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FRIES Laurent (PHRIES, PHRIESS, FRISE, PHRYSIUS)

Médecin, géographe, astrologue (★ peut-être vers 1485 en Souabe † 1531/32?).

∞ 1520 Barbe Thun, fille d’Ambroise Thun, vitrier et bourgeois de Strasbourg, par laquelle il obtint le droit de bourgeoisie le 23 octobre 1520. D’après les rares observations personnelles de Fries, retrouvées tout au long de ses ouvrages, son enfance se serait déroulée en Souabe, où il reçut sa première instruction d’un curé chez qui il logeait. Il est impossible de déterminer à quelles universités il a étudié. Il note simplement que tout bon médecin doit avoir étudié à une université célèbre comme Vienne en Autriche, Pavie, Plaisance ou Montpellier. Ce qui l’attirait, c’étaient les sciences naturelles, la physique et l’astrologie. Après avoir été peut-être promu maître ès arts à Vienne en Autriche, il aurait passé sur les bancs de la faculté de Médecine à Vienne ? puis à Montpellier, « où fleurissait la noble science médicale » (Spiegel f° 25). On admet qu’il y obtint le grade de docteur, auquel il aimait ajouter le grade de docteur en philosophie naturelle. Par l’Allemagne il vint à Colmar, où d’après une déposition faite en 1525 devant le magistrat de Strasbourg, « il déclara habiter fin 1528 au couvent des Augustins à Colmar » (Öhlschlegel p. 24).

Le médecin

Il exerça son art dans ce couvent, dont le prieur, Diebolt Voegelin était l’un de ses amis. Il soignait les malades que le prieur admettait dans l’infirmerie du couvent. Il entreprit alors de populariser la médecine grâce à des publications en langue vulgaire. Le 1er septembre 1518 il publia en allemand sonœuvre maîtresse sur la médecine interne, Le Miroir de la Médecine, sous le titre, Spiegel der Artzny, dédié à Johann Dingler de Sélestat et qui connut 8 rééditions de 1519-1546. Il a voulu faire un « miroir dans lequel pussent se contempler à la fois les malades et ceux qui s’arrogent le pouvoir de les guérir », (G. Schmidt, p. 15). Le Spiegel der Artznei est divisé comme de coutume en Theoretica c’est-à-dire les bases théoriques et en Practica, dans laquelle il décrit les maladies et leur thérapeutique. Ce livre est basé sur la conception moyennageuse et scolastique de la médecine et sur Avicenne, médecin arabe, célèbre par son Canon de la Médecine : c’est donc la première encyclopédie médicale et Fries se pose ainsi en vulgarisateur de la médecine, comme Luther l’a été pour la religion en traduisant la Bible. Dans cet ouvrage, Fries fait allusion (selon Ôhlschlegel p. 25) à son Syphilistraktat, qu’il aurait écrit entre 1514-1518 ? et qui aurait été imprimé par Grüninger en 1518, écrit en allemand pour le grand public et en latin pour les hommes de l’art sous le titre, Epitome opusculi de curandis pustulis, ulceribus, doloribus morbi Gallici. La syphilis était apparue vers la fin du XVe siècle en Alsace, amenée par les troupes de Charles VIII revenant d’Italie, maladie redoutable, parce qu’inconnue jusque-là. Fries avec Hutten et Wendelin Hock proposèrent des remèdes. Plus tard (1530) Fries opta pour le traitement par le bois de guaiac. À Colmar serait aussi né le manuscrit Wildbadtraktat, qui représente un des premiers écrits en allemand du début du XVIe siècle sur les sources naturelles en Allemagne du Sud et en Alsace (Öhlschlegel, p. 25). Mais en mars 1519, souffrant du manque de considération de la part de ses concitoyens de Colmar qu’il traita de « grossiers personnages », Fries vint s’établir pour six ans à Strasbourg qu’il ne quitta que huit mois pour Fribourg en Suisse, où il accepta le poste de Stadtphysikus. Strasbourg sera marqué par une intense publication d’ouvrages de médecine et de géographie. En 1519 sont imprimés chez Grüninger le Traktat der Wildbäder (24 juillet 1519) et Synonyma und gerecht usslegung der Wörter (29 novembre 1519), selon Öhlschlegel : c’est un lexique de certains termes qu’un médecin doit connaître avec pour chacun, le mot en latin, en grec, en hébreu, en arabe et en allemand. Il marqua par là un pas fondamental en médecine. En 1523 parurent en même temps en allemand, Ein kurzer bericht wie man die gedechtniss wunderbarlichen stercken mag, et en version latine, Ars memorativa, un traité sur la mémoire, où il exposait quelques théories qui permettent de fortifier la mémoire. Dans l’introduction il avait développé son manifeste humaniste : « de par la grâce de la sainte imprimerie, les livres jusqu’alors attachés à des chaînes dans les couvents ont été délivrés et ont été rendus accessibles » (J. M. Friedrich). Mais Fries s’intéressa à la même époque aussi à la géographie.

Le géographe

À la demande de Grüninger, il fit publier une nouvelle et très belle édition de la Géographie de Ptolémée, Claudii Ptolemaei Alexandrini mathematicor principis, opus geographie noviter castigatu emaculatu additionibus… (12 mars 1522). Il y reprit les données cartographiques de Martin Waldseemüller et de Matthias Ringmann et esquissa 51 cartes, dont la dernière fut une des premières où le nouveau continent découvert par Christophe Colomb, porte le nom America. Cette géographie renferme encore bien d’autres gravures représentant des scènes de la vie quotidienne des différentes contrées du globe. Puis à partir des cartes de Waldseemüller qu’on pouvait coller sur une toile, il représenta pour le peuple une petite carte marine des divers pays du monde et expliquait comment on pouvait la lire (Grandes figures de l’Humanisme alsacien, p. 99). Le 7 septembre 1525, ce fut donc, l’Usslegung der Mercathen oder Carta Marina. Là encore, Fries se révéla un vulgarisateur de connaissances.

L’astrologue

Dès Strasbourg, Fries témoigna aussi de l’intérêt pour l’astrologie, car cette discipline faisait partie intégrante de la médecine à cette époque. Fries disait par exemple que « la syphilis est due à une mauvaise conjoncture des astres ». Il fut ainsi l’auteur en 1520 d’un ouvrage de défense de l’astrologie : Eine kurfze Schirmred der Kunst Astrologie… auch etliche Antwurt uff die Reden und Fragen Martini Luthers. Fries y répond aux attaques de Luther contre l’astrologie, parues dans ses Dix Commandements. Il fut aussi l’auteur de nombreux présages. Mais progressivement le climat devint de plus en plus tendu à Strasbourg, à cause du problème religieux. Fries et ses amis, dont Murner, se firent harceler sans arrêt. Voyant la majorité de la population stras- bourgeoise adhérer à la Réforme, Fries résilia son droit de bourgeoisie le 11 mai 1525, et se dirigea alors vers Trèves selon Öhlschlegel (p. 41) pour mettre son art médical au service de la ville, où il demeura au moins 2 ans. C’est ici qu’il retrouva Henri Agrippa de Nettesheim, docteur en théologie, droit et médecine. À Trèves il acheva en avril un ouvrage resté à l’état manuscrit, s’étendant sur les années 1522-1527, intitulé, Introductorium et Astrologia Judiciaria (1527), dédié à Johannes III von Metzenhausen qui devint archevêque de Trèves en 1531. Cet ouvrage représente la somme de ses expériences, efforts et connaissances en tant qu’astrologue ; c’est un ouvrage didactique. En février 1528 il rencontra à Colmar, où il était de passage, Paracelse ; dès juillet 1528, Fries se trouva à Saint-Dié, puis à Metz avant la fin de l’année, où il reçut un accueil favorable. Il se lia d’amitié avec de nombreux notables et particulièrement il trouva un puissant protecteur en la personne du maître échevin Nicolas de Heu, qui l’accueillit en son hôtel particulier et lui installa un observatoire. Cette aide lui fut très profitable, car ses talents d’astrologue le rendaient suspect aux autorités religieuses, tant catholiques que protestantes. Avec la protection du maître échevin, il était intouchable. Fries y publia en allemand un pronostic du temps. D’autres présages suivront en 1529, 1530, 1531. Ici naquit aussi en octobre 1528 en français, Syderaldivinement ou Pronostique astrologique pour l’an 1529, dédié aux sénateurs de la ville de Metz. Fries offrit à de Heu pour son 32e anniversaire, le 14 novembre 1528, un horoscope manuscrit, dont un exemplaire est conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. Sa notoriété médicale ne fut cependant pas oubliée à Metz : ainsi a-t-il dû composer un régime de santé à l’intention de Robert de Monréal, abbé d’Echternach, entre 1527-1530 et sa renommée fut telle, que lors d’une épidémie de suette anglaise, maladie inconnue, l’évêque Guillaume de Strasbourg demanda à Fries de rédiger un traité sur cette fièvre anglaise et les moyens à mettre en œuvre pour la combattre. Il annonça le traitement dans l’important traité, Sudoris anglici exitialis pestiferique morbi ratio, praeservatio et cura (octobre 1529), à savoir : « des bains de sueur ainsi que des potions sudorifiques » et il expliqua aussi comment se préserver du mal, à la fois par la salubrité de l’air, une nourriture saine et en évitant la promiscuité. En août 1530, Fries prit de plus une part active à la querelle entre opposants et partisans de la médecine arabe ; même son ami Paracelse jeta le Canon d’Avicenne dans le feu de la Saint-Jean à Bâle en 1527. Le crédit de la médecine arabe s’amoindrit certes au XVe siècle. Mais Fries prit la défense d’Avicenne dans la Defensio medicorum principis Aviciennae ad Germaniae medicos (1530). La date exacte de la mort de Fries ne nous est pas connue. Toutefois dans une lettre datée du 23 juillet 1530, Fries demanda à Dieu de le prolonger encore un peu : « Lasst mich Gott eine kurtze zeit leben ». Par ailleurs, Otto Brunfels, dans la préface de la dernière édition du Spiegel, datée du 14 mai 1532, rapporte que Fries a jugé utile de la corriger avant sa mort. Il serait donc mort en 1532. En conclusion nous dirons avec Ch. Schmidt, que si on veut appeler Fries un humaniste, « il faut prendre ce mot dans un sens un peu différent : il a tâché d’humaniser les laïcs en les instruisant, et d’humaniser la science en la mettant à la portée de tous ».

Jöcher Lexikon, 2, 1750, col. 765 ; Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, 42, 1883, p. 81 ; Ch. Schmidt, « Laurent Fries de Colmar, médecin, astrologue, géographe à Strasbourg et à Metz », Annales de l’Est, Nancy, 1890, p. 521-575 ; idem, Répertoire bibliographique strasbourgeois, Strasbourg, 1893-95, p. 70, 72-74, 76, 84, 87, 92, 94, 97, 100, 101, 103, IV, p. 41, VII, p. 92 ; K. Sudhoff, » Laurentius Fries, kein Niederländer », Verhandlungen deutscher Naturtorscher und Ärzte, 1898, p. 70 ; K. Sudhoff, « Lorenz Friesens Weltkarte in zwölf Blättern aus dem Jahre 1525 », Nord-deutsche Allgemeine Zeitung, Berlin, 41, 1902, n° 56 ; K. Baas, « Studien zur Geschichte des mittelalterlichen Medizinalwesens in Colmar », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 52, 1907, p. 230-234 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 533-534 ; L. Thorndike, A history of magic and expérimental science, New-York, London, Vol. 5, 1941, p. 430-438 ; E. Wickersheimer, « Laurent Fries et la querelle de l’arabisme en médecine (1530) », Les cahiers de Tunisie, 9, 1955, p. 96-103 ; E. Wickersheimer, « Deux régimes de santé, Laurent Fries et Simon Reixchwein à Robert de Monréal, abbé d’Echternach de 1506 à 1539 », Zeitschrift für Luxemburgische Geschichte, 10, 1957, p. 58-71 ; L. Bagrow, « Fragments of the Carta Marina by Laurentius Fries, 1524 », Imago mundi, 14, 1959, p. 111 f ; E. Wickersheimer, Neue Deutsche Biographie, V, 1961, 609 ; J. Benzing, « Bibliographie der Schriften des Colmarer Arztes Lorenz Fries », Philobiblon. 6, 1962, p. 121-140 ; H. Binder-Johnson, Carta Marina. World geography in Strassburg, 1525. On the « Carta Marina » of Johann Grüninger and the Usslegung der Mercarthen oder « Carta Marina » of Lorenz Fries, Minneapolis, 1963 : E. Zinner, Geschichte und Bibliographie der astronomischen Literatur in Deutschland zu Zeiten der Renaissance, Stuttgart, 1964 ; E. Wickersheimer, « Le Guaiac à Strasbourg au XVIe siècle », Annalecta Medico-Historica, Oxford, 1966, p. 55-66 ; H. Tribout de Morembert, « Laurent Fries réfute Martin Luther, Brève défense de l’art d’astrologie (1520) », Annales de l’Est, 24, 1972, p. 127-152 ; Kosch, Deutsches Literatur-Lexikon,5, 1977, col. 738-739 ; « Au service de la connaissance de l’homme et du monde : Laurent Fries », Grandes figures de l’Humanisme alsacien, p. 98-99, 1978 ; G. Baader, « Medizinisches Reformdenken und Arabismus im Deutschland des 16 Jhr. », Sudhoffs Archiv, 63, 1979, p. 261-296 ; Dictionnaire de biographie française, XIV, 1979, 1295 ; J.-M. Friedrich, Laurent Fries, médecin, astrologue et géographe de la Renaissance à Colmar, Strasbourg et Metz, thèse de médecine, Strasbourg, 1980, F. Marcoux, « Laurent Fries, médecin et humaniste de la Renaissance », Annales de l’Académie d’Alsace, 1981, n° 26-27, p. 16-22 ; R. Ch. L. Öhlschlegel, Studien zu Lorenz Fries und seinem Spiegel der Arznei, thèse de médecine, Tübingen, 1985, multigr., 192 p.

Georgette Krieg (1988)