Guérisseur, « mage », fondateur d’un rite maçonnique (C) (★ Palerme 2.6.1743 † à la forteresse de San Leo, près de Rimini, 26.8.1795).
C’est sans doute en septembre 1780 qu’au terme de longues années d’aventures, Cagliostro arriva à Strasbourg avec sa compagne Serafina, et prit ses quartiers à l’hostellerie de l’Esprit, quai Saint-Thomas. L’accueil qu’il y reçut l’engagea à prolonger son séjour et il élut domicile d’abord chez l’armurier Vogt, près de Saint-Pierre-le-Vieux, puis à la maison de la Lanterne, à l’angle des rues de la Râpe et des Écrivains. Ses dons de guérisseur, libéralement prodigués aux riches et aux pauvres, lui valurent un grand succès et l’appui de notabilités telles que le maréchal de Contades ©, gouverneur militaire, et le préteur royal Gérard ©. Dès le 22.9.1780, Cagliostro, affilié depuis 1777 à la franc-maçonnerie, donna des séances d’initiation à son nouveau rite égyptien, et compta parmi ses auditeurs le cardinal Louis de Rohan © auquel il fut désormais lié pour la bonne et la mauvaise fortune. Ces puissantes protections permirent à Cagliostro de triompher aisément des attaques lancées contre lui dès 1781 par un médecin strasbourgeois, le docteur Ostertag, qui fut désavoué par le Magistrat. Cagliostro vécut à Strasbourg trois années, partageant son temps entre le traitement des malades par imposition des mains, par suggestion et par une étrange pharmacopée, et des séances maçonniques où le « grand Cophte » déployait des talents cabalistiques. Durant cette période il ne quitta la ville que pour des séjours au château épiscopal de Saverne ou pour Bâle, où le banquier Jacques Sarasin nourrissait pour lui une admiration fervente. Un bref voyage à Paris, en juillet 1781, avait été également entrepris sur les instances du cardinal qui désirait voir Cagliostro soigner son cousin le prince de Soubise. Au total, ces trois années furent les plus fastes de cette existence hors du commun, malgré les jalousies et les chantages qui commençaient à se faire jour. Le 13.6.1783, Cagliostro et Serafina quittaient Strasbourg pour un nouveau périple. Après un crochet par Naples, un séjour à Bordeaux et à Lyon – où la loge du rite égyptien allait connaître son meilleur succès – la mauvaise étoile de Cagliostro le ramena à Paris où bientôt, comme familier du Cardinal, il fut impliqué dans l’affaire du collier. Embastillé, reconnu innocent, il fit néanmoins figure de mauvais génie du naïf prélat. Expulsé de France, honni de beaucoup d’anciens zélateurs, il alla se jeter bien inconsidérément dans les griffes de l’Inquisition romaine, qui l’emprisonna à vie comme magicien et comme maçon. La personnalité de Cagliostro n’a pas fini d’être discutée. Il semble avoir joui d’un don réel de guérisseur et de certaines prémonitions, mais s’être grisé à son jeu jusqu’à la mythomanie. Ses expériences d’alchimie, ses séances d’illuminisme, dénotent une curieuse combinaison de charlatanisme et d’esprit parascientifique qui a scandalisé les positivistes du siècle dernier. La science moderne, qui accorde quelque place à l’irrationnel, est moins absolue dans sa condamnation. « Pour avoir exercé sur son entourage un tel ascendant, il devait effectivement avoir été doué de facultés parapsychiques » (D. Dalbian).
Sources et bibliographie relatives au séjour en Alsace : Archives municipales de Strasbourg, AA 2110 (fonds du préteur) ; Archives Sarasin (Archives d’État de Bâle). Cagliostro a inspiré d’innombrables travaux d’études ou de fiction, dont on trouvera la liste dans Denyse Dalbian, Le comte de Cagliostro, Paris, 1983. Sur son séjour en Alsace, cf. surtout Marie Joseph Bopp, « Cagliostro, fondateur de la maçonnerie égyptienne, son activité particulièrement en Alsace, étude sur une secte maçonnique », Revue d’Alsace, 1957, p. 69-103 (avec la bibliographie antérieure); quelques anecdotes dans L. Spach, « Cagliostro à Strasbourg », Œuvres choisies, t. V, 1871, p. 61 -80.
Jean-Yves Mariotte (1985)