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CHARIETTO

( ? – janvier 366). Comte des deux Germanies en 365. Barbare rallié à Rome, probablement francsalien, fameux par sa haute stature, son courage et sa ruse, sur lequel nous sommes renseignés par Ammien Marcellin (Histoire, XVII, 10, 5 et XXVII, 1, 2-6) et par une longue notice, très apologétique, de l’historien grec Zosime (Histoire nouvelle, III, 7). Zosime fournit un récit très détaillé des exploits de Charietto en 358, lors de la campagne de Julien contre les Chamaves, appelés Quades, qui avaient occupé la Batavie, entre les deux bras du Rhin, et en avaient chassé les Francs Saliens. A la tête d’une bande de brigands, il s’était spécialisé, à Trèves, dans les attaques de nuit contre les Barbares qui traversaient le Rhin. Il offrit ses services de pillard nocturne au César Julien qui, dans ses œuvres, évita toujours de mentionner cette étrange alliance, qu’Ammien Marcellin eut aussi la pudeur de taire. Zosime, écrivain du Ve siècle, a moins de scrupules et lui fait gloire d’avoir ainsi capturé le fils du roi ennemi et d’avoir aidé Julien à obtenir la reddition des Barbares Chamaves. Ammien Marcellin fait mention d’un autre service rendu par Charietto en cette même année 358, cette fois contre le roi alaman Hortarius, qui était établi au Sud du Main et qui avait fait partie de la coalition de rois battus à Strasbourg en 357. Charietto captura un jeune alaman qui servit de guide à l’armée romaine ; dans cette mission, il fut associé au tribun des Scutaires Nestica (officier de la garde barbare du prince), mais il n’eut aucun titre officiel puisque Ammien le qualifie seulement « d’homme à la bravoure extraordinaire » (XVII, 10, 5). L’armée s’avança derrière le guide et Hortarius finit par être réduit à merci.

Ces services méritaient récompense et Charietto fut nommé, à une date inconnue, comes per utramque Germaniam, titre qu’il portait au moment où il mourut au combat, peu après le 1er janvier 366, sous Valentinien Ier. Ce poste de comte pour les deux Germanies n’est pas attesté par ailleurs, mais le titre de comte militaire pour un secteur géographique important est bien connu à partir du règne de Constance II, et plaçait son titulaire au-dessus des ducs, qui ne commandaient que les troupes d’une seule province en principe. Ammien Marcellin décrit le désastre militaire subi face à une invasion alamane, dans l’hiver glacé, peu après le 1 er janvier (366 probablement), par les unités romaines envoyées contre des hordes déferlantes. E. Demougeot situe la bataille « au Sud du secteur de Strasbourg, laissé sans fortifications par Julien » (op. cit., p. 106), mais Ammien Marcellin reste très imprécis sur le lieu de la batailleLe comte Charietto avait reçu les renforts du comte Severianus, âgé et sans force d’après Ammien, quel commandait les troupes palatines des Divitenses et des Tungricani, stationnées à Chalon-sur-Saône (Cabillona). Au cours de l’assaut donné par Charietto, les lignes romaines furent enfoncées. Severianus fut jeté à bas de son cheval et tué, ce qui sema la panique ; Charietto, en cherchant à s’opposer à la débandade, tomba à son tour transpercé. Après sa mort, l’étendard des Hérules et des Bataves, corps d’élite, fut frénétiquement agité en l’air par les Alamans vainqueurs (Ammien, XXVII, 1, 1-6). Par la suite, Valentinien Ier refoula les Alamans avec difficulté.

 

Ammien Marcellin, Histoire, livres XVIl-XIX, éd. et trad. Sabbah, Paris, 1970 ; livres XXVII-XXXI, éd. et trad. anglaise J.C. Rolfe, Londres, 1964 ; Zosime, Histoire nouvelle, livre III, éd. et trad. F. Paschoud, Paris, 1979 ; A. H. M. Jones, J. R. Martingale, J. Morris, The Prosopographie Of The Late Roman Empire, Cambridge, 1971, s. v. Charieto 1, p. 200 ; E. Demougeot, La formation de l’Europe et les invasions barbares, de l’avènement de Dioclétien au début du VIe siècle, 1, Paris, 1979, p. 106, 118, 270 ; Sitzmann I, p. 291 ; Encyclopédie de l’Alsace, III, 1983, p. 1579.

Chantal Vogler (1985)