Skip to main content

CHAMLEY Paul Emile

Professeur d’économie politique, grand spécialiste de Steuart et de Hegel, (C) (★ Breitenau, Bas-Rhin 24.10.1912 † La Vancelle, id. 24.9.1992).

Fils de Joseph Emile C., scieur, et de Mathilde Schlemmer. Anne-Liese Stoffel (★ Bochum, Allemagne, 23.1.1920 † 22.12.2006) Niederbronn-les-Bains), fille de Gustave S. et Agnès Wilma, le 19.7.46 à Tübingen, où elle suivait l’enseignement de Romano Guardini, théologien catholique allemand et philosophe de la religion ; 4 enfants. Licence en droit à Strasbourg (1933), DES (Diplôme d’études supérieures) en sciences politiques (1934), en droit public (novembre 1935), en droit privé (1938). C. fut attaché à la Banque de France quand il soutint en juin 1938 sa thèse pour le doctorat en droit à l’Université de Caen, volumineuse pour l’époque, Les banques populaires françaises, citant, vu le rôle modèle de la Volksbank remontant à Schulze-Delitzsch, une bibliographie composée pour moitié d’ouvrages ou de revues en allemand (Prix de thèse). Ses premiers écrits révèlent son appartenance à l’équipe de jeunes chercheurs constituée autour de François Perroux, figure centrale des sciences économiques en France, cofondateur d’Economie et humanisme, une revue inscrite dès sa naissance en 1941 dans la mouvance catholique communautaire, et fon- dateur en 1944 de l’ISEA (Institut de science économique appliquée), principal foyer de diffusion en France de la pensée keynésienne. Service militaire au 155e régiment d’artillerie (20.4.-4.7.1936). Affecté le 18.4.1940 à un dépôt de chars et démobilisé le 28 octobre par le Centre de démobilisation des Brigades de Paris. Chargé de cours à la Faculté de droit de Rennes (1.10.39-30.9.1940 et 1.10.41- 30.9.1945), puis le 1.10.1945 à celle de Strasbourg, où, le 1.12.1945, il fut institué agrégé (section sc. économiques). Nommé pro- fesseur en février 1949 (à compter du 1.1.1948), dans la 3e chaire d’économie politique, dont le dernier titulaire avait été Henry Laufenburger ©. Les doyens de sa Faculté furent d’abord Robert Redslob ©, qui appréciait hautement son enseignement, sa science et sa conscience professionnelle, puis André Piettre, venu à Strasbourg en 1937, qui avait suivi le repli de son université à Clermont-Ferrand et fut muté en septembre 1953 à Paris. A dater du 16.5.1946, il fut mis, successivement, en position de détachement auprès du ministre de l’Education nationale (Naegelen ©) jusqu’en septembre 1947 pour être envoyé à Londres, dans le cadre des Missions françaises en Grande-Bretagne ; il se mit au courant des développements les plus modernes de la théorie économique et dirigea l’antenne de l’ISEA. Puis à Genève (1.1.1948-30.9.1948), à l’Office européen des Nations Unies, à la Commission Economique pour l’Europe, placée sous la responsabilité de Gunnar Myrdal, plus spécialement à la Division des Recherches, dirigée par Nicholas Kaldor ; il collabora également, pour la partie française, aux travaux de la section de la Planification et de la Reconstruction Européennes. Enfin, C. fut mis à la disposition du ministère des Affaires étrangères le 1.1.1950 comme chef de section d’Economie politique à l’Institut des Hautes Etudes Françaises en Egypte (ex – Ecole Française de Droit du Caire), où il participa activement aux travaux de la Société Fouad I d’Economie Politique et fut invité par l’Université Fouad I (future Université du Caire) à donner des cours de doctorat. Il fut réintégré dans ses fonctions à l’Université de Strasbourg à dater du 1.11.1953. C. a nourri son activité d’enseignement et de recherche par de nombreux contacts à l’étranger. Dès l’automne 1954, il se rendit à Fribourg en Brisgau, ainsi qu’à Fribourg en Suisse, où il retourna les 11 et 12.2.1959, puis à l’automne 1961. A partir du 1.11.1956, il séjourna 6 semaines à Stanford, Californie pour procéder à des recherches dans le cadre des échanges universitaires franco-américains. Les 24- 29.6.1957, il fut invité à Fribourg en Brisgau par le recteur et le Sénat pour le 500e anniversaire de la fondation de l’Université. C. donna des conférences en anglais à Bologne en 1959 et 1960 au Center for Advanced International Studies de l’Université Johns Hopkins. C. fit une communication au Congrès de Stresa sur « L’expérience française de politique économique régionale » (mai 1961). Les 16-18.10.1961, il fit partie de la délégation de son Alma mater, invitée par l’Université de Manchester (G-B), jumelée de facto à celle de Strasbourg. Il participa à la visite de sa Faculté en déc. 1961 à Fribourg-en-Brisgau. En 1965, il alla à Heidelberg. A partir de 1963-1964, la consultation, par un extrême souci d’authenticité, voire un « culte du texte », de fonds anciens dispersés dans des collections privées (e.g., les archives de la famille Steuart of Coltness, appartenant à Mrs Fyfe ; la bibliothèque de Wemyss Castle, etc.) ou publiques, notamment à l’Edinburgh Universlty Library (Laing Papers, Chalmers Papers, etc.), en Ecosse et ailleurs en Grande-Bretagne (château de Windsor, British Museum, etc.), ainsi qu’en Allemagne (Tübingen, Landesbibliothek à Karlsruhe, etc.) et en France (Angoulème, etc.), sur les traces en quelque sorte de l’exil du grand économiste écossais, alla faire de C. un des spécialistes de Sir James Steuart (1712- 1780), mais aussi de Hegel.

C. représenta son université, le 30.6.65, à l’inauguration de l’Université de Bochum et, les 25-28.9.1965, au Congrès de l’Association Hégélienne Internationale à Urbino (Italie). Devant la Société de philosophie de Lyon, C. parla le 21.5.1966 des origines économiques de la dialectique hégélienne. Il prononça, lors de la séance solennelle de rentrée le 22.11.67, l’éloge du nouveau docteur hc, Carl S. Shoup, Professor of economies à la Columbia University, New York, qui avait fait durant l’année 1953-1954, à Strasbourg, une série de douze cours sur les finances publiques américaines dans le cadre des échanges Fulbright. Les 26.5.-3.6.1969, il fut l’invité de l‘University Association for Contemporary European Studies, Wiston House, Steyning (G-B). Les 15-20.12.69, il donna à Manchester (G.-B.) une conférence sur le rôle de l’Université et les procédés d’intégration en Europe, à nouveau devant l‘University Association for Contemporary European Studies. Les 23- 30.8.1970, il assista à Berlin-Est au 8e Congrès international sur Hegel. Du 28.5 au 1.6.1973, il se rendit à la City à Londres avec ses collègues, maîtres de conférences ou assistants (Daloz, Fitoussi, Arrous, Cohendet, Dos Santos Ferreira Gaffard, Koenig), pour étudier le fonctionnement du Stock Exchange. Les 28.4-5.5.74, il retourna à Londres, au Warburg Institute, puis à Kiel (RFA). Les 16-27.8.1974, il assista au congrès à Budapest de l’Association économique internationale. Les 13.7.-20.7.1975, il fut invité à Yale, New Haven, où il fit une communication sur Steuart, économiste philosophe, au 14th International Congress of the Enlightment. Les 6-13.7.1975, il fut invité par l’Institut für Weltwirtschaft à Kiel au symposium sur the organization and retrieval of economie knowledge, où il fit une communication sur les tendances de la recherche et les besoins de la documentation relative aux systèmes économiques. Enfin, du 2.10-15.11.1979, il fut appelé au Japon par la Society for the Promotion of Science de Tokyo, où il donna plusieurs conférences relatives à l’histoire de la pensée économique.

C. enseigna l’histoire des doctrines, de la pensée et des systèmes économiques, les finances publiques, la théorie économique, etc. Dès 1954, C. suggéra, en vain, le regroupement, en un Institut de Recherches Economiques, des sections économiques à l’Institut de Droit et d’Économie Comparés. Sur sa proposition fut créé en 1966 un emploi d’assistant de mathématiques et statistique. Il favorisa la mise en place de cours de langues, afin « qu’un auteur puisse être lu dans sa langue originale » (R. Ege). Longtemps, il présida la section des sciences économiques du conseil de la Faculté de droit et des sciences politiques, dénomination à laquelle un décret du 26.8.1957 ajouta « et économiques ». C. fut l’ardent défenseur de la création d’une Faculté autonome des Sciences Economiques au sein d’une Université des sciences. La Faculté des sciences économiques, intégrée à son instigation à l’Université Louis Pasteur (ULP), l’a élu son premier doyen le 4.1.1971.

Ses derniers travaux, d’une rigueur interdisciplinaire jamais démentie, portèrent, notamment par la recherche de sources dans divers fonds en France, sur Adam Smith, Montesquieu, Hume, John Locke, Hobbes, sur la transition du mercantilisme à la physiocratie. Son ultime texte (1975) rendait compte du débat entre deux hommes qui ont tellement influencé l’œuvre d’Adam Smith ; « In particular, attention is drawn to the scepticism with which Hume treated the climatic thesis in its unqualified form, and to the emphasis he placed on the constant principles of human nature », explique Andrew S. Skinner, editor du volume, un des principaux correspondants de C. Dans l’hommage (non complaisant) qu’il a voulu rendre à C., Ragip Ege (1998) « s’est livré à un déchiffrement de la méthode mise en œuvre par [son maitre], qui s’est efforcé de faire parler les silences [des] auteurs, [montrant] que, si les correspondances entre Steuart et Hegel ont un sens, par contre celles entre Steuart et Keynes en semblent dépourvues ». L’enseignement de C. marqua les orientations d’un bon nombre de ses étudiants, fascinés par la relation des découvertes de manuscrits inexploités. Mis à la retraite en 1981, maintenu en fonction jusqu’en 1982, professeur émérite jusqu’en 1986.

Membre de la Internationale Hegel Vereinlgung et de l’Institut international de philosophie poli- tique ; Officier des Palmes académiques (1964).

Principales publications et travaux divers : Les Banques populaires en France, Paris, Les Presses modernes, 1938, 347 p. ; L’Etat et le fonctionnement du capitalisme moderne, dans L’Economie sans abondance, Lyon : Les Éditions de l’Abeille [les éditions du Cerf, Paris], collection Rencontres [« qui cherche à définir et à aider le chrétien et la France, le chrétien en France »], n° 6-7 (contributions de F. Perroux, A. Detoeuf ©, A. Sauvy, etc.) ; Le commerce, dans Maunier (René), Eléments d’Economie Coloniale, Paris, Sirey, 1943 ; L’Oligopole, Paris : PUF, 1944 (collection Theoria dirigée par François Perroux) ; Les Comités d’Entreprise en Angleterre, Droit Social, 8, 1945, p. 263-270, 308-316 ; Remarques sur la théorie de l’oligopole, Revue d’Economie Politique [REP], 56, 1946, p. 110-113 (réponse à Pierre URI, Deux études récentes de théorie économique, ibid, 55, n° 1-2, janv.-fév. 1945, p. 71-80) ; Introduction à Le Coût et le prix, contributions à une controverse, Paris, ISEA, Cahiers série B, Annexe 3, 1.8.1947, 115 p., La convertibilité des monnaies européennes, L’Egypte contemporaine, 1949-1950 ; La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Economie Appliquée : Archives de l’Institut de science économique appliquée, [1], 1948, p. 357-399 ; Sur la détermination des prix dans l’oligopole, Zeitschrift für Okonometrie, 1951, n° 2; Le plan Schuman, Revue Egyptienne de Droit International, 1951 ; Théorie économique et principes de gestion des entreprises privées, Revue Economique, n° 1, 1956, p. 19- 38 ; La théorie de l’intérêt selon le Professeur Friedrich Lutz, REP, 67,1957, p. 912-919 ; Sir James Steuart : Inspirateur de la Théorie générale de Lord Keynes ?, REP, 72, 1962, p. 303-313, réimpr. dans le vol. 7 des Collected Works (1995) ; Steuart et Keynes : réflexions sur le commentaire de M. Lambert, REP, 73, 1963, p. 105-109, réimpr. id ; Economie politique et philosophie chez Steuart et Hegel, Paris, Dalloz, 1963 (Annales de la Faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Strasbourg, n° 12) ; Les origines de la pensée économique de Hegel, Hegel-Studien, Band 3, Bonn, H. Bouvier, 1965, p. 225- 261 ; Doctrine économique et conception du travail, ibid, 1965 ; Documents relatifs à Sir James Steuart, Paris, Dalloz, 1965 (Annales…, n° 14) ; Notes de lectures relatives à Smith, Steuart et Hegel, REP, 77, 1967, p. 857-878 ; The conflict between Montesquieu and Hume : A study of the origins of Adam Smith’s universalism, dans Skinner (Andrew S.), Wilson (Thomas, eds), Essays on Adam Smith, Oxford : Clarendon Press, 1975, p. 274- 305.

Etat civil de La Vancelle ; Université de Strasbourg 1946 (année scolaire 1945-1946) et rapports annuels suivants, jusqu’au dernier paru en 1967 ; Revue d’Economie Politique, 103, n° 2, mars-avr. 1993, p. 305-306 (In memoriam, Département d’histoire de la pensée économique du Bureau d’économie théorique et appliquée – BETA, ULP) ; Rapport à M. le recteur sur les relations internationales des universités de l’académie de Strasbourg (Rapport Springer), [1971], non publié ; EGE (Ragip), La lecture nouvelle de Steuart par Paul Chamley, Economies et sociétés, Cahiers de l’ISMEA, « Œconomia », Série P.E. – Histoire de la pensée économique, n° 27, nov.-déc. 1998, p. 105-122 (n° spécial, actes du premier colloque international consacré à l’autre grand économiste écossais de la fin du XVIIIe siècle, James Steuart en 1995, publié également en anglais, The Economies of James Steuart, Routledge) ; A. Gaugler, à paraître.

Antoine Gaugler (2007)