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CAPITON

(traduction latine et humaniste de Köpfel ; surnommé en latin Fabritius ou Faber, d’après la profession de son père) Wolfgang, théologien, réformateur strasbourgeois (P) (★ Haguenau 1478 (?) † Strasbourg 4.11.1541). Fils de Hans Köpfel, maître forgeron à Haguenau, et d’Agnes Kapp ; cousin de l’imprimeur strasbourgeois Wolf Köpfel ©. ∞ I 1.8.1524, à Strasbourg, Agnès Roettel († peu avant 12.11.1531), fille de Hans Ulrich Roettel, de la corporation des pêcheurs, membre du Conseil des XV de Strasbourg de 1518 à sa mort 1522, et de Margarethe Gimbrecht, fille d’un tonnelier, ∞ II 11.4.1532 (?) Wibrandis Rosenblatt (★ Bâle (?) 1504 † 1.11.1564 à Bâle), fille de Hans Rosenblatt de Säckingen, capitaine au service de Maximilien Ier, et de Magdalena Strub de Bâle ; veuve de Magister Ludwig Keller (Cellarius † été 1526), puis du réformateur bâlois Joh. Oecolampade † 22/23.11.1531), future femme du réformateur strasbourgeois Martin Bucer © (1542).

A. Formation et carrière d’humaniste

Élevé à Haguenau, Capiton entreprit des études supérieures à l’Université d’Ingolstadt où il fut fait bachelier ès arts en 1501, puis à Heidelberg (1504) et à Fribourg-en-Brisgau (1505-1512), où il fut fait maître ès arts (1506/1507), puis licencié (1512) et docteur en théologie (151.5). Formé dans la scolastique de la via antiqua, au contact des humanistes conservateurs rhénans (J. Wimpfeling ©, U. Zasius, G. Reisch), Capiton fit durant ces années-là la connaissance de M. Zell ©, U. Rhegius et Jacques Sturm ©, futurs adhérents de la Réforme, ainsi que celle de J. Eck et de Th. Murner ©, ses futurs adversaires. Prédicateur à la collégiale de Bruchsal (1512-1515), Capiton se sentit à l’étroit parmi les chanoines et les paysans. La connaissance d’Oecolampade et de l’hébraïsant C. Pellican ©, et son apprentissage de l’hébreu, annonçait sa future orientation patristique et biblique. C’est à Bâle, où il s’installa en 1515 en qualité de prédicateur à la cathédrale et exerça dès lors des fonctions professorales à l’Université, qu’il put déployer ses talents, comme l’attestent son commentaire de l’Épître aux Romains, résultat de prédications latines très suivies (1518/1519), sa collaboration au Nouveau Testament grec d’Erasme (1516), son manuel d’hébreu (Hebraicarum institutionum libri duo, 1518) et des publications patristiques. Sa découverte de Luther, suivie de contacts avec le réformateur, marque déjà son commentaire de l’Épître aux Romains. Appelé en 1520 à Mayence comme conseiller auprès de l’archevêque Albert de Brandebourg, figure-clef de l’appareil ecclésiastique et politique impérial, Capiton adopta une attitude érasmienne d’apaisement en retardant l’application des édits antiluthériens et en essayant de modérer le parti luthérien (Hutten). Capiton prêcha à Mayence, y publia un pamphlet d’Erasme contre E. Lee, rencontra Frédéric de Saxe et Luther en 1520, tout en cherchant vite une porte de sortie.

B. Le réformateur strasbourgeois

La tempête politico-religieuse amena Capiton à se retirer en mars 1523 à Strasbourg, pour y prendre possession de sa prévôté de la collégiale Saint-Thomas, que Rome lui accordait enfin après un long procès canonique. Capiton se mit à prêcher, et acquit le droit de bourgeoisie le 7 juillet. Les deux partis religieux en présence le mettaient également en cause ; sa conversion au mouvement évangélique, après quelques hésitations, fut précipitée par les événements, par l’influence de M. Zell © et par l’expérience nouvelle d’une prédication adressée à un peuple urbain avide de la parole de Dieu. Après la publication d’une apologie personnelle à l’intention de l’évêque de Strasbourg (Entschuldigung), puis celle d’un «appel» des clercs mariés et excommuniés, la cause de Capiton finit par se confondre avec celle de la réforme strasbourgeoise, dont Capiton prit la tête, notamment contre C. Treger ©. Son mariage avec A. Roettel, sa prévôté de Saint-Thomas, et son élection populaire, ratifiée par le Conseil de la cité, à la cure de Saint-Pierre-le-Jeune, donnèrent une assise institutionnelle à son nouveau rôle religieux. L’ancien élitisme religieux et humaniste de Capiton céda la place à un engagement réformateur soucieux d’agir dans le cadre de la légalité municipale, contre les impatients et les violents, mais susceptible aussi de faire pression sur les autorités urbaines pour hâter les réformes. Dans les libelles qu’il cosigna, Capiton soulignait la nécessité d’une prédication évangélique libre, soumise au jugement des fidèles, et conforme à l’Écriture. L’activité de Capiton se déploya alors dans plusieurs directions : cours d’exégèse sur l’Ancien Testament, dès le début de 1524, dans le cadre de ce qui allait devenir la Haute-École, ce qui donna lieu à la publication de commentaires bibliques (Habaquq, 1526 ; Osée, 1528) ; activités pastorales auxquelles la publication d’un catéchisme n’est pas étrangère (Kinderbericht, 1527) ; intervention modératrice à Altorf, aux côtés de Bucer et Zell auprès des paysans révoltés ; enfin, campagne de libelles et de pétitions auprès du Magistrat pour demander la suppression totale de la messe, ce qui devait être obtenu en 1529. Capiton rédigea en mars 1530 un document resté inédit, où, au nom du Conseil, il retraçait le cours des événements et des réformes des huit dernières années en vue de justifier devant l’opinion publique les transformations imposées par la nécessité de maintenir l’ordre ainsi que par la parole de Dieu (Copey eines ussschribens). Les valeurs non-dogmatiques de l’ancien érasmien trouvaient ainsi une application, au nom de l’ordre et de la paix publique, dans le processus d’une réforme municipale particulièrement radicale (abolition des anciens rites, etc.). Ces mêmes valeurs non-dogmatiques se retrouvent dans certaines positions théologiques de ces années-là. Capiton, opposé à Karlstadt sur la question eucharistique, croyait pouvoir dépasser le conflit doctrinal en cette matière en soulignant la signification et l’action spirituelle du sacrement dans le cœur des croyants. Un spiritualisme certain s’affiche en 1528 dans la dédicace du commentaire d’Osée à Marguerite de Navarre ; la lumière intérieure de l’Esprit est le fondement de l’Écriture, et peut même précéder la prédication évangélique. Cette conception, et l’idée que le prophète Osée annonce un retour définitif des Juifs en Palestine, inquiétaient les collègues de Capiton ainsi que les réformateurs suisses, d’autant plus que Capiton était ouvert et accueillant à l’égard de certains hétérodoxes, anabaptistes notamment, qu’il tâchait ainsi de retenir dans l’unité de l’Église ; L. Hätzer, A. Cellarius, dont il préfaça le De operibus, Schwenckfeld, Servet, Sattler et ses compagnons prisonniers à Horb, pouvaient se prévaloir de sa tolérance ou de sa sympathie. Mais Capiton resta finalement attaché au baptême des enfants, signe de leur adoption dans l’église, et au cadre collectif et municipal de l’église visible (malgré un refus du serment obligatoire dans la même dédicace à M. de Navarre). Ces hésitations doctrinales, mais aussi le tempérament mélancolique de Capiton, le décès de sa première femme et des difficultés financières expliquent un certain retrait de Capiton et son effacement devant Bucer.

C. Les dernières années 

L’échec de la rencontre entre son propre spiritualisme et celui de M. de Navarre, l’influence de Bucer, les responsabilités de Capiton à la diète d’Augsbourg (pour laquelle il rédigea vraisemblablement l’article eucharistique de la Confession Tétrapolitaine), puis la nécessité politique de promouvoir l’union de tous les évangéliques face à l’empereur, les exigences enfin d’une reconstruction ecclésiastique et culturelle, tout cela amena Capiton à partir de 1532 à seconder les vues et les efforts de Bucer dans le sens d’un évangélisme structuré sur le plan doctrinal et disciplinaire. Ces années sont marquées par plusieurs voyages en Suisse et en Haute-Allemagne : Capiton restait un interlocuteur privilégié des Suisses de Bâle et de Zurich dans les efforts bucériens de médiation avec Luther. La participation de Capiton au synode de Berne (1532) fut décisive pour l’organisation de la réforme bernoise. Capiton publia des commentaires bibliques posthumes d’Oecolampade, la traduction allemande d’un ouvrage d’Erasme sur l’union de l’Église (le De sarcienda Ecclesiae concordia) en 1533, un recueil de prières inspirées des psaumes, d’origine éclectique, et dont la préface reprend les thèmes d’une expérience spirituelle fondée sur la croix, qui rassemble dans un même esprit les vrais croyants (Precationes christianae, 1536). Cette esquisse d’un évangélisme « catholique », ouvert aux différentes inspirations qui avaient jusque-là marqué Capiton, trouve cependant sa forme doctrinale dans la constitution d’un front protestant dont la Concorde de Wittenberg (1536), signée par Capiton, est le signe et l’instrument. Si les derniers ouvrages de Capiton (Responsio de Missa, 1537 ; Hexemeron Dei opus, 1539) marquent un rapprochement avec un certain traditionalisme en matière théologique (doctrine de la communication des idiomes, lecture ecclésiale de l’Écriture, importance des Pères, visibilité de l’Eglise-instrument de salut) et liturgique, la critique protestante de la messe catholique reste entière. Capiton voyait dans la concorde eucharistique ratifiée à Wittenberg, et dans la constitution d’une forte discipline ecclésiastique, un moyen d’assurer l’avenir en vue des discussions entre protestants et catholiques, dont les colloques religieux de Haguenau (1540) et de Worms (1540/41), auxquels il participa, furent les essais avortés. Capiton, qui mourut de la peste en 1541, ne devait pas assister aux conséquences de cette réévaluation de la parole scripturaire, de l’autorité ministérielle des pasteurs, et de la fonction religieuse des autorités civiles dans un sens césaro-papiste. Sur les deux premiers points au moins, il a pu influencer Calvin © durant le séjour de celui-ci à Strasbourg (1538-1541). Déjà en 1525, en accueillant chez lui les Français réfugiés à Strasbourg (J. Lefèvre d’Etaples, G. Roussel, M. d’Arande), et en les faisant bénéficier de ses compétences d’hébraïsant, il avait pu marquer les orientations exégétiques de l’évangélisme français. Ce domaine reste encore à explorer. Mais c’est surtout le spirituel qui a marqué les générations futures, notamment celles du piétisme.

Sources manuscrites : les principaux fonds concernés sont les suivants : Bâle, Staatsarchiv ; Universitätsbibliothek (Kirchenarchiv) ; Strasbourg : Archives municipales de Strasbourg (et en particulier les archives du Chapitre Saint-Thomas) ; la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg possède la copie de nombreuses lettres de Capiton rassemblées par J. W. Baum (Thesaurus Baumianus). Des indications plus précises se trouvent dans la bibliographie (Stierle ; Kittelson ; Millet).

Sources imprimées. Correspondance : les publications de Capiton comptent 41 titres (voir la liste dans Stierle). Seuls quelques mémoires de Capiton ont été édités dans les dernières décennies (voir Stierle). Correspondance de Wolfgang Capiton (1478-1541), Analyse et index, éd. O. Millet (Publications de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg VIII) 1982. Voir aussi : C. Millet, « Capiton et la Réforme en France », Cahiers de la Revue de Théologie et de Philosophie, 9/I (1983), p. 268 à 273 ; C. Millet, « Un pamphlet proluthérien inédit de W. F. Capiton », Revue d’histoire et de philosophie religieuse, janv.-juin 1983 (1-2), p. 181-200 ; « La correspondance du réformateur strasbourgeois W. F. Capiton avec Jodocus Neuheller, compagnon de table de Luther (1536-1538 » , Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme français, 129 (1983) p. 73-100.

Bibliographie sélective : P. Althaus, Forschungen zur evangelischen Gebetsliteratur, Gütersloh, 1927 ; J. W. Baum, Capito und Butzer, Strassburgs Reformatoren, Elberfeld, 1860 (reprint Den Haag, 1960) ; A. Ernst/J. Adam, Katechetische Geschichte des Elsasses bis zur Revolution, Strasbourg, 1897 ; L. Febvre, Amour sacré, amour profane, autour de l’Heptaméron, Paris, 1944 ; J. Heberle, « W. Capitos Verhältnis zum Anabaptismus », Zeitschrift für die historische Theologie, NF 21 (1857), p. 285-310 ; P. W. Kalkoff, Capito im Dienste Erzbischof Aibrechts von Mainz (1519-1523), Berlin, 1907 ; James K. Kittelson, « W. Capito, The Council and Reform of Strasbourg », Archiv für Reformationsgeschichte, 63 (1972) p. 126-140 ; du même, Wolfgang Capito, from Humanist to Reformer, Leyde 1975 ; M. Lienhard, « Capito » , Theologische Realenzykiopädie, 7 (1981), p. 636-640 ; Ph. Mieg, « Capiton, le réformateur strasbourgeois ; quelques détails biographiques à propos de ses armoiries », Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme français, 64 (1925) p. 177-187 ; O. Millet, La correspondance de W. F. Capiton (1478-1541), présentation et analyse (thèse dactyl. faculté de Théologie protestante Strasbourg, 1981) ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 280-282 ; B. Stierle, Capito als Humanist, Gütersloh, 1974 ; O. E. Strasser, Capitos Beziehungen zu Bern, Leipzig, 1928 ; du même, « Die letzten Anstrengungen der strassburger Reformatoren Bucer und Capito, eine Union zwischen den deutschen Lutheranern und den schweizerischen Reformierten herbeizuführen », Zwingliana, VI/I (1934), p. 5-15 ; du même, La pensée théologique de W. F. Capiton dans les dernières années de sa vie, Neuchâtel, 1938 ; du même, « Un chrétien humaniste », Rev. d’histoire et de philosophie religieuse, 20 (1940), p. 1-14 ; J. M. Usteri, « Die Stellung der Strassburger Reformatoren Bucer und Capito zur Tauffrage », Theoogische Studien und Kritiken, 57 (1884) p. 456-525. Portrait : le seul connu est une copie gravée en 1679 par Pierre Aubry le j., voir J. Ficker, Bildnisse der Straβburger Reformation, Straβburg, 1914, p. 9 et pl. 6.

Olivier Millet (1985)