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FUSTEL DE COULANGES Numa Denis

Historien (★ Paris 18.3.1830 † Massy, Essonne, 12.9.1889).

Fils de Hippolyte Bertrand Fustel de Coulanges, lieutenant de vaisseau en retraite (1795-1831) et d’Adélaïde Honorine Queulain, fille d’un industriel de Cambrai. ∞ 28.8.1856 Blanche Hermine Julienne Desmarquet. Fustel de Coulanges doit son instruction au dévouement de son grand-père qui le plaça dans une institution où il put suivre les classes du lycée Charlemagne. Il entra en 1850 à l’École normale supérieure et fut attaché au service de la bibliothèque. Il apprécia l’œuvre de Guizot et accepta l’influence de ses maîtres Adolphe Chéruel et Jules Simon. Membre de l’École française d’Athènes en 1853, reçu à l’agrégation en 1857, professeur aux lycées de Limoges et d’Amiens. Docteur ès lettres en 1858. Sa thèse latine sur le culte de Vesta annonce les idées défendues dans La Cité antique. La thèse en français sur Polybe ou la Grèce conquise par les Romains montre comment l’esprit d’un Grec était disposé à se laisser convaincre et comment Rome faisait ses conquêtes au deuxième siècle avant J.-C.
Après avoir enseigné au lycée Louis-le-Grand, il fut nommé à Strasbourg et chargé de faire deux cours hebdomadaires d’une heure. À cette époque, un seul professeur d’histoire enseignait dans les facultés. Ce plus jeune historien universitaire prononça sa leçon inaugurale sur la constitution de l’unité nationale en France le 1er décembre 1860. Il rencontra à Strasbourg un excellent accueil : « c’est d’ailleurs la ville la plus instruite de France après Paris », écrivit-il en 1861. À la faculté, seulement une douzaine d’étudiants préparaient la licence. Les cours publics du samedi finirent par attirer près de trois cents auditeurs et auditrices qui lui offrirent en octobre 1868 une médaille en témoignage d’estime. Il traita de la « Cité antique » de novembre 1862 à juillet 1863 puis transforma son cours en livre. Le manuscrit fut prêt à l’impression en février 1864. Gustave Silbermann © imprima 660 exemplaires aux frais de l’auteur qui déboursa 1843,40 F., mais cet ouvrage le rendit célèbre. À partir de 1865, Fustel de Coulanges envisagea de retourner à Paris. Il n’avait jamais pu s’attacher définitivement à la province. Il précisa sa pensée quatre ans plus tard : « La province a du bon, mais encore n’en faut-il pas abuser. Je crains de m’endormir ; je deviens paresseux… Personne avec qui causer. On échange des nouvelles, mais des idées jamais ». Lorsqu’en 1870 une place devint vacante à l’École normale supérieure, des amis, parmi lesquels on cite Victor Duruy, patronnèrent sa candidature. Il fut nommé le 28 février. La guerre de 1870-1871 amena l’historien à prendre position sur le sort de l’Alsace. Il répondit le 27 octobre 1870 au professeur Mommsen de Berlin qui avait adressé trois lettres au peuple italien publiées par la presse milanaise, puis réunies en brochure, sur le retour de l’Alsace à l’Allemagne. Fustel de Coulanges posa la question « L’Alsace est-elle allemande ou française ? ». Dans sa réponse, il avança, entre autres, une argumentation largement reprise depuis lors : « La patrie, c’est ce qu’on aime. Il se peut que l’Alsace soit allemande par la race et le langage : mais par la nationalité et le sentiment de patrie, elle est française. Et savez-vous ce qui l’a rendue française ? Ce n’est pas Louis XIV, c’est notre Révolution de 1789 ». Dès le 18 octobre Fustel de Coulanges avait demandé « à Messieurs les ministres du culte évangélique de l’armée du roi de Prusse » de s’abstenir de critiquer les mœurs des Français ou d’associer Dieu aux entreprises belliqueuses. Le 1er janvier 1871, la Revue des deux Mondes publia son écrit sur « la politique d’envahissement : Louvois et M. de Bismarck ». Il affirma que la politique de conquête était surannée et vaine. Ces publications expliquent l’invitation faite à l’auteur de se rendre à Strasbourg en février 1872 où il évoqua la figure de Colbert et sa politique. Membre de l’Académie des Sciences morales et politiques en 1875 au fauteuil de Guizot. Chargé du cours d’histoire du Moyen Âge à la Sorbonne en décembre 1878. La chaire d’histoire médiévale fut créée pour lui le premier janvier 1879. Après avoir assumé la direction de l’École normale supérieure (1880-1883), il enseigna à nouveau à la Sorbonne. Pour s’être intéressé aux questions religieuses, il passa pour être clérical. Il rappela à la fin de sa vie « je ne suis à la vérité ni pratiquant, ni croyant ». S’il accepta des funérailles religieuses, c’est que né dans la religion catholique, il professait que « le patriotisme exige que si l’on ne pense pas comme les ancêtres, on respecte au moins ce qu’ils ont pensé ». Bien que Pron ©, préfet du Bas-Rhin, se fût opposé à sa nomination dans la Légion d’honneur en 1867, à cause de ses mauvaises opinions politiques, il fut nommé chevalier en 1868.

Paul Guiraud a dressé la liste des œuvres de Fustel de Coulanges dans l’ouvrage qu’il a consacré à l’historien en 1896 (cf. infra). Il faut y ajouter les Leçons à l’impératrice sur les origines de la civilisation française que fit paraître en 1930 Pierre Fabre ©, petit-fils de l’historien. La lettre aux aumôniers de l’armée prussienne et la réponse à Mommsen ont été éditées dès 1870 dans L’Alsace est-elle allemande ou française ? Réponse à Mommsen, Professeur à Berlin, par M. Fustel de Coulanges, ancien professeur à Strasbourg. Ces écrits ont été repris dans les Questions historiques, préparées en 1893 par Camille Jullian où l’on trouve également le texte sur La politique d’envahissement : Louvois et M. de Bismarck ainsi que des réflexions sur la conception de l’histoire confiées à la Revue des deux Mondes le 1er septembre. 1872 sous le titre « De la manière d’écrire l’histoire en France et en Allemagne depuis cinquante ans. Trois lettres inédites de Fustel de Coulanges », Revue d’Alsace, 1923, p. 291-294.

Registre des décès de Massy, 1889, n° 41 ; Feuilleton du Courrier du Bas-Rhin du 6 janvier 1865, présentation de la « Cité antique » par Auguste Schneégans © ; P. Guiraud, « Promotion de 1850 – Fustel de Coulanges », Annuaire de l’Association des anciens élèves de l’École normale supérieure, 1890, p. 23-33 ; P. Guiraud, Fustel de Coulanges, Paris, 1896 ; E. Labelle, Fustel de Coulanges, Paris, 1913 ; « Trois lettres inédites de Fustel de Coulanges », Revue d’Alsace, 1923, p. 291-294 ; Em. Plouth, « À propos du centenaire de Fustel de Coulanges », Revue d’Alsace, 1930, p. 105-110 ; J.-M. Tourneur-Aumont, Fustel de Coulanges (1830-1889), Paris, 1931 ; P. Fabre, Fustel de Coulanges, La Cité antique, extraits, notice biographique, notice littéraire et notice explicatives, Paris, 1945 ; Catalogue de l’Exposition Fustel de Coulanges aux Archives départementales du Bas-Rhin en 1964 avec une biographie par Fernand L’Huillier ; Inauguration d’une plaque sur la maison habitée 79 Grand Rue, par Fustel de Coulanges, texte de l’allocution prononcée le 31 janvier 1965 par M. le professeur L’Huillier, Université de Strasbourg, Bulletin d’informations, 1965, n° 2, p. 2-4. Note de Chr. Wolff sur Fustel de Coulanges dans L’intermédiaire des chercheurs et curieux, mars 1979, n° 336, p. 222-223 ; Dictionnaire de biographie française, XIV, 1979, 1465-1467.

Jean-Pierre Kintz (1988)