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ECCARD Frédéric

Avocat, homme politique alsacien, (PI) (★ Munster, Haut-Rhin, 2.8.1867 † Genève 21.10.1952).

Fils de Frédéric Charles Amédée E., propriétaire à Munster (★ Munster 1840 † Munster 1878), et de Marie Elise Steinbrenner, fille de Jean-Paul Steinbrenner (★ Wasselonne 5.10.1810 †Munster 31.5.1881), pasteur à Munster, président du Consistoire de Munster. Petit-fils de François Frédéric Eccard, médecin à Strasbourg et d’Elisabeth Baumgarten. ∞ I 30.6.1914 à Asnières Germaine Duval-Flartmann, épouse divorcée de Saussure, décédée le 22.3.1920 à Strasbourg ; ∞ II 15.3.1922 à Saint-Gervais Anne Baumgartner, fille d’Antoine Baumgartner, professeur de théologie protestante à Genève (1858-1938). Etudes : Lycée de Colmar, Faculté de Droit de Strasbourg (1886-90), Faculté de Droit de Paris (1890-94), thèse allemande, thèse française. Stages de référendaire en Droit à Bonn, Munster (Westphalie) et Strasbourg (1894-97). Inscrit au barreau ; associé du bâtonnier Adolphe Riff © lorsque celui-ci fut élu au Reichstag. Il prit sa succession lorsque Riff racheta l’étude notariale de Loew et abandonna le barreau.

Il s’associa ultérieurement avec le fils d’Adolphe Riff, Paul Riff, dans ce qui fut l’un des plus grands cabinets d’affaires du barreau de Strasbourg. Avec Haug, Frey, il collabora à la Revue Alsacienne Illustrée. S’étant marié en juin 1914, à Asnières, la déclaration de guerre le surprit pendant son voyage de noces en Angleterre. Il s’établit à Paris et travailla comme expert et consultant sur les questions d’Alsace-Lorraine auprès des Ministères français et des groupes d’intérêts qui se constituèrent. Il fut en particulier le secrétaire de l’Association des industriels français touchés par les séquestres allemands sur les biens et intérêts français en Allemagne et en Alsace. Il fournit plusieurs études pour la Conférence d’Alsace-Lorraine, prit part à un service de documentation sur l’Allemagne dirigé par Henri Lichtenberger ©. Plusieurs publications virent le jour pendant ces années. La plus importante est son Alsace sous la domination allemande publiée en 1919. Cet ouvrage tranche par la précision de la chronologie, l’ampleur et la sûreté de l’information, la modération du jugement sur la production des « nationalistes » français de l’époque. Son orientation est caractéristique : il insiste peu sur le catholicisme politique et sur le socialisme alsaciens. Eccard inaugure ainsi les principaux thèmes de l’historiographie bourgeoise alsacienne dans une œuvre historique qui a affronté à son avantage les épreuves du temps. De retour en Alsace, E. fut nommé président du Tribunal régional de Strasbourg (1918), pour en démissionner en mai 1919. Il accepta alors sa nomination à une chaire à la Faculté de Droit de Strasbourg. Il participa à la fondation, avec Charles Frey, Fernand Herrenschmidt, Hugo Haug, Willy Brion, Henri Levy, du parti républicain démocratique (libéral de droite). Alors que Frey, le véritable dirigeant du parti, se présenta à la députation, E. fut présenté comme sénateur sur la liste du Bloc National constitué avec l’UPR ; il fut élu le 11.1.1920. Eccard, qui obtint le départ de Maringer fut un des plus fermes soutiens du Commissariat général d’Alapetite, avec qui il collabora étroitement : il fut le rapporteur habituel au Sénat des grandes lois d’introduction de la législation française en Alsace et, à ce titre, le répondant de la Commission spéciale du Conseil consultatif d’Alsace- Lorraine siégeant sous la présidence du député de la Moselle, Robert Schuman, rapporteur devant la Chambre des Députés. Il s’efforça de trouver un juste milieu entre la pression des administrations centrales françaises qui petit à petit centralisaient sur Paris leurs services déconcentrés au Commissariat général et la nécessité de conserver à l’Alsace-Lorraine un statut particulier touchant principalement à l’instruction publique et aux cultes ainsi qu’aux assurances sociales. Le rôle d’E. trouva son point d’appui dans les fonctions qu’il exerçait comme bâtonnier du barreau de Strasbourg reconstitué (1922-24) et comme membre du Consistoire et du Directoire de l’Eglise de la Confession d’Augsbourg, où il siégeait avec son ancien associé, Adolphe Riff, principal artisan de la réintégration de l’ECAAL dans l’ordre juridique français. La victoire du Cartel des gauches ne convint évidemment pas à Eccard qui vit disparaître du gouvernement ses anciens interlocuteurs, et au contraire ses adversaires politiques socialistes Weill et Peirotes jouir d’une influence qu’il jugea néfaste. Comme l’Eglise catholique, l’ECAAL condamna les tentatives du gouvernement Herriot d’introduire les lois républicaines laïques en Alsace-Lorraine. E. désapprouva formellement la suppression du Commissariat général, le refus du gouvernement Herriot de prendre en compte un projet de loi Colrat-Schuman prévoyant le maintien d’un Commissariat général et d’un Conseil Consulta- tif d’Alsace.

Remarié avec une Genévoise, la vie d’Eccard fut dès lors rythmée par les déplacements Strasbourg-Paris-Genève. Il fut réélu sénateur sur une liste de Bloc national (avec Diebolt-Weber ©, Jean de Leusse ©, le Chanoine Eugène Muller ©) aux sénatoriales de janvier 1927. Il entra alors à la Commission des Affaires Etrangères du Sénat. Il adhéra en 1924 à « l’Entente anti-communiste internationale » constituée à Genève et peu à peu sa pensée se laissa envahir par un anti-communisme qui atrophia ses qualités de jugement et sa lucidité : l’autonomisme alsacien et le communisme semblent désormais inséparables à ses yeux, de même que l’Allemagne et l’URSS (Reichswehr et Armée Rouge). Le bolchévisme paralyse la France, écrit-il dès juin 1932. Il le répéta à satiété jusqu’après 1936. Est-ce cette coupure progressive d’avec les réalités alsaciennes, une certaine exagération dans des positions de « grand notable français », collaborateur régulier de la Revue des Deux Mondes et du Journal des Débats, qui amenèrent ses collègues du Parti républicain démocrate à vouloir se séparer de lui ? En 1935, c’est à un rang exposé sur la liste sénatoriale qu’il fut placé par Charles Frey lui-même, avec Urban et G. Schlumberger. Il échoua dès le 1er tour avec 180 voix sur 1000.

Eccard avait gardé un appartement à Strasbourg où vivait sa mère, habituée aussi de la société du Hohwald, constituée des Mathis, du professeur Redslob, de Weber-Schlumberger et des invités prestigieux des grandes villas de montagne. Elle décéda en 1935.

Il fut membre de conseils d’administration, dont celui de Rhin et Moselle. En outre, E. participa étroitement aux travaux du Comité alsacien d’Etudes et d’information dont le président était de Witt-Guizot, maire d’Ottrott et le secrétaire général Jules-Albert Jaeger. En 1932, E. assura la présidence de sa Commission de l’Etranger et à ce titre accomplit différentes missions. En 1938 à Paris, celle-ci se transforma en Institut d’Etudes Européennes de Strasbourg avec comme président le Recteur honoraire Charléty, et vice- présidents M. de Witt-Guizot et l’ambassadeur Clauzel. Cet Institut publia les revues mensuel- les Rhin-Danube-Baltique, Allemagne contemporaine, une revue de presse quotidienne Informations européennes et finança les causeries radiophoniques de ses éditorialistes à Radio-Strasbourg et à divers autres émetteurs comme Radio-Luxembourg. L’Institut fut replié dans le Jura lors de la déclaration de guerre. De septembre 1939 à juin 1940, Eccard accomplit plusieurs missions dans les départements où l’on avait évacué les Alsaciens, ainsi qu’à Strasbourg, puis après l’armistice se retira définitivement à Genève.

 

Parmi les études de F. Eccard, citons « La Constitution de l’Alsace-Lorraine » et « L’organisation administrative de l’Alsace-Lorraine » dans la Revue alsacienne illustrée en 1906 (p. 19-27) et 1907 (p. 1-9) et surtout L’Alsace sous la domination allemande, 1919. Texte d’une conférence faite en 1926 au Musée Social, à Paris, Pour une politique alsacienne et lorraine. Témoignages biographiques dans Le Livre de ma vie, Paris- Neuchâtel-Strasbourg, 1951, portrait et liste des ouvrages (préface d’Albert Schweitzer) et Mes carnets 1939-1940. Avec les Alsaciens évadés en Périgord, Strasbourg, 1952.

Comité alsacien d’études et d’informations, Frédéric Eccard, 1867-1952, Strasbourg, 1952 (portraits) ; Dictionnaire des Parlementaires, V, 1968, p. 1615 ; F. G. Dreyfus, La vie politique en Alsace, 1919-1936, Paris, 1969, voir index p. 322 ; EA, 1983, p. 2608.

François Igersheim