Négociant, ammeistre de la ville libre de Strasbourg (? Strasbourg 30.1.1620 † Strasbourg 9.3.1694).
Fils de Johann Dietrich ©. ? I 10.10.1647 à Strasbourg Ursula, fille de l’ancien ammeistre Johann Wencker. ? II ? à Strasbourg Margarita Kugler, veuve de Johann Wencker, junior. Fréquenta le gymnase de sa ville natale et put poursuivre les études après le décès de son père. Voyages en 1643 (Normandie, Val de Loire) ; études juridiques à Leyde (1644) et à Padoue (1646). Le suicide de son frère en 1654 le conduisit à abandonner la carrière administrative pour s’occuper de la maison de commerce familiale. Élu la même année au Grand Conseil, il fut coopté dès 1655 comme membre de la Chambre des XXI et devint directeur de la tribu (des métiers) de l’Échasse (métiers d’art et d’édition). Deux ans plus tard, il entra à la Chambre des XV et en 1659 à celle des XIII. Il fut investi de nombreuses fonctions, en particulier celle de la surveillance de l’imprimerie assumée auparavant par son beau-père. Scolarque de l’Université. Élu ammeistre en 1660 et réélu tous les six ans jusqu’en 1684 ; il n’a donc pas été le dernier ammeistre-régent de la ville libre du Saint-Empire. Il fut amené à défendre la politique de neutralité de la ville refusant d’une part le serment de fidélité à Léopold Ier dès 1659 et s’efforçant d’autre part de surveiller les initiatives de la cour de France représentée à Strasbourg par le délégué Frischmann. Dominique Dietrich fit partie de la délégation qui signa le 30 septembre 1681 la « capitulation » rattachant la ville au royaume. La monarchie favorisa une politique de conversion au catholicisme. Le gouvernement misa d’abord sur le rayonnement de la religion catholique et le principe du respect dû à l’autorité observé dans les milieux protestants (« modèle irénique ») ; il fut amené à vouloir briser l’opposition des classes dirigeantes (« modèle politique »). Dominique Dietrich fut victime de cette politique sans que l’on puisse discerner les motifs réels de ce choix : frapper le descendant fortuné d’un réfugié welche ? assouvir la haine d’Ulrich Obrecht, nouveau converti et nommé préteur royal eh mars 1685, dont le père avait été décapité pour avoir diffusé des libelles en septembre 1672 contre Dominique Dietrich accusé de vouloir livrer la ville au roi de France ? sanctionner l’ammeistre qui avait défendu en 1678 les intérêts de la ville face à Montclar, commandant des troupes françaises, et des résidents du roi de France ? Par une lettre de cachet du 24 février 1685, Dominique Dietrich fut mandé à Paris pour justifier la gestion des biens des hospices ; en réalité pour lui arracher une démission volontaire de sa charge ou pour l’obliger à se laisser instruire par Bossuet ? Ses refus provoquèrent l’irritation de Louvois qui fit exiler Dominique Dietrich à Guéret (20 juillet 1685 – 19 décembre 1687). Au père Tarade qui lui signala les conversions strasbourgeoises, le banni répondit par une profession de foi dans laquelle il précisa : « Je crois et reconnais que la religion évangélique, Confession d’Augsbourg, de façon dont elle est consignée dans notre Église, est conforme à la Parole de Dieu ». Autorisé à la fin de 1687 à retourner à Strasbourg, Dominique Dietrich refusa de prendre le chemin de Paris où « Louvois désirait lui parler », mais choisit la route de Moulins et de Besançon. Ce manquement au respect d’un ministre et les manifestations de sympathies strasbourgeoises expliquent un second exil de 22 mois à Vesoul (avril 1688-octobre 1689). À son retour, Dominique Dietrich fut consigné en sa maison jusqu’après la mort de Louvois. Au début de 1692, Barbezieux signifia à l’intendant d’Alsace que le roi permettait à Dominique Dietrich de sortir de Strasbourg « pour prendre l’air » et de fréquenter la paroisse. Dominique Dietrich est devenu le symbole de la résistance individuelle et religieuse aux prétentions unitaires de la monarchie durant cette période qui s’étend de la réunion de la ville au royaume (1681) à son rattachement définitif (traité de Ryswick en 1697).
Archives municipales de Strasbourg, registres paroissiaux, M 51 f 234 (n° 1 6) et M 52 f 17 (n° 30, mariage du fils Jean, mention du titre de scolarque de l’université porté par le père) et N 106 f 242 (? Saint- Nicolas) ; L. Spach, « Dominique Dietrich », Revue d’Alsace, 1857, p. 494-510 et 529-544 et 1858 p. 209-226 ; R. Reuss, Louis XIV et l’Église protestante d’Alsace, Paris, 1887, p. 222-223 ; R. Reuss, l’Alsace au XVIIe siècle, Paris, 1897-98, 2 t. (voir index, t. 2, p. 612) ; L Kübler, Dominius Dietrichs Tatigkeit im Dienste der Stadt Strassburg 1660-1666. Tirage à part de l’Elsässische Monatsschrift für Geschichte und Volkskunde, 1911, 32 p. ; H. Strohl, Le Protestantisme en Alsace, Strasbourg, 1 950, p. 207-211 ; P. Greissler, le patriciat urbain à Strasbourg 1650-1750, thèse d’histoire, Strasbourg, 1984, publ. en cours ; G. Livet, « L’exil à Paris, Guéret et Vesoul de l’Ammeister Dominique Dietrich (1685-1689). Contribution à l’histoire de l’Alsace et de Strasbourg à l’époque de la Révocation de l’Édit de Nantes (1685) », Saisons d’Alsace, La dynastie de Dietrich, 1986.
Hélène Georger-Vogt et Jean-Pierre Kintz (1985)