Artiste-peintre, graveur, illustrateur, sculpteur. (★ Strasbourg 6.1.1832 † Paris 23.1.1883).
Fils de Pierre Louis Christophe Doré, ingénieur des Ponts et Chaussées († 1848) et d’Alexandrine Marie Anne Pluchart († 1881) ; célibataire.
Doré vécut à Strasbourg jusqu’à l’âge de dix ans. Les montagnes des Vosges, hérissées de sapins et de ruines féodales, la beauté et la monumentalité de la cathédrale en même temps que les hautes toitures strasbourgeoises aux multiples lucarnes le marqueront pour toute sa vie et constitueront les accessoires de ses compositions. Autodidacte et très précoce, il illustra dès l’école primaire ses cahiers de dessins qui firent l’admiration de ses professeurs. En 1841 son père fut muté à Bourg-en-Bresse où le jeune Doré entra au lycée. Lors d’un séjour à Paris, en 1847, Doré fut engagé à quinze ans au Journal pour rire par Charles Philipon tout en continuant ses études au lycée Charlemagne. En 1848, Doré peignit son premier tableau représentant un Pêcheur amarrant sa barque avant la tempête et débuta au Salon avec deux dessins. La même année il perdit son père. Sa mère s’installa alors à Paris. À partir de 1851 Doré se consacra à l’illustration d’ouvrages célèbres de la littérature mondiale : Dante, Cervantès, Rabelais, Lord Byron, Balzac. En même temps il commença à s’intéresser à la peinture et peignit douze toiles d’un réalisme social très poussé intitulées Paris tel qu’il est. En 1857 il exposa dix peintures au Salon et reçut la mention honorable pour la Bataille d’Inkerman. Vers la même époque il commença à voyager entre autres en Suisse (1853 et 1879), Espagne (1855 et 1862), Tyrol et Italie (1860), séjour à Baden-Baden (1862), Angleterre (1865 et surtout à partir de 1868), sans oublier plusieurs séjours en Alsace notamment en 1868 pendant lesquels il dessina entre autres le Mont Sainte-Odile, les ruines de l’abbaye de Niedermunster et la Chapelle Saint-Nicolas toute proche. À partir de 1859 Doré devint l’illustrateur du Second Empire et de sa politique. Promu chevalier de la Légion d’Honneur en 1861, Napoléon III invita Doré en 1864 pendant une dizaine de jours à Compiègne, invitation qui consacra la réputation mondaine de Doré. Lorsqu’en 1868 Doré fit son premier voyage en Angleterre il fut aussitôt considéré comme un des très grands artistes français. On ouvrit pour lui la Doré Gallery à Londres où on exposa ses œuvres jusqu’en 1892.
Pendant la guerre de 1870-1871, Doré s’engagea comme garde national. Ce conflit lui inspira plusieurs tableaux patriotiques : la Marseillaise, le Chant du départ, le Rhin allemand, l’Aigle Noir, l’Énigme. Pendant la Commune Doré se réfugia avec sa mère à Versailles où il se livra à ses premiers essais de sculpture. Il initia plus tard à cet art Sarah Bernhardt avec laquelle il composa la décoration plastique de l’Opéra de Monte-Carlo, œuvre de Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris. Il exécuta également les dessins d’un monument dédié aux trois Dumas dont il ne vit plus l’exécution et l’érection, place Malesherbes. Pendant un voyage en Ecosse, en 1873, il fit ses débuts dans la technique de l’aquarelle et devint membre cinq ans plus tard de la Société des Aquarellistes de Paris. En 1879 il fut nommé officier de la Légion d’Honneur. Malade du cœur depuis plusieurs années, il mourut à Paris en 1883 d’une crise cardiaque.
Très grand travailleur, Doré a illustré plus de cent vingt ouvrages. Il fut un virtuose du crayon et du lavis. Sa verve, finement satirique, sa science des effets de lumière font de Doré un artiste exceptionnel. Ses dessins ont une puissance d’évocation et une rigueur de composition extraordinaires. Théophile Gautier écrivit de lui : « Doré possède cet œil visionnaire… qui sait dégager le côté secret et singulier de la nature… son crayon vertigineux crée, en se jouant de ces déviations insensibles qui donnent à l’homme l’effroi du spectre, à l’arbre l’apparence humaine, aux racines le tortillement hideux des serpents… aux eaux de sinistres miroitements… » Quoique principalement dessinateur Doré s’exerça à toutes les techniques qu’un artiste de son temps avait à sa disposition. Après avoir débuté par la lithographie il s’attaqua à la peinture, puis, à partir de 1871, il pratiqua la sculpture et l’eau-forte et enfin l’aquarelle. « Le romantisme alsacien atteint son apogée et en même temps son point d’aboutissement dans l’œuvre de G. Doré. Le profond amour pour son Alsace natale lui dicte des vues presque réalistes qui s’inscrivent sans difficulté dans l’art alsacien » (R. Heitz).
Principales œuvres en plus de celles déjà signalées : Les Travaux d’Hercule (1847), Œuvres complètes de lord Byron (1853), les œuvres de Rabelais (1854), Contes drolatiques de Balzac (1855), La légende du Juif Errant (1856), Contes d’une vieille fille de Mme de Girardin (1856), Folies gauloises (1859), l’Enfer de Dante (1861), Aventures du Baron de Münchhausen (1862), Contes de Perrault (1862 et 1867), Mythologie du Rhin de Saintine (1862), Don Quichotte de Cervantès (1863), Atala de Chateaubriand (1863), La Bible populaire de l’abbé Drioux (1864), Mille et une Nuits (1865), Capitaine Fracasse de Gautier (1866), Paradise lost de Milton (1866), Les Fables de la Fontaine (1867), Purgatoire et Paradis de Dante (1868), le Christ sortant du Prétoire (peinture, 1872), Londres de Enault (1876), Parque et l’Amour (sculpture, 1877), Histoire des Croisades de Michaud (1877), Roland Furieux de l’Arioste (1878), la Madone (sculpture, 1880), le Corbeau d’E. Poe (publication posthume, 1883).
Bibliographie : Catalogue de vente de l’atelier Gustave Doré 10-15.4.1885, Paris, 1885 ; E. Ollier, Cassell’s Doré Gallery, Londres, 1886 ; B. Roosevelt, La vie et les œuvres de Gustave Doré… traduit de l’anglais, Paris, 1887 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 394 ; H. Leblanc, Catalogue de l’œuvre complète de Gustave Doré, Paris, 1931 ; Catalogue de l’exposition rétrospective Gustave Doré au Petit Palais, Paris, 1932 ; H. Haug, Gustave Doré. Catalogue des œuvres originales et de l’œuvre gravée conservés au Musée des Beaux-Arts de Strasbourg, 1954 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, IX, p. 468 ; Dictionnaire de biographie française, XI, 1965, 564-566 ; R. Metz, Les peintres alsaciens de 1870 à 1914, thèse de 3e cycle, Strasbourg, 1971 ; J. Adhemar et M. Frérebeau, Catalogue de l’exposition Gustave Doré, Paris, Bibliothèque Nationale, 1974 ; G. Forberg et G. Metken, Gustave Doré, das graphische Werk, Munich, 1975, 2 vol. (bibliographie p. 1520-1530) ; L’œuvre graphique de Gustave Doré, Paris, 1976, 2 vol. (préf. de G. Forberg) ; J. Damase, Gustave Doré, illustrateur, Paris, 1979. Catalogue de l’exposition Gustave Doré 1832-1883, Strasbourg, Cabinet des Estampes et Musée d’Art Moderne, 1983, 344 p. ; Encyclopédie de l’Alsace, IV, 1983, p. 2435-2442 ; F. Lotz, Artistes-peintres alsaciens de jadis et de naguère 1880-1982, Pfaffenhoffen, 1985, p. 148-151.
François-Joseph Fuchs (1985)