Professeur de droit canonique, (C) (? Bamberg (RFA) 30.7.1741 † Munich 8.10.1811) ; les indications de Sitzmann et Schulte dans Allgemeine deutsche Biographie sont erronées.
Fils d’Anton Ulrich Ditterich, avocat, et d’Eva Catharina Amend. ? 12.11.1771 à Strasbourg Marie Rose Acker, fille de François Paul Acker, membre du magistrat et d’Anne Marie Frick ; 5 enfants. Issu d’une famille de juristes universitaires. Un oncle de Ditterich, Johann Andreas Balthasar Ditterich, professeur de droit à l’Université de Bamberg, s’était distingué en 1756 comme ardent défenseur des privilèges pontificaux en droit ecclésiastique. Ditterich avait conclu ses études à Bamberg par une maîtrise en philosophie (1759) et s’était engagé dans l’ordre des Jésuites (14.9.1760). Il enseigna la grammaire et la rhétorique au collège de Wurtzburg, puis en janvier 1770 on le retrouve à Spire où, pour des raisons inconnues, il démissionna de l’ordre. En février 1770 Ditterich arriva à Strasbourg où il se fit immatriculer à la faculté de Droit, pratiquement en même temps que J. W. Goethe. L’année suivante (1771) il était déjà licencié in utroque jure, et fut aussitôt engagé par les princes de Salm-Salm comme conseiller (Hofrath). Si par ailleurs il exerçait les fonctions de conseiller secret (Geheimrat) du prince-évêque de Spire et d’avocat au Conseil souverain de Colmar, c’est en tant que premier titulaire de la chaire de droit canonique (1777-1791) à la faculté catholique de droit canonique qui venait d’être créée en 1776 que Ditterich est entré dans l’histoire. Pour apprécier l’activité scientifique et polémique de Ditterich, il y a lieu d’évoquer une bataille qui a marqué l’évolution juridique et politique européenne. En effet Ditterich a été le personnage clef du débat doctrinal et idéologique qui se développa à Strasbourg de 1770 à 1790. Face aux milieux « illuminés » et – ou – « philanthropes » dont ses condisciples juristes protestants (Frédéric de Dietrich ©, les frères Jean et Bernard de Turckheim ©, Blessig ©, Schlosser ©, P. Ochs ©, Franck © ou J. W. Goethe © sont les principaux animateurs, tous plus ou moins zélateurs des doctrines de Fébronius et des principes philosophico-politiques de Joseph II d’Autriche, Ditterich représentait le parti catholique orthodoxe, d’un ultramontanisme sans concessions. L’activité de Ditterich éclaire d’un jour nouveau le rôle joué à Strasbourg par J. W. Goethe : on sait en effet que la dissertation de Goethe sur le droit du souverain d’intervenir dans les questions religieuses avait été refusée pour des raisons politiques. On ignore par contre généralement que son condisciple Jean de Turckheim avait repris, en 1771 et en 1772, avec succès cette fois, le même thème en prouvant, dans une dissertation intitulée « De jure legislatorio Merovaeorum et Carolingorum Galliae regum circa sacra », que les souverains laïcs avaient légiféré en matière ecclésiastique. Goethe comme Turckheim justifiait par l’histoire du droit les opinions qu’au XVIIIe siècle Febronius, l’ordre secret des Illuminés et les partisans de Joseph II opposaient au droit canonique et aux privilèges du pape de Rome. Or, Ditterich, depuis sa nomination en 1777 à sa destitution en 1791 n’eut de cesse de réfuter ces théories. Chaque année il fit soutenir par les étudiants de la nouvelle Faculté épiscopale des travaux affirmant la prééminence pontificale romaine et les privilèges canoniques. En 1781 il y fit participer le prince évêque de Spire en personne. L’année 1787 l’étude de Ditterich « De regum francorum capitularibus » prenant très directement le contrepied de Goethe et de Turckheim sera défendue publiquement par un neveu du cardinal de Rohan, le prince Jules Louis Camille de Rohan-Rochefort © chanoine de la cathédrale. L’émotion soulevée dans les milieux de l’Aufklärung catholique des Allemagnes du sud et de l’Autriche fut grande et valut à celui que les gazettes intitulaient « l’exjésuite de Bamberg » une série de compte rendus très critiques, auxquels il n’a pas manqué de répliquer. De l’analyse de ces écrits il ressort que Ditterich et ses collègues de la erzkatholische université épiscopale de Strasbourg, François Philippe Louis © ou François Flenri Beck © étaient relativement isolés. La plupart de leurs collègues des universités et séminaires catholiques voisins étaient plus ou moins acquis à l’Aufklärung rationaliste dont l’empereur Joseph II d’Autriche réalisait l’idéal. À Strasbourg même le titulaire de la seconde chaire de droit canonique, François Antoine Brendel ©, ne cachait pas ses sympathies progressistes. Ni Ditterich, ni Louis, ni même F. H. Beck n’étaient des personnages absolument hors du commun : la plupart de leurs adversaires strasbourgeois étaient plus talentueux et bénéficiaient d’un réseau de relations et d’appuis puissants. Le rempart que Ditterich et les partisans de l’orthodoxie ultramontaine tentaient d’opposer à la vague réformiste se révélait bien fragile.
Au début de la Révolution, Ditterich avait été élu à la nouvelle municipalité (8.2.1790) et délégué au Conseil du département. Il refusa de prêter serment à la Constitution. L’Assemblée nationale à laquelle il avait été dénoncé en raison de ses activités au service du prince évêque de Spire, exigea sa suspension de toute fonction publique en mai 1790. Peu de temps après, le tribunal du district de Strasbourg décréta son arrestation, avec confiscation des biens, pour avoir tenu des propos séditieux, puis le condamna à 9 ans de déportation (juillet 1791). Mais déjà Ditterich avait pris la fuite. Pendant quelque temps il résida à Ettenheimmünster (Bade), puis à Munich où l’administration romaine, après l’avoir décoré de l’ordre du Christ, l’avait recommandée au prince électeur Charles Théodore de Bavière. Nommé en un premier temps conseiller à la cour avec promesse – qui ne se réalisa pas – d’une chaire d’enseignement, il fut anobli, en juillet 1792, et portait désormais le titre de Ditterich von und zu Erbmannszahl, régularisation d’une situation dont les membres de sa famille restés en Bavière avaient bénéficié depuis mars 1786. On confia à Ditterich des missions au ministère des Affaires étrangères et on le nomma membre du Collège des censeurs de la librairie.
Mais avec l’arrivée au pouvoir du prince électeur Max Joseph de Deux-Ponts et de son ministre le comte de Montgelas, le climat politique bavarois avait radicalement changé. Lorsqu’en 1798 Ditterich entra en conflit avec un de ses collègues censeurs, l’historien Lorenz Westenrieder, l’affaire se termina par le renvoi de Ditterich. La destitution de toutes les fonctions exercées en Bavière par Ditterich s’est jouée sur un arrière-plan d’histoire alsacienne. Le ministre Montgelas qui en 1785 avait été sanctionné pour son appartenance à l’ordre des Illuminés connaissait en effet Ditterich de longue date, puisqu’il avait été le condisciple de Ditterich à Strasbourg à la faculté de Droit.
Les dernières années de Ditterich furent marquées par une série de vexations administratives et une suite de malheurs familiaux.
L’œuvre de Ditterich ne comporte pas d’études d’un intérêt exceptionnel. En dehors des dissertations universitaires, parmi lesquelles les trois expressément dirigées contre Febronius (1779, 104 p.) méritent d’être particulièrement signalées, on notera trois titres intéressant l’historien. 1) Les Primae lineae juris publici ecclesiastici, 1776, premier essai, très précieux, de codification du droit ecclésiastique catholique alsacien, 460 p. ; 2) Historische Einleitung zu der Rechtsgelehrtheit, 1777, 31 p. ; 3) Compendium juris naturae, 1780, 258 p. L’activité journalistique de Ditterich tant en français qu’en allemand est encore trop peu connue et mérite une étude particulière. En tant que polémiste on connaît de lui, entre autres, une brochure : Encore une fois, qu’est-ce que le pape, env. 62 p., en langue allemande et française, serait plusieurs fois rééditée, Strasbourg, 1782, Vienne, 1784 etc.
Les notices dans Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 385 et Allgemeine deutsche Biographie, t. V, 1877, p. 262 sont trop sommaires ; à défaut d’une suite à l’excellente thèse de Louis Chatellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg, 1981, qui étudie la situation jusque vers 1770, les travaux de Joseph Gass, notamment Strassburger Theoiogen im Aufklärungszeitalter, 1917, sont toujours trés utiles ; la liste des travaux de Ditterich que J. Gass donne p. 266-273 peut être complétée par trois titres conservés à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg ; À Mgr de la Galaizière … 1784 ; Antwort… 1790 et Avis au Public, 1790.
Marcel Thomann (1985)