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DASYPODIUS

(DASIPODIUS : grécisation imparfaite, mais mieux sonnante de son vrai nom HASENFRATZ ; le nom Hasenfuss qu’on trouve dans un document strasbourgeois de 1533 n’est qu’une retraduction littérale ultérieure de la forme grecque ; toutes les autres hypothèses sur son nom original : Has, Hase, Häslein, Rauhfuss, Rethas, Tollfuss, etc., sont sans fondement) Petrus (Peter), maître d’école, professeur de grec à Strasbourg, lexicographe humaniste, (Pr). ★ Frauenfeld (Thurgovie, Suisse, ou dans les environs immédiats) 1500 (d’après Sebitz) † Strasbourg 28.2.1559. ∞ vers 1530 (Frauenfeld ?) Veronica N. de Zurich (encore en vie 23.7.1557) : deux filles, Anna et Judith, et deux fils, dont Conrad qui suit ©, et Théophile, étudiant à Wittemberg et Heidelberg, puis précepteur en France et en Italie du comte Otto von Solms- Laubach 1570-1577. Issu d’une famille domiciliée à Uesslingen près de Frauenfeld, il fit peut-être ses études secondaires à Zurich et est attesté de 1524 à 1527 comme chapelain de la prébende Saint-Michel à Frauenfeld sous le nom de Peter Hasenfratz (identité de son signet avec celui utilisé plus tard comme P. Dasypodius). De l’été 1527 à l’été 1530 il fut maître d’école au Frauenmünster de Zurich, où, au plus tard, il passa à la Réforme et se perfectionna en grec et en hébreu. De retour à Frauenfeld en automne 1530 comme prédicateur protestant et maître d’école, il écrivit une petite comédie scolaire avec chœurs, Philargyrus sive ingenium avaritiae, qui ne fut imprimée qu’en 1565 à Strasbourg. Très lié avec le Landvogt de Thurgovie, Philipp Brunner, partisan énergique de l’introduction de la Réforme, Dasypodius subit le contrecoup de la défaite des cantons protestants en octobre 1531 et se trouva de plus en plus isolé à Frauenfeld. Aussi accepta-t-il, sur les instances de Bucer © et d’Ambrosius Blaurer, de prendre en octobre 1533 à Strasbourg la succession d’Otto Brunfels © à la direction de l’école latine municipale installée dans l’ancien couvent des Carmes. L’enseignement qu’il y donna et la discipline qu’il y fit régner, furent tellement appréciés que lors de la réorganisation de l’instruction secondaire strasbourgeoise en 1538 on lui confia la classe de première du nouveau Gymnase (devenue celle de seconde lors du remaniement de l’automne 1540), et qu’en 1545 il passa du Gymnase à la Haute École pour donner les cours supérieurs de grec et fut nommé visiteur des écoles et remplaçant du recteur Jean Sturm © pendant les fréquentes missions diplomatiques de celui-ci. Il s’occupait aussi des élèves et étudiants suisses envoyés à Strasbourg pour surveiller leurs études et leur conduite. Après son Dictionnaire latin-allemand de 1535 et suiv. (voir ci-après) et peut-être les deux manuels scolaires Educatio doctrinae puerilis pour le latin (1538) et pour le grec (1541), il publia en 1539 chez Wendelin Rihel © un Lexikon graecoiatinum à l’usage des collégiens et des étudiants (Ritter n° 619). Le 27.9.1540 il devint chanoine de Saint-Thomas et fut élu doyen de ce chapitre le 27.3.1551, après avoir déjà rempli cette fonction depuis deux ans en remplacement de Bucer parti en 1549 en Angleterre. Enfin en 1556 il fit paraître un aperçu d’ensemble sur le Gymnase et la Haute École de Strasbourg, De schola urbis Argentoratensis. Au point de vue dogmatique il suivait la ligne bucérienne, et l’on a de lui encore une vingtaine de lettres adressées en majeure partie aux réformateurs de Zurich, Zwingli et Bullinger.

Il est surtout connu par son lexique latin-allemand : s’inspirant du Dictionarium de Calepino (1502) et surtout du Dictionarium seu linguae latinae thesaurus de Robert Estienne (1531), dont il adopta la disposition mi-alphabétique, mi-étymologique des mots, il rédigea à l’usage des écoles latines humanistes un Dictionarium latin-allemand, qui parut dès 1535 à Strasbourg chez Wend. Rihel et qui devait familiariser les élèves avant tout avec le vocabulaire de la latinité classique. Dès l’année suivante il le remania et le compléta par un lexique allemand-latin et par deux vocabulaires méthodiques, l’un en latin et l’autre en allemand. De ce fait son Dictionarium latinogermanicum et vice versa germanicolatinum marque le début de la lexicographie allemande moderne et est une des sources les plus utiles pour la connaissance du Frühneuhochdeutsch. L’ouvrage connut un succès grandissant dès 1537 la 3e édition augmentée se tirait à 3 000 exemplaires, comme on l’apprend par une plainte déposée par Dasypodius contre les imprimeurs strasbourgeois Albrecht © et Schott © qui voulaient en faire des contrefaçons. Il servit de base au Dictionnaire latin-néerlandais et vice versa d’Antonius Schorus, Anvers, 1542, et au Dictionnaire latin-tchèque et vice versa de Thomas Reschelius, Olmütz, 1560. On en a recensé 29 éditions pour le XVIe siècle et 4 pour le XVIIe, sans compter sa mouture catholique, le Dasypodius catholicus de Cologne 1634, qui connut dix éditions jusqu’en 1709 et servit lui-même de prototype au Dictionnaire latin-polonais et vice versa de Hünefeld, Danzig, 1642.

Actes le concernant aux Archives municipales de Strasbourg (entre autres N 245) et surtout aux AST, en particulier 324/23, en partie publ. par Marcel Fournier et Charles Engel, in Les statuts et privilèges des Universités françaises, T. IV, 1 : Gymnase, Académie et Université de Strasbourg, Paris, 1894 ; voir aussi [Wilh. Stieda], « Zur Geschichte des Strassburger Buchdrucks und Buchhandels » in Archiv für Geschichte des deutschen Buchhandels, 5 (1880), p. 88-93.

Bibliographie : M. Sebitz, Strassburgischen Gymnasii Jubelfest. Appendix chronologica, Strassburg, 1641, p. 294 ; L. Hirzel, « Petrus Dasypodius », Neues Schweizerisches Museum, 6 (1866), p. 128-175 ; M. Erdmann, « Petrus Dasypodius », Jb. f. Gesch., Sprache u. Lit. Elsass-Lothringens, 12 (1896), p. 199-200 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909 I, 349-350 ; G. Büeler, « Der Familienname des Petrus Dasypodius », Thurgauische Beiträge zur vaterländischen Geschichte, 57/58 (1918), p. 172-176 ; G. Büeler, Petrus Dasypodius (Peter Hasenfratz). Ein Frauenfelder Humanist des XVI. Jahrhunderts, Frauenfeld, 1920 ; A. Knittel, Die Reformation im Thurgau, Frauenfeld, (1929), spéc. p. 343 et suiv. ; R. Verdeyen, « Petrus Dasypodius en Antonius Schorus », Koniklijke Vlaamsche Academie voor taal- en letterkunde. Verslagen en mededelingen, déc. 1939, p. 967-1132 (aussi à part, Liège, Bruxelles, 1940) ; Neue Deutsche Biographie 3 (1957), p. 520 ; Bopp I, n° 920 ; Deutsches Literatur-Lexikon, 3. Aufl., t. 2 (1969), col. 999-1000 ; A. Schindling, Humanistische Hochschule und freie Reichsstadt. Gymnasium und Akademie in Strassburg 1538-1621, Wiesbaden, 1977, passim ; Encyclopédie de I’Alsace, 4 (1983), p. 2275.

Le Philargyrus a été republié dans G. Büeler, P. Das., op. cit., p. 57-71 ; W. Scherer, « Petrus Dasypodius als Dramatiker », Archiv für Geschichte deutscher Sprache und Dichtung, 1 (1874), p. 487-496, et E. Bernoulli, « Johannes Fries der Altere, Petrus Dasypodius und Aegidius Tschudi, drei musikfreundliche Humanisten », Zwingliana, 4 (1924), p. 211-218.

L’édition de 1536 de son Dictionarium a été reproduite anastatiquement avec une préface par G. de Smet, Hildesheim, New York, 1974 ; voir le relevé des éditions du XVIe siècle dans Franz Claes, Bibliographisches Verzeichnis der deutschen Vokabulare und Wörterbücher gedruckt bis 1600, Hildesheim, New York, 1977, p. 90-91, n° 341 etc., et la liste un peu moins complète, mais avec descriptions plus détaillées pour le XVIe et le XVIIe siècles dans R. Verdeyen, op. cit. ; cf. aussi Sylva Wetekamp, Petrus Dasypodius, Dictionarium latinogermanicum et vice versa. Untersuchungen zum Wortschatz, (Göppingen), 1980, et Frédéric Hartweg, « Literarische Schriftsprache und Lexikographie des Frühneuhochdeutschen : S. Brant – P. Dasypodius », Jahrbuch für internationale Germanistik. Reihe A., Bd. 8, 2, p. 424-430.

Le De Schola a été republié dans Hirzel, art. cit., p. 168-174, et dans Fournier & Engel, op. cit., p. 67-70, n° 2018. Ses lettres ont été publiées avec traduction allemande dans Büeler, P. Das., op. cit., p. 31-42 et 43-56, et republiées dans Zwingli, Briefwechsel, t. V, 1935, p. 201-202 et 231-232, ou sont en cours de republication dans Bullinger, Briefwechsel, t. 2, 1982 et suiv.

Jean Rott (1986)