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FISCHART (FISCHAERT, FISCHARTUS, FISCHER, PISCATOR) Johann Baptista Friedrich

… genannt Mentzer (Mentzerius) (au moins une trentaine d’anagrammes de ses initiales J.F.g.M. ou de pseudonymes, p. ex. Jove fovente gignitur Minerva, etc., ou J. Artwisus von Fischmentzweiler, Huldrich Elloposkleros Reznem, Jesuwalt Pickhart, etc.).
Juriste, écrivain et publiciste (Pl) (★ Strasbourg 1546/ début 1547 au plus tard † très probablement à Forbach, Moselle, entre le 19.3.1590 et le 28.2.1591). Fils aîné des six enfants de Hans Fischer genannt Mentzer de Trèves, riche marchand d’épices, devenu bourgeois de Strasbourg le 29 avril 1527 († 1561), et de sa 2e femme Barbara Kürmann, fille de Johann Kürmann de Werden, marchand d’épices d’origine colonaise, devenu bourgeois de Strasbourg le 24 janvier 1520, et d’Anna Meyer. ∞ 1.11.1583 à Woerth/Sauer Anna Elisabeth Hertzog, fille du chroniqueur et bailli de Wœrth Bernhart Hertzog © et d’Elisabeth Breitenacker, fille de Wolfgang Breitenacker ©: un fils et une fille morts probablement sans descendance avant 1630. Sa sœur Anna ∞ 10.6.1567 à Strasbourg l’imprimeur Bernhard Jobin ©. Fischart commença ses études au Gymnase de Strasbourg. Après la mort de son père et le remariage de sa mère (1562) il fut confié à son parrain Caspar Scheidt, recteur de l’école latine de Worms, probablement originaire de Haguenau. Celui-ci avait travaillé plusieurs années chez l’imprimeur Jean de Tournes à Lyon et initia le jeune Fischart à la langue et à la littérature française. Une épidémie de peste ayant enlevé en 1565 Scheidt et sa famille, Fischart quitta Worms et entreprit un long périple studieux qui le conduisit aux Pays-Bas, puis à Paris (1565-1567), où il fréquenta les milieux huguenots, les cours de la faculté des Arts et probablement ceux du Collège des lecteurs royaux et assista à des disputes en Sorbonne. Il passa ensuite en Angleterre et séjourna environ de 1568 à 1569 en Italie, particulièrement à Sienne, où il suivit les cours de droit et acquit probablement le baccalauréat utriusque juris. De retour à Strasbourg, il semble y avoir poursuivi à l’Académie de Jean Sturm © ses études juridiques qu’il couronna le 10 août 1574 par son doctorat en droit à l’Université de Bâle. Sa carrière de poète et de polémiste commença en Alsace en 1570, où il noua une fidèle et fructueuse collaboration avec son beau-frère l’imprimeur Bernard Jobin et le peintre-graveur Tobias Stimmer © arrivé cette année à Strasbourg. Liés par une amitié indéfectible et présentant une complémentarité idéale, ces trois hommes contribuèrent dans une très large mesure à la renaissance des lettres et des arts qui caractérise l’Alsace dans le dernier tiers du XVIe siècle. Puis de 1580/81 à1583 Fischart séjourna à Spire, où il fut avocat stagiaire à la Chambre impériale (Reichskammergericht) et où il fit probablement la connaissance de sa future belle-famille Hertzog. Grâce à Egenolf III de Ribeaupierre ©, tuteur de Johann IV de la branche luthérienne des Hohenfels-Reipoltskirchen, détenteur partiel des deux tiers de la seigneurie de Forbach, fief du duché de Lorraine, grâce peut-être aussi à la recommandation de son beau-père, Fischart obtint très probablement en 1583 le poste de bailli (Amtmann) à Forbach, qu’il garda jusqu’à sa mort précoce, bien que l’exercice de cette charge ait fortement freiné pendant les quatre premières années l’activité littéraire de celui qui fut, en cette fin du XVIe siècle, l’écrivain le plus productif de la littérature allemande.
L’œuvre de Fischart qui comprend une centaine de titres, dont quelques-uns en plusieurs éditions, est à la fois polémique et satirique-moralisatrice. Dans le conflit religieux qui déchirait l’Europe, Fischart choisit avec passion le camp protestant et pourfendit avec ardeur le catholicisme. Sa polémique se situe rarement au niveau de la doctrine, mais plutôt à celui des institutions et des mœurs du clergé. Dans ses feuilles volantes ou ses pamplets plus développés il s’en prend à la papauté(Gorgoneum caput, 1576; Malchopapa, 1577), aux Capucins et aux Dominicains (Der Barfüsser Secten und Kuttenstreit, 1570; Von St.Dominici und St.Francisci artlichem Leben und grossen Greueln, 1571), et surtout aux Jésuites, auxquels il voua une haine tenace (Nachtrab oder Nebelkräh, 1570; Fides Jesu et Jesuitarum, 1573; Beschreibung des vierhörnigen Hütleins, 1580).
De la même veine mordante sont ses adaptations des pamplets anti-papaux de Philippe Marnix de Sainte-Aldegonde, Binenkorb des heyligen Römischen Imenschwarms, 1579, et de Jean Calvin ©, Der heylig Brotkorb der hellrömischen Reliquien, 1583. Face aux évènements politiques, économiques, sociaux et scientifiques, Fischart apparaît sous un double aspect; d’une part, un patriote soucieux de la prospérité et de l’indépendance de sa cité et de l’Empire, d’autre part, un journaliste à l’affût de toute nouveauté. Conscient du danger que courait sa ville natale engagée aux côtés des protestants contre les puissances catholiques, il célébra l’exploit des Zurichois arrivés en moins d’un jour par bateau à Strasbourg avec leur bouillie de mil encore toute chaude(Das glückhaft Schiff von Zürich, 1576/77), et accueillit avec enthousiasme l’alliance conclue douze ans plus tard par Strasbourg avec Berne et Zurich (Ordentliche Beschreibung welcher Gestalt die Büdniss… der… .freien Stätt Zürich, Bern und Strassburg… ist…vollzogen worden, 1588). Curieux de tout évènement sortant de l’ordinaire, Fischart fut, avant la lettre, un véritable journaliste dont le «photographe» était le graveur Tobias Stimmer. Il décrivit la nouvelle horloge astronomique de la cathédrale (Aigentliche Fürbildung… des… Uhrwerks zu Strassburg, 1574) et fut tour à tour correspondant de guerre (lorsqu’il rendit compte des guerres de religion en France, des batailles entre Lorrains et mercenaires protestants, des évènements politiques français, en particulier de 1588 à 1590, dans un sens nettement favorable aux huguenots), journaliste à sensation, (relatant des prodiges, pluies d’objets divers, des phénomènes cosmiques, apparitions de comètes et météores, des naissances monstrueuses, mise au monde de deux porcelets par une femme juive) et, enfin, «grand reporter» (lorsqu’il rendit compte des voyages d’exploration vers le grand Nord d’où une expédition anglaise ramena des Esquimaux: Merckliche Beschreibung… eynes frembden… Volcks, 1578). Cependant, l’intérêt majeur de l’œuvre de Fischart réside dans ses écrits satiriques qui ont fait de lui le «Rabelais alsacien». La Affentteurliche und ungeheuerliche Geschichtschrit vom… Gargantoa, 1ère éd. 1575 (2e et 3e éditions fortement augmentées, 1582 et 1590, s.l.t. Affentheurlich naupengeheurliche Geschichtklitterung) est une traduction assez fidèle, agrémentée de longues digressions, du Gargantua de Rabelais, où il donne libre cours à sa verve et à sa fantaisie. Comme Rabelais, Fischart combat avec une ironie cinglante tout ce qui est contre nature, tout ce qui n’est pas conforme aux mœurs honnêtes, toutes étroitesse d’esprit et absence de tolérance (cf. aussi sa préface à la Disputatio de Mino Celso, 1583, et ses ajouts aux poèmes de Sebastian Franck © Bewärung und Erklärung des uralten gemeynen Sprüchworts: Die Gelehrten, die Verkehrten, 1583). Bien que dans sa préface Fischart se soit défendu de promouvoir le libertinage en appelant les choses par leur nom, il ne put empêcher le pasteur luthérien orthodoxe Joh. Faber © de critiquer son Gargantoa du haut de la chaire de Saint-Thomas, ce qui ne fit d’ailleurs qu’en accroître la vente. Une langue drue et rude, un vocabulaire qui selon l’habitude du temps se complaît souvent dans la grossièreté, sont mis au service d’un but moralisateur, d’une imagination débordante et d’une virtuosité verbale inégalée. Fischart critique encore les travers de ses contemporains dans l’Eulenspiegel reimensweiss (1572), expose ses idées fort sensées et élevées sur la vie conjugale et sur l’éducation des enfants dans le Philosophisch Ehzuchtbüchlein (1578) et dans l’Anmanung zu christlicher Kinderzucht (1578), fait l’éloge de la vie simple dans le Podagrammisch Trostbüchlein (1577), manifeste son intérêt pour la musique dans l’Artliches Lob der Lauten (1572), se divertit en collaboration avec Mathias Holzwart © dans le burlesque de la chasse aux puces: Fleh Haz, Weiber Traz (1573 et 1577), et persifle la crédulité astrologique de son temps dans Aller Practick Groszmutter (1572 et 1574), bien que lui-même ait partagé, sauf quelques légères restrictions, la croyance aux sorcières, comme le montre sa traduction de la Démonomanie de Jean Bodin, De magorum daemonomania. Von auszgemasznen wütigen Teufelsheer der besessenen unsinnigen Hexen (1581). Par son style et sa virtuosité Fischart marque déjà le passage de la Renaissance au Baroque. Il est, par-là, en étroite communion avec son ami Tobias Stimmer, un maître du maniérisme de ce que l’on a appelé parfois «l’école de Strasbourg» de la fin du XVIe siècle.
Œuvres de Fischart: répertoire encore utile donnant les éditions du XVIe au XIXe siècle dans K. Gœdeke, Grundriss zur Gesch. der deutschen Dichtunt, t. II, 2. Aufl., Dresden, 1886, passim, surtout p. 489-505 (repr. 1955); liste chronologique plus complète des éditions et rééditions du XVIe siècle par P. Hi(lle), «Fischart», Deutsches Literatur-Lexikon, begr.v. W. Kosch, 3. Aufl., t.V (1978), col.48-54, donnant aussi col. 48-49 une sélection de ses pseudonymes, et col.54-56 un choix de rééditions partielles et d’adaptations en allemand moderne des XIXe et XXe siècles. – Parmi les rééditions: Sämtliche Dichtungen, hsg.v. H. Kurz, 1866-1867, 3 vol.,; Dichtungen, hsg.v. K. Gœdeke, 1880 (repr. 1974); Werke. Eine Auswahl, hsg.v. A. Hauffen, 1895, 3 vol.; Geschichtklitterung (Gargantua)…, 1590. Mit einem Glossar hsg.v. U. Nyssen, Düsseldorf, 1963-1964, 2 vol. (avec reproduction du portrait de 1607); Geschichtklitterun…, 1575, 1582 &1590, hsg.v. H. Schnabel, 1869, éd. synoptique en 2 vol.
Bibliographie sur Fischart (environ 300 titres): jusqu’en 1960, Schottenloher, Bibliographie zur deutschen Geschichte im Zeitalter der Glaubensspaltung 1517-1585, I, n°6189-6310; V, n°46272-46283; VII, n°54577-54581 (par généralités et mots matières); la plus récente Hi(lle), art. cit., col.56-64 (par grandes rubriques méthodiques). Quelques articles et travaux d’ensemble; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t.1, 1909, p.499-500; P. Besson, Étude sur Jean Fischart, Paris, 1889, rend encore bien des services, mais est de loin dépassé par Adolf Hauffen, Johann Fischart. Ein Literaturbild aus der Zeit der Gegenreformation, Berlin, Leipzig, 1921-1922, 2 vol., fruit des nombreuses recherches de détail de l’auteur (voir le compte-rendu détaillé de V. Moser, Zeitschrift für deutsche Philologie, 51 (1926), p.496-542). Cf. aussi H. Sommerhalder, Johann Fischarts Werk. Eine Einführung, Berlin, 1960; G. Bebermeyer, Neue Deutsche Biographie, V (1961), p.170-171; F.-J. Fuchs, «Jean Fischart, auteur de Gargantua, chantre du peuple et de la cité», Grandes figures de l’humanisme alsacien, Strasbourg, 1978, p.109-114; Roland Oberlé, Fischart et son temps: la Basse Alsace dans la 2e moitié du XVIe siècle, Strasbourg, 1978 (Annales du CRDP Strasbourg: le portrait p.6, fig.6, est celui du jurisconsulte francfortois Johann Fichard (1512-1583), avec lequel Fischart a plus d’une fois été confondu); St.Janson, Jean Bodin-Johann Fischart. De la démonomanie des sorciers (1580) – Vom auszgelasznen wütigen Teuffelsheer (1581) und ihre Fallberichte, Frankfurt a/M., Bern, Cirencester (1980); E. Kleinschmidt, «Gelehrtentum und Volkssprache in der frühneuzeitlichen Stadt. Zur literaturgesellschaftlichen Funktion J. Fischarts in Strassburg», Lili. Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik, 10 (1980), p.128-151; Fl. M. Weinberg, «Fischart’s Geschichtklitterung. A questionable reception of Gargantua», Sixteenth Century Journal, 13, 3 (1982), p.23-35; P. Honnegger, Die Schiltburgerchronik und ihr Verfasser Johann Fischart, Hamburg, 1982 (discuté); V. Moser, Schriften zum Frühneuhochdeutschen, hsg.v. H. Stopp, Heidelberg, 1982, 2 vol. (en bonne partie consacré à Fischart); R.M(atzen), Encyclopédie de l’Alsace, V, 1983, p.3001-3002 (avec portrait redessiné au XIXe siècle); J. Dentinger, 2000 Jahre Kultur am Oberrhein. Dichter und Denker des Elsass, Mundolsheim, 1977, p.140-148 (avec portrait); J. Dentinger, L’âge d’or de la littérature en Alsace, Mundolsheim, 1986, p. 191-200 (avec portrait).
Portrait: gravé peut-être par Christoph Maurer vers 1580, paru en tête de l’édition du Ehzuchtbüchlein de 1607 (Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg).

Roland Oberlé (1988)