Famille noble, (C) originaire de Hesse, établie en Alsace à la fin du XVIIIe siècle. Parmi ses membres on relève un grand nombre d’administrateurs, de fonctionnaires et de militaires. La famille fut anoblie en 1713 et élevée au rang de baron (Reichsfreiherrenstand) en 1740. Elle acquit la saline (1787) et la seigneurie de Soultz-sous-Forêts (1788). Ses représentants les plus marquants en Alsace sont :
1. Charles Frédéric Louis Auguste dénommé Charles Auguste,
(★ Neuhoff, principauté de Fulda, 1.6.1741 † Kramerskoff, Russie, printemps 1796). Fils deLothaire François Auguste de Bode, et d’Élisabeth Amélie Antoinette Armandine von Adlerstein. ∞ 21.10.1775 à Londres Mary Kynnesley (anglicane), 11 enfants, voir ci-dessous. Charles-Auguste fit d’abord une brillante carrière militaire au sein des régiments étrangers au service du roi. À 16 ans, il entra ainsi au Royal Deux-Ponts. Il y gravit successivement les grades d’enseigne (1757), de lieutenant en second (1757), de premier lieutenant (1758), de capitaine (1767), de capitaine-commandant (1776), enfin de colonel (1779). Le 26.9.1779 il fut élevé au rang de chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis. En 1780, il changea de régiment pour être affecté comme maître de camp en second au régiment d’infanterie allemande de Nassau. Le 27.8.1786 il donna sa démission (après 45 années de service) pour rejoindre sa famille installée à Bergzabern depuis 1782. Le 12.4.1787 il acquit par adjudication pour 40 000 livres la saline de Soultz-sous-Forêts et confia le redressement de l’affaire à l’ingénieur Georges Chrétien Rosentritt. Comme le fief de Soultz devint vacant par suite du décès sans héritier mâle du prince Charles de Rohan-Soubise, maréchal de France († 4.7.1787), le baron entreprit des démarches auprès du suzerain, l’archevêque de Cologne, qui avec l’accord du roi, l’investit de la seigneurie le 10.5.1788. Le 9.12.1788, il fit une entrée triomphale à Soultz. Le vieux château féodal étant alors en ruines, il entreprit immédiatement l’édification d’un nouveau manoir résidentiel d’inspiration anglaise, mais qui en raison de la Révolution resta partiellement inachevé. Devant faire face à des émeutes de plus en plus menaçantes (1790-1791), il dut se résoudre à émigrer. Après plusieurs va-et-vient entre le pays de Bade et l’Alsace, il quitta définitivement Soultz en 1794. Il rejoignit sa famille à Gernsbach, Bade, puis se réfugia au couvent d’Altenberg, près de Wetzlar, et enfin à Saint-Petersbourg où il obtint, en dédommagement des pertes subies, l’attribution de terres à Kramerskoff et à Ropka, près de Warna.
2. Mary Kynnesley, baronne de Bode,
(anglicane) (★ Londres 1748 † Moscou août ou septembre 1812), épouse de Charles-auguste de Bode. Fille de Thomas Kynnesley, gentilhomme du Staffordshire, Angleterre. Femme de caractère, elle dirigea les affaires familiales avec beaucoup de poigne. Elle quitta Soultz dès 1791, mais sous le Consulat et l’Empire entreprit des démarches pour recouvrer ses propriétés alsaciennes. En 1802 elle revint à Soultz, puis se rendit à Paris pour défendre sa cause. Cependant ses interventions restèrent négatives en raison des événements politiques. Elle gagna alors l’Angleterre, puis retourna en Russie. Elle laissa de nombreuses lettres, des récits de ses voyages et des mémoires fort intéressants. Cette œuvre littéraire harmonieusement construite rédigée en style vif et alerte démontre toutes ses qualités d’observatrice. Par sa plume elle apporte un témoignage saisissant des événements révolutionnaires en Alsace, la manière dont ils furent perçus parmi la population ou les privilégiés, et de même relate admirablement le sort des émigrés. Il existe trois versions manuscrites de ses mémoires, deux en langue anglaise et une en langue française. Les lettres ont été partiellement réunies et publiées à Londres en 1900.
3. Philippe Clément Joseph dit Clément ou Clem,
(★ Comté de Stafford 23.5.1777 † 1844). Fils aîné de Charles-Auguste et Mary Kynnelsey. ∞ une Anglaise. Comme son père, il se destina au métier des armes et fit carrière dans l’armée russe. Il commanda notamment un régiment de cavalerie durant les campagnes de 1812, 1813 et 1814. Après le traité de paix, il revint en Alsace et chercha lui aussi à recouvrer les biens de famille. À cette fin il engagea simultanément des procès en Angleterre afin de percevoir sur les contributions de guerre un dédommagement pour les pertes subies, et en Alsace pour obtenir la restitution des propriétés situées à Soultz. En 1830, l’enclos de la saline lui fut enfin remis – mais sous la pression des créanciers impayés de son père, lui échappa derechef. La saline, le château et leurs dépendances furent ainsi vendus aux enchères en 1839.
Archives historiques des Armées ; Archives nationales (surtout série F 14) ; Archives départementales du Bas-Rhin, (série Q) ; Archives municipales de Haguenau (série J) ; Landesarchiv Düsseldorf (fonds ancien de l’archevêché de Cologne) ; J. Siebmacher, Grosses und allgemeines Wappenbuch, « Der Adel des Elsass », t. 2, 10e éd., Nuremberg, 1871, p. 4, tableau 5 ; W.S. Childe Pemberlon, The Baroness de Bode 1775-1803, Londres, 1900, avec portraits ; E. Brunck de Freundeck, « Un épisode de la Grande Révolution », Revue catholique d’Alsace, 1909, p. 213-225, 265-272 et 321-337 ; F. Dollinger, « L’Ancien Régime et la Révolution en Alsace : le dernier seigneur de Soultz », Revue alsacienne illustrée, t. XI, 1909, p. 1-29, avec portraits ; J.-Cl. Streicher, La saline de Soultz-sous-Forêts, de la libre entreprise féodale à la manufacture nationale (1663-1842), mémoire de l’École des Hautes Études en sciences sociales de Paris, 1976.
Jean Laurent Vonau (1984)