Directeur de théâtre (C) (★ Strasbourg 22.6.1852 † Paris 12.12.1938).
Fils de Henri Simon Marie Carré, négociant, et d’Émilie Hepp. ∞ 21.10.1929 à Paris (IXe) Marguerite Caroline Giraud. Neveu du librettiste Henri Carré, il avait développé, tout jeune, dans sa ville natale des talents d’acteur sur une scène improvisée (salle de l’Union des Arts). Réfugié en Suisse durant la guerre de 1870, il gagna sa vie dans une troupe locale. Installé en France en octobre 1871, il y fit toute sa carrière, d’acteur et d’auteur (Le Dr. Jojo, Vaudeville, 1880) avant d’accepter des responsabilités administratives : il fut successivement directeur du théâtre de Nancy (1884-1885), du Vaudeville (1885-1898), de l’Opéra-Comique (1898-1914), administrateur général de la Comédie française (1914) puis à nouveau directeur de l’Opéra-Comique (1918-1932) et finit ses jours, dans la gêne, en écrivant ses mémoires. A. Carré s’était trouvé à Strasbourg pendant le siège d’août 1870, et avait gardé, avec un patriotisme ombrageux, quelque gêne d’avoir passé en Suisse la fin de la guerre : en 1914, il prit volontairement le service avec le grade de colonel. Gallieni le chargea de regrouper et d’administrer les volontaires alsaciens-lorrains de l’armée française, tâche à laquelle A. Carré sacrifia sa propre carrière à la Comédie française. Il n’avait jamais perdu de vue l’Alsace où il avait parfois joué ou organisé des spectacles français avant 1914. Après 1918, il fit campagne pour l’installation d’une troupe itinérante, basée sur Strasbourg, qui diffuserait en Alsace-Lorraine « la bonne parole, c’est-à-dire le français ». En 1926 il participa à la fondation de l’Association pour la propagation de la langue nationale en Alsace. Il encouragea le recrutement de Calmettes © comme directeur du Théâtre de Strasbourg et accepta à cette occasion un poste de « conseiller technique » tout en restant à Paris.
La sœur d’Albert Carré, Eugénie, née à Strasbourg en 1860, épousa en 1881 le baron Ludwig von Stoetzer, officier d’état-major. Il fut promu gouverneur de Metz en 1901 et général commandant le 16e corps d’armée de Lorraine en 1903. Il mourut le 18.4.1906. Les Carré rompirent les liens avec Eugénie. Albert ne revit sa sœur, veuve et sans enfants, qu’après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France et 40 ans de rupture.
Les engagés volontaires alsaciens-lorrains pendant la guerre, Préface du Général de Castelnau, Paris 1921 ; Souvenirs de Théâtre, publ. par P. Favart, gendre d’A. Carré, Paris, 1951.
Dictionnaire de biographie française, VII, 1223 ; témoignages sur les Stoetzer et le drame de la rupture dans Souvenirs, op. cit. p. 424, la presse (par ex. Ruy Blas du 6.2.1916 et Le Temps, 29.2.1916 ; La Lorraine annexée, 1870-1918, thèse de doctorat d’État de F. Roth, Nancy, 1976.
Jean-Yves Mariotte (1985)