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FULRAD (FOLRAD)

Ecclésiastique (★ à une date inconnue † 16.7.784).

Fils de Riculf et d’Ermengarde. Issu d’une famille richement possessionnée dans le pays mosellan et sarrois – c’est à tort qu’on a attribué à Fulrad une origine alsacienne -, ce prêtre devint en 749 ou 750 abbé du très riche monastère de Saint-Denis, fonctions dans lesquelles il s’employa à consolider et à développer le temporel de cet établissement. En outre il y fit reconstruire l’église abbatiale qui fut consacrée en 775 et dont des fouilles ont permis de reconstituer le plan. Il fut par ailleurs premier chapelain de Pépin le Bref, ce qui faisait de lui le conseiller de ce souverain pour les affaires ecclésiastiques, et il joua de ce fait un rôle politique de premier plan. Ce furent lui et Burchard, évêque de Wurtzbourg, qui en 750 obtinrent à Rome l’adhésion du pape Zacharie au projet de Pépin le Bref, encore maire du Palais, de détrôner le dernier souverain mérovingien et de devenir roi à la place de ce dernier. En contrepartie de ce service capital rendu par la papauté, Pépin désormais roi, toujours conseillé par Fulrad, accorda son aide au pape Étienne II, le successeur de Zacharie, lorsque les Lombards voulurent annexer Rome et Ravenne qui appartenaient encore à l’empire byzantin. Pépin et Fulrad accueillirent alors, en 753, le pape qui fut hébergé à l’abbaye de Saint-Denis où fut préparée l’alliance, si riche de conséquences, entre les Carolingiens et la papauté. Fulrad participa ensuite, en 756, à la création de l’État pontifical sous la protection franque. Après la mort de Pépin en 768, Fulrad garda ses fonctions de premier chapelain auprès du roi Carloman et, après la disparition de celui-ci en 771, auprès de Charlemagne, mais il ne se consacra plus aussi directement à la politique, ce qui lui permit de réaliser un ambitieux programme qu’il méditait depuis longtemps. La partie orientale du royaume franc offrait en Mosellane (ancienne dénomination de la Lorraine), en Alsace et en Alémanie de vastes solitudes propices au monachisme qui, selon les croyances de cette époque, donnait à des âmes d’élite la seule possibilité de mener une existence conforme aux enseignements du Christ et d’affermir la foi chez les laïcs. Aussi Fulrad avait-il décidé d’y fonder une série de monastères. Il avait obtenu en son temps du pape Étienne II un privilège qui, pour les établissements prévus, écartait toute ingérence des évêques dans les diocèses desquels ils seraient situés, sage précaution si on songe au fait que bien des évêques ne se distinguaient pas par leur zèle. De leur côté les souverains le soutenaient totalement, car la cause de l’Église et celle du royaume ne faisaient qu’un. En 769 Charlemagne donna à l’abbaye de Saint-Denis le monastère déjà existant de Saint-Dié, afin qu’il servît de base de départ à Fulrad. Des six « celles » (petits monastères) que créa Fulrad, deux étaient situées en Alsace et retiendront ici notre attention, à savoir Saint-Hippolyte et Lièpvre. La première doit son nom aux reliques, données à Fulrad par un pape, d’un martyr romain, l’antipape saint Hippolyte. Le terrain avait été acquis d’un particulier par Fulrad encore du vivant de Pépin le Bref, avec d’autres biens situés dans la plaine ou au pied des Vosges. Pour relier cette « celle » au monastère de Saint-Dié, Fulrad obtint en 774 de Charlemagne que celui-ci lui donnât le val de Lièpvre. Fulrad y construisit la « celle » de Lièpvre à laquelle il confia des reliques de saint Cucufat, martyr honoré à Barcelone, et des reliques, ramenées de Rome par Fulrad, d’un martyr du nom d’Alexandre. Les six « celles » appartenaient à Fulrad un immense patrimoine privé. Dans son testament qu’il fit en 777 il précisa que tous ses biens iraient à l’abbaye de Saint-Denis après son décès. Lorsqu’il mourut en 784 les « celles » de Saint-Hippolyte et de Lièpvre devinrent ainsi propriété de la célèbre abbaye, de même que l’église de Widensolen qu’il avait fait édifier entre 777 et 784. Bien qu’ayant été le plus grand des abbés de Saint-Denis, Fulrad n’a jamais été considéré vraiment comme un saint par l’Église.

M. Dubruel, « Fulrad archichapelain des premiers rois carolingiens et abbé de Saint-Denis en France », Revue d’Alsace, t. 52, 1901, p. 139-152, 354-373, 517-540, et t. 53, 1902, p. 35-56 et 274-309 ; J. Fleckenstein, « Fulrad von Saint-Denis und der fränkische Ausgriff in den süd-deutschen Raum », dans G. Tellenbach, Studien und Vorarbeiten zur Geschichte des fränkischen und frühdeutschen Adels, Fribourg-en-Brisgau, 1957, p. 9-39 ; Chr. Wilsdorf, « Les destinées du prieuré de Lièpvre jusqu’à l’an 1000 », Annuaire de la Société des amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1963, t. XIII, p. 120-134 ; M. Ehrhart, « À l’occasion du douzième centenaire de la mort de Fulrad 784-1984 », Société d’histoire du val de Lièpvre, 10e cahier, 1985, p. 21-22.

† Christian Wilsdorf (1988)