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BOMMER Alice

Photographe, (C) (★ Cologne-Lindenthal, 7.1.1923 † Rosenwiller, 10.9.2004).

Fille de Paul Bommer, commerçant et d’Anna Angélique Held. Les parents, tout deux Messins d’origine, se trouvaient en déplacement professionnel à Cologne en 1923, peu après, ils s’établirent à Strasbourg. A 18 ans, Alice fit connaître son intention de devenir photographe. Elle effectua un stage pratique chez un photographe de Heidelberg, le Photo-Haus Emit Bruckert, durant les sept premiers mois de 1941, où elle fit exclusivement du travail de laboratoire. A la fin de l’été 1941, elle entra à la Bayerische Staatslehranstalt für Lichtbildwesen, école supérieure de photographie de Munich (qui regroupait quelque 500 apprentis photographes). Comme le montrent ses travaux effectués dans cette école, elle a été marquée fortement par le courant photographique de la « Nouvelle Vision » (Neue Sicht) ou Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit), soit le courant le plus marquant des années 20 et 30 en Allemagne. Elle n’a pu manquer de croiser également les tenants du réalisme photographique (souvent avec mise en scène) qui a caractérisé les régimes forts des années 20 et 30. Surtout elle a appris une technique extrêmement rigoureuse d’analyse de l’objet à photographier, de composition, d’éclairage qui l’a marquée durablement. La formation technique (chimie de la photo dont le traitement et la fabrication des couleurs, optique, reproduction, copie, retouche) était très poussée dans cette école ; les élèves étaient formés à la photographie de portrait, d’architecture, de publicité, de reportage, etc. Lorsqu’en juillet 1943, furent proclamés les résultats des deux classes parallèles de fin d’études, elle eut l’une des émotions de sa vie: elle fut proclamée major de l’école. Ce résultat valut aussitôt à Alice Bommer une proposition d’embauche de la Bavaria (société cinématographique bien connue) qu’elle déclina pour venir faire carrière en France. En novembre 1943, elle fut embauchée comme photographe des musées par Kurt Martin qui, à cette époque, dirigeait les musées de Strasbourg. Le bombardement de septembre 1944 détruisit son atelier dans les locaux de l’Œuvre Notre-Dame (qu’elle avait quitté à la dernière minute). Comme quelques autres photographes, elle se lança, sans aucune mission et sans aucune aide, dans une série de reportages portant sur les quartiers ruinés aux abords de la cathédrale et sur les dégâts que celle-ci avaient subis. Elle fonctionna comme photographe indépendante, fit la couverture de l’actualité, assista à l’arrivée des Alliés à Strasbourg, etc. De la revue Jeune Alsace, dirigée par Alexandre Jessel, elle obtint une carte de presse, mais, mais guère d’autres moyens : à la manière d’une Lee Miller et au même moment, elle est quasiment reporter de guerre et suit les troupes françaises et alliées dans l’Allemagne du Sud qu’elle connaît bien. Ses reportages parurent dans Jeune Alsace (elle devait collaborer avec cette revue jusqu’à l’extinction de celle-ci en septembre 1946). De retour à Strasbourg, elle avait assisté aux fêtes spontanées ou non de la libération, aux premières revues, aux visites de personnalités en vue, hommes politiques et généraux (elle se trouva ainsi aux côtés de de Lattre notamment, de Leclerc, de de Gaulle, de Winston Churchill …). Des photos bien connues et publiées encore récemment de de Lattre sont d’Alice Bommer. Outre l’excellent bagage de sa formation, Alice Bommer avait donc acquis en un espace de temps très court une expérience considérable (photographe de musée, photographe de guerre, etc.). En 1947, elle fut vraisemblablement la plus jeune des invités de la SFP (Société française de photographie) : elle exposa, en compagnie de Laure Albin-Guillot, Boubat, Bovis, Brassaï, Doisneau, etc., à la première exposition d’après-guerre de cette vénérable société. Elle ne cultiva pas les relations parisiennes et ne rechercha pas les opportunités d’expositions. Cependant, à la demande de Robert Heitz ©, président de l’association de l’AIDA (Artistes indépendants d’Alsace) et personnalité influente de l’art en Alsace, elle réalisa une importante et précieuse série de portraits d’artistes qu’elle présenta en même temps qu’une partie de ses travaux antérieurs en juin-juillet 1948 à la Maison d’art alsacienne de Strasbourg, où elle exposa en compagnie de Jacqueline Rau, photographe amateur bien connue. Ultérieurement, elle ne montra plus guère ses travaux (éventuellement et très occasionnellement, dans le cadre de présentation de travaux d’élèves qu’elle avait formés). Il n’était pas évident, au cours de ces années-là, de s’imposer en tant que femme dans un métier de terrain comme celui qu’elle entendait exercer. Femme photographe, elle s’imposa néanmoins et se signala largement à l’attention par son enthousiasme et sa détermination (elle-même rappelait que certains l’appelaient la « folle de la photographie ») et surtout par la qualité de ses réalisations. Ses capacités professionnelles, son talent lui valurent d’être embauchée par le service photographique des monuments historiques (contrats à temps, lorsque des crédits étaient disponibles) en Alsace (1946-1948), en Champagne-Ardennes (à Langres), à Paris (1948-1949). Plus tard encore, elle réalisa une couverture des vitraux de la cathédrale de Strasbourg. Elle travailla aussi pour des architectes privés (Stoskopf notamment) et, bientôt, ceux-ci appréciant, outre ses qualités de photographe d’architecture, celles de portraitiste, feront photographier leurs enfants par Alice Bommer qui se trouva alors, pour quelque temps, promue photographe d’enfants, particulièrement de bonnes familles protestantes de Strasbourg. Dès 1947, elle obtint de premiers contrats de la part de la maison d’édition Istra, ce fut, avec les directeurs d’édition successifs Antoine Fischer © et Jean-Paul Baechler, le début d’une coopération de longue durée (illustration de dizaines d’ouvrages sur le tourisme, la gastronomie, l’art du meuble, etc.). La photographe fut de plus en plus sollicitée aussi par diverses instances, ainsi les musées de la ville de Strasbourg (relations confiantes avec Hans Haug), le musée d’Unterlinden et, notamment, les services du Tourisme de la préfecture (pour la revue Départs). Auteurs et maisons d’édition continuèrent durant des décennies de s’adresser à Alice Bommer. Au fur et à mesure des publications, Alice Bommer s’imposa comme la photographe principale du monde rural, de l’artisanat, des activités industrielles et commerciales de la large région. De plus en plus cependant, les commandes d’entreprises spécialisées affluèrent : à partir de 1956 et pour trente ans, Alice Bommer entama une collaboration régulière, extrêmement fructueuse et importante du point documentaire, avec le Port autonome de Strasbourg (occasionnellement aussi avec Voies Navigables de France pour le Rhin et les canaux). Beaucoup d’autres entreprises firent appel à elle : des entreprises du port du Rhin et de la bande rhénane (Rhénalu par ex.), des entreprises de l’aire strasbourgeoise, des vallées vosgiennes (Câblerie de Rosheim, Jeudy de Schirmeck, verreries et cristalleries des Vosges du Nord, etc.). L’importante collaboration avec la firme De Dietrich s’inscrit également dans ce contexte. Elle a dit avoir disposé d’une latitude relativement grande dans toutes ses missions : dans ses photographies d’installations industrielles, d’outils de production ou de produits, elle a eu le souci très souvent d’intégrer l’homme. Alice Bommer fut également une grande professeure. Elle enseigna à l’École des Arts décoratifs de Strasbourg à partir de 1957, la quitta un temps et y revint de 1976 à 1988 ; pareillement, elle fut appelée à l’École de journalisme de 1962 à 1983. Elle a enseigné avec enthousiasme les techniques rigoureuses qu’elle-même avait apprises, augmentées d’une exceptionnelle expérience de terrain. Elle a marqué fortement ses élèves dont certains sont devenus, à leur tour, photographes professionnels, professeurs. Qualité de la composition, soin extrême apporté à son travail caractérisent les photographies d’Alice Bommer. On ne manquera pas de relever la qualité artistique remarquable de ses photographies documentaires. A côté de ses travaux de commande réalisés avec une certaine indépendance, il y a également un important travail personnel des plus intéressant : ses photographies d’animaux, de plantes, de paysages, d’atmosphères. La vision humaniste d’Alice Bommer a été assez largement diffusée : des milliers de ses clichés, principalement professionnels, ont été publiés dans les supports les plus divers et ont marqué bien des esprits.

De ses ouvrages illustrés très nombreux, on ne citera que quelques exemples : ainsi Charles-Gustave Stoskopf et son équipe… Le bilan 1947-1972, v. 1973 ; voir également la série sur la cuisine des provinces éditée par Istra, les remarquables ouvrages de Françoise Lévy-Coblentz consacrés à l’art du meuble parus chez Istra-DNA ; par ailleurs, de nombreuses revues comme Jeune Alsace, Départs, des revues et bilans d’entreprises diverses, notamment du Port autonome de Strasbourg ou encore de De Dietrich comme Bilans, Contact – dans cette  dernière revue apparaissent des photos relevant du travail personnel -, Connexion. Voir également l’ouvrage Art et technologie de l’émail publié par De Dietrich.

Ouvrages consacrés à Alice Bommer (catalogues d’expositions ayant eu lieu notamment à la CCI de Strasbourg): REGAS Monica, Alice Bommer, Strasbourg, photographies d’un port,
Publibook, Paris, 2001 ; Association De Dietrich, Alice Bommer chez De Dietrich, (Strasbourg), 2004 (textes de François Pétry et Henri Mellon).

François Petry (2007)