaensburger et Variot eurent un même compositeur : Maurice Fouret. Une longue correspondance s’établit avec John Antoine Nau, premier prix Goncourt, attribué en 1903. Ils ne se virent jamais. Une lettre de Nau à Gaensburger adressée à Paris en 1914 mentionne « Mon cher Odilé ». Delahache et Gaensburger se revirent. L’historien patriote était l’ami de son père Isidore et il fréquentait la maison paternelle. Rencontre probable avec Rilke, qui était secrétaire de Rodin dans les années 1906-1908 et qui séjournait souvent dans la capitale. En 1915 Gaensburger fut soigné au Festungslazaret, Thomasschule, Strasbourg. Il y trouva Henri Solveen. En 1916 rencontre en gare de Berlin avec son frère Alfred Gaensburger. En 1914 sa famille quitte l’Alsace pour la Suisse et séjourne à Nyon, puis Vevey, la mère de Gaensburger étant soignée à la clinique Mon-Repos au Mont-Pèlerin, au-dessus de cette dernière ville. Silence total autour des années 1914-1918 en ce qui concerne Gaensburger, excepté la rencontre en 1916 de Berlin ! En 1919, retour de Gaensburger. Il obtint une licence d’allemand à l’université de Strasbourg. Il créa la revue La Renaissance alsacienne, hebdomadaire illustré pour les écoles et les cours d’adultes, avec des suppléments en allemand. Son but était de diffuser la langue française. Cette revue cessa de paraître en 1922. En 1923 il fonda et dirigea la revue La Vie en Alsace, jusqu’en 1939. Dans les premiers temps La Vie en Alsace publia La Renaissance alsacienne. Gaensburger transposa en français les poésies des frères Matthis, dont il fut le vulgarisateur et ami. En 1926, les charmes de la région de Drachenbronn, des nouvelles sur un pays et les habitants de la localité de Seebach où Gaensburger avait souvent séjourné chez le peintre Kamm sont évoqués dans le Moulin des Sept-Fontaines. En 1927, parution d’un important roman, Les Quatre Musculus, saga d’une famille alsacienne déchirée par la guerre. Gaensburger consacra beaucoup de sa pensée au dialecte. Il nota en 1929 : « La langue que parle un peuple est plus importante que celle qu’il écrit », (La Vie en Alsace, p. 95). « Le pays traversé par mille courants contraires, déchiré comme le monde. La bourgeoisie et le peuple chez nous parlent un langage différent. Elle parle le français, le peuple le dialecte », (La Vie en Alsace, 1928). Dès 1929 dans le journal Le Temps, journal protestant, Gaensburger présentait les frères Matthis au public parisien, y donnant la transposition de M’r sin franzeesch. Il partagea avec Schickelé et Stadler son admiration pour nos poètes alsaciens. Dans Le Renard Prêchant, journal suivi de poésies et d’un roman, il retraça la chronique de trois générations de la Krutenau, satire sociale et politique (1930-31). En 1939, Truquorama, poèmes satiriques sur les surréalistes ; publication de recueil de poèmes Le Pilier des Anges, évoquant les mystères de la cathédrale et les légendes chères à l’Alsace. Ces poèmes sont considérés comme l’apothéose de son art poétique. La même année il acquit le château des Caris, près du village de Saint-André-et-Appelles en Gironde, le revendit en 1940 et se rendit propriétaire d’une maison, l’Oasis, proche de la commune. La guerre le marqua, ainsi que la disparition tragique de son ami le maire Jean Blondel, fusillé par les Allemands, pour faits de résistance. Il détenait de lui des cartes d’identité établies au nom de Morel. En février 1940, lors d’un bref séjour à Strasbourg, et grâce aux bons offices de son neveu Charlie Gaensburger, les archives de La Vie en Alsace et les livres de sa bibliothèque, avaient pu être expédiés en Gironde. La période 1940-45 fut une période de silence. Il publia dès 1946 Saint Crapaud ou les trois philosophes alsaciens, aux idées pacifistes, expression de sa foi. Il traduisit Die Nacht et Am Abend zu singen de H. Solveen. En 1948 édition du Testament strasbourgeois, journal tenu pendant la guerre. En 1949, Petites légendes d’Alsace, transposition de légendes et contes populaires d’Alsace. En 1953-54, parution d’Alsace et poésies médiévales, illustré par C. Hirtz. En 1955 adaptation des Contes choisis des frères Grimm. En 1956 littérature touristique, domaine déjà exploré en 1934, 1935 et 1950. Gaensburger fit également des émissions littéraires à Radio-Strasbourg, notamment L’Atelier du poète, où il transposait en français des chefs-d’œuvre de lyriques allemands et anglais : Keats, Shelley, Theodor Storm, William Blake (émission diffusée le 2 juin 1953 et le 23 janvier 1954, publiée dans Saisons d’Alsace, illustrée par C. Claus). Poète, conteur et romancier des deux frontières, il a su faire revivre les légendes, le charme des forêts d’Alsace, de ses villages et de ses habitants. Son œuvre symbolise les tendances germaniques et latines de notre province. Il mettait tout son espoir dans une Union européenne qui bannissait le retour de guerres fatales à l’homme.

Chants, Poèmes, Paris, 1912 ; Prélude, 1912 ; Les Christs d’argent, Paris, 1913 ; Les Noces d’Ariel, Bruxelles, 1914 ; La fiancée de Zellenberg et autres légendes alsaciennes, Strasbourg, 1923 ; Lunaires, Paris, 1925 ; Moulin des Sept-Fontaines, Strasbourg, 1926 ; Les quatre Musculus, Strasbourg, 1927 ; Les quatre Musculus. Les drames de la conscience alsacienne, Paris, 1928 ; Le Renard prêchant, t. 1, Strasbourg, 1930; Le Renard prêchant, t. 2, Strasbourg, 1931 ; La vie et l’art merveilleux des frères Matthis, Strasbourg, 1931 ; Nouveaux lunaires, Paris, 1933 ; Strasbourg et sa région, Grenoble, 1934 ; Alsace, Paris, 1935 ; Lunaires en gerbes et Fées du Rhin, Strasbourg, 1937 ; Pilier des Anges, Paris, 1939 ; Boomerang, Strasbourg, 1939 ; Truquorama, Paris, 1939 ; Peintures de L.-Philippe Kamm, Strasbourg, 1946 ; Le Pilier des Anges, Strasbourg, 1946 ; Saint Crapaud ou les trois philosophes alsaciens, Strasbourg, 1946 ; Pilier des Anges et autres légendes d’Alsace, Paris, 1948 ; Testament strasbourgeois, Paris 1948 ; Petites légendes d’Alsace, Strasbourg, 1949 ; Sonates pour l’âme de J.-S. Bach, Strasbourg, 1950 ; En passant par l’Alsace, Paris, 1950 ; Alsace et poésie médiévale, Strasbourg, 1953-54 ; Paul Weiss un poète du Ried, Woerth, 1955 ; Contes choisis des frères Grimm, transposés par Gansburger, Strasbourg, 1955 ; Les Fontaines d’Alsace par J. Lefftz, transposition, Woerth, 1955 ; Constellation poétique, Strasbourg, 1955 ; Marines et campagnardises, Strasbourg, 1956 ; Strasbourg, aspects connus et inconnus, Strasbourg, 1956 ; La Chanson d’Alsace, Strasbourg, 1957.

A. Matthis, Claude Odilé – 8 mars 1935, Strasbourg, 1935 ; C. Schneider, « Le Pilier des Anges », Goetheanum, 35, 1956, p. 396-398 ; A. Fischer, « À la mémoire de Claude Odilé », Élan, 1958, n° 4 ; C. Hirtz, « Claude Odilé, poète, animateur et chroniqueur », et C. Claus, « Claude Odilé vivant », Saisons d’Alsace, 1958, n° 9 ; C. Kany, « Le poète et son destin », Saisons d’Alsace, 1958, n° 9 ; M.-Y. Reichlin, « La dernière porte, À Claude Odilé, l’ami parti », Saisons d’Alsace, 1958 n° 9 ; J.-P. Klein, « Musée historique : Louis Philippe Kamm, portrait de Claude Odilé, portrait d’Isidore Gaensburger », Musée de Strasbourg, 1979, n° 7, p. 8 ; Dictionnaire de biographie française, XV, 1982, 1105 ; Encyclopédie de l’Alsace, IX, 1984, p. 5649.

Jeannine Gentzbourger (1988)